Moins de six mois après le coup de massue de la dissolution, l'Assemblée nationale française s'apprête à censurer le gouvernement de Michel Barnier, un geste inédit depuis 1962 qui plongerait le pays dans une grande incertitude politique et budgétaire. 31 députés, soit 43 de plus que le seuil requis de 288, c'est avec ce taux que la motion de censure à finalement été adopté, mercredi le 4 décembre dans la soirée. Le Premier ministre et sont équipe devrait gérer les affaires courantes jusqu'à la nomination d'un successeur avec une nouvelle équipe gouvernementale. Le gouvernement démissionnaire, légalement, ne doit pas reprendre les textes budgétaires en discussion ou de présenté des nouveaux texte cela rend dans l'impossibilité et très incertain l'adoption d'un projet de loi de finances pour 2025 avant la date limite fixée au 31 décembre 2024. Jusqu'ici par le gouvernement Barnier afin de dissuader les députés de voter la censure, à quelle conséquences économiques faut-il s'attendre ? Croissance affaiblie, assainissement budgétaire ralenti, incertitude accrue. La chute du gouvernement, sans budget pour 2025, pénalisera-t-elle la France et les Français ? Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur démissionnaire a pointé du doigt «une partie de la gauche qui a pactisé avec les insoumis». Une ligne rouge côté LR ? «La droite ne pourra faire aucun compromis avec la gauche», a t-il affirmé, vendredi. Refusé de dénoncer les folles dérives des mélenchonistes après le 7-Octobre «attaque du Hamas en Israël», et voté une motion de censure irresponsable». Selon lui, «la droite peut accepter de faire des compromis, certainement pas des compromissions». Olivier Faure est ouvert à la «discussion». «Je souhaite qu'il y ait une négociation», a assuré, vendredi matin, le premier secrétaire du PS. «On est obligés de discuter avec Emmanuel Macron puisque c'est lui qui nomme le Premier ministre et qui peut figer le jeu démocratique», a estimé le patron des socialistes. «Je vois bien qu'il n'y a pas de majorité absolue et qu'il faut bien, à un moment, venir arracher un certain nombre de décisions, en échange de compromis et de concessions réciproques», a-t-il ajouté. Olivier Faure doit s'entretenir avec le président de la République. Qui sera le prochain Premier ministre ? Emmanuel Macron à reçu, plusieurs dirigeants politiques, du Parti socialiste aux Républicains, en vue de la formation d' «un gouvernement d'intérêt général», après la censure de Michel Barnier mercredi. Le président doit recevoir les représentants de Renaissance, d'Horizons et du MoDem, dont son patron François Bayrou. Ce sera au tour des représentants du PS puis de ceux des LR en début d'après-midi. Le nom du prochain Premier ministre bientôt connu. Le président Français Emmanuel Macron a déclaré qu'il nommerait «dans les prochains jours» le nouveau locataire de Matignon chargé de former un «gouvernement d'intérêt général». L'annonce du nom d'un nouveau chef de gouvernement n'est pas attendue avant le week-end, voire lundi, et encore davantage de temps devrait être requis pour connaître la composition de sa nouvelle équipe. Une loi «spéciale» déposée dans le mois. Comme il a annoncé aussi le dépôt d'un projet de «loi spéciale» au Parlement à la mi-décembre, pour «appliquer en 2025 les choix (budgétaires) de l'année 2024», cette loi, comme le stipule l'article 45 de la loi organique relative aux lois de finances, sera déposée «avant la mi-décembre au Parlement», «une loi temporaire permettra, comme c'est prévu par notre Constitution, la continuité des services publics et les affaires courantes. Elle appliquera pour l'année 2025 les choix de l'année 2024.» Le suspense paraît limité sur le papier : la censure du gouvernement de M. Barnier, un vétéran de la droite française de 73 ans, est d'ores et déjà demandée par une large majorité de députés issus de la gauche et de l'extrême droite. Les deux motions de censure déposées par l'opposition de gauche (Nouveau Front populaire) et par l'extrême droite (le Rassemblement national et ses alliés) sont soutenues par 325 députés, largement plus que les 288 nécessaires pour faire tomber le gouvernement, ce qui n'est plus survenu en France depuis 1962. Un «réflexe de responsabilité» des députés est toutefois «possible» pour éviter la censure de l'exécutif, dans «l'intérêt supérieur du pays», a espéré mardi soir Michel Barnier, interrogé sur deux chaînes de télévision. Le président Emmanuel Macron, en voyage en Arabie saoudite, a de son côté affirmé qu'il ne pouvait «pas croire au vote d'une censure » du gouvernement, ajoutant que renverser l'exécutif serait « une dissolution des esprits». Cette possible censure fait suite à des mois d'une vie politique mouvementée, démarrée par la dissolution de l'Assemblée nationale décidée en juin par le chef de l'Etat, après des élections européennes qui avaient acté la déroute de ses troupes face à l'extrême droite. S'en étaient suivies de longues discussions aboutissant à un fragile gouvernement de droite et du centre, quand la gauche représente la première force de la chambre basse, devant le centre macroniste et l'extrême droite, sans qu'aucune de ces forces ne dispose d'une majorité. La gauche, dénonçant un « hold-up électoral », avait déjà présenté une motion de censure début octobre, que l'extrême droite s'était refusée à voter, permettant au gouvernement de survivre. Budget dangereux pour les Français ? «Censurer ce budget est, hélas, la seule manière que nous donne la Constitution pour protéger les Français d'un budget dangereux, injuste et punitif», a toutefois justifié Marine Le Pen, à qui le Premier ministre a tenté, en vain, d'arracher la neutralité dans un vote relatif aux dépenses de santé et de retraites. Trois fois candidate malheureuse à l'élection présidentielle, Marine Le Pen a les yeux rivés sur le prochain scrutin présidentiel prévu en 2027. Mais son destin politique est suspendu à une décision de justice attendue le 31 mars: elle risque une peine de cinq ans d'inéligibilité avec effet immédiat pour un détournement de fonds du Parlement européen au profit de son parti. En cas de censure, il reviendrait à M. Macron, élu en 2017 et réélu en 2022, de désigner un nouveau Premier ministre. Il lui avait fallu près de 50 jours pour nommer M. Barnier le 5 septembre, après moult rebondissements et polémiques. Cette instabilité politique explique en partie la nervosité des marchés, dans un contexte de lourd endettement : le taux d'emprunt à 10 ans de la France est même passé très brièvement au-dessus de celui de la Grèce, traditionnel mauvais élève en la matière dans l'UE, mercredi dernier. Le gouvernement français risque de tomber pour avoir prévu 60 milliards d'économies dans son projet de budget 2025. Son objectif est de ramener le déficit public par rapport au PIB d'abord autour de 5% – contre 6,1% en 2024 -, puis en dessous du plafond européen autorisé de 3% en 2029. Cette nouvelle crise politique survient juste avant la réouverture ce week-end de la cathédrale Notre-Dame de Paris, cinq ans après son incendie le 15 avril 2019, avec de nombreuses personnalités attendues dont le président élu américain Donald Trump. La France avait déjà un gouvernement chargé d'expédier les affaires courantes quand elle a accueilli les JO l'été dernier. Une sortie de crise est «possible» ? Un « réflexe de responsabilité » des députés est « possible » pour éviter la censure de l'exécutif, a jugé le Premier ministre français Michel Barnier dont le gouvernement pourrait tomber le lendemain par les voix jointes de la gauche et de l'extrême droite. «Je pense que c'est possible qu'il y ait ce réflexe de responsabilité ou, au-delà des différences politiques, des divergences, des contradictions normales dans une démocratie, on se dise qu'il y a un intérêt supérieur », a-t-il déclaré. «Je pense que l'intérêt supérieur du pays, le bien commun, l'intérêt national, ça veut dire quelque chose », a-t-il ajouté. Michel Barnier a cependant écarté la possibilité d'être renommé à Matignon s'il était censuré, s'interrogeant sur « le sens » d'un tel scénario. «J'ai envie de servir. Je vous ai dit que c'est un grand honneur. Mais qu'est-ce que cela [une rénomination comme Premier ministre, NDLR] a comme sens ? », a-t-il demandé. « Si je tombe demain, après-demain, on me retrouve là comme si de rien n'était, comme si rien ne s'était passé ? » Aujourd'hui, « ce n'est pas moi qui suis en cause », « cela dépasse très largement ma seule condition », a ajouté le chef du gouvernement qui avait dit en arrivant avoir « découvert » une situation budgétaire difficile, avec un déficit qui devrait atteindre 6,1 % du PIB en 2024. Macron ne peut pas «croire» au vote de la censure Depuis Riyad où il est en visite d'Etat jusqu'à mercredi 4 décembre, le président français Emmanuel Macron s'est exprimé sur la politique française. Il a affirmé mardi 3 décembre qu'il ne pouvait « pas croire » au vote de la censure du gouvernement de Michel Barnier. En marge d'une visite où la presse a été tenue à distance, le président s'est finalement adressé aux journalistes à Riyad. « Je ne peux pas croire au vote d'une censure», dit Emmanuel Macron, moins de trois mois après la nomination du Premier ministre Michel Barnier. De plus en plus isolé politiquement depuis la dissolution de l'Assemblée nationale en juin, le président a profité de cet échange avec la presse pour critiquer à la fois le Rassemblement national et le Parti socialiste. Le parti d'extrême droite ne pourrait pas selon lui voter un motion de censure qui insulte les électeurs du RN dit-il, celle déposée par la France Insoumise. Quant aux socialistes, ils seraient à ses yeux en perte de repères s'ils votaient la censure avec ce qu'il appelle les deux extrêmes, c'est-à-dire le RN et la France insoumise. Un seul précédent en 1962 contre le gouvernement Pompidou Le gouvernement français pourrait être renversé ce mercredi 4 décembre par une motion de censure. Une arme constitutionnelle à la main de l'opposition dont l'utilisation est courante, mais l'efficacité rarissime sous la Ve République. Et pour cause, la motion n'a abouti qu'une seule fois, en 1962. À l'époque, il n'est pas question d'un budget. Ce qui est en cause, c'est un référendum. « Le président de la République sera, dorénavant, élu au suffrage universel », lance de Gaulle en septembre 1962. L'idée du général de Gaulle passe très mal chez certains parlementaires, car à l'époque, ce sont eux qui élisent le président, le 4 octobre de la même année, une motion de censure est déposée contre le gouvernement. Pourtant allié des gaullistes, le député Paul Reynaud du Centre national des indépendants et paysans rétorque : «C'est la république qui répond «non» à votre projet. C'est notre honneur de parlementaires qui est en cause. » Grace au ralliement de cette partie de la droite à la gauche, le gouvernement Pompidou tombe dans la nuit du 4 au 5 octobre 1962 : « Monsieur Pompidou devait être victime du vote de censure acquis par 280 voix sur 480. » Une provocation pour le général de Gaulle qui maintient Georges Pompidou à Matignon, et surtout use d'une arme dont ne dispose plus Emmanuel Macron aujourd'hui : la dissolution de l'Assemblée nationale, puisqu'on ne peut procéder à deux dissolutions et donc à de nouvelles élections législatives moins d'un an avant les précédentes. « Il est tout à fait nécessaire que cette majorité s'affermisse et s'agrandisse, et d'abord qu'elle établisse au Parlement », martèle le général. Le pari est réussi aux législatives : le parti gaulliste UDR obtient une majorité plus nette. L'année 1962 restera dans l'histoire de la Ve république, puisque pour la première fois, une dissolution est prononcée, une motion de censure adoptée et un budget voté à travers une loi spéciale, faute de délai respecté. Toute ressemblance avec des faits existant serait évidemment purement fortuite.