Vendredi 13 décembre, Emmanuel Macron lui dit qu'il a l'intention de nommer Sébastien Lecornu. « Je me suis allié à vous pour faire de grandes choses, pas de petites choses », rétorque François Bayrou, qui s'est toujours méfié du ministre démissionnaire des armées qu'il tient pour un apparatchik et un courtisan.Emmanuel Macron a fini par se résigner à nommer Premier ministre son allié du MoDem, auquel il doit sans doute son élection en 2017. Mais si François Bayrou s'inscrit bien dans la matrice macroniste, les circonstances de sa nomination ouvrent un espace et des questions. Sixième Premier ministre d'Emmanuel Macron, François Bayrou a entre les mains des dés pipés. Pipés, car le chef de l'Etat refuse, depuis le mois de juillet, de traduire en actes le résultat des élections législatives de l'été, lors desquelles la majorité des Français a exprimé à la fois son refus de voir l'extrême droite au pouvoir et sa volonté d'une alternance par rapport aux politiques conduites depuis sept ans. Une nouvelle fois, la coalition arrivée en tête à l'issue de ce scrutin (le Nouveau Front populaire) n'a pas été appelée par le chef de l'Etat à former un gouvernement, au mépris de la logique institutionnelle et malgré les leçons qu'il aurait dû tirer d'une censure historique, la deuxième seulement de l'histoire de la Ve République. Emanuel Macron défend son choix. «Alors, je vous quitte», tranche le maire de Pau, dans une colère froide, actant que leur aventure commune s'arrête là. «Je vous rappelle», temporise Emmanuel Macron qui, au terme d'une folle matinée un happening qui a frôlé le vaudeville, s'est finalement résolu à le nommer. La boucle est bouclée. Le macronisme, qui a pris le pouvoir avec et sans doute grâce à François Bayrou avant de dériver à droite pourrait donc se terminer avec lui, au centre. Le nouveau locataire de Matignon a entamé samedi ses consultations en vue de constituer un gouvernement. A Beauvau, Bruno Retailleau a «donné une impulsion», plaide Gérard Larcher. François Bayrou doit s'entretenir ce week-end avec les chefs de groupes parlementaires. Le visage de François Bayrou, vingt-huitième premier ministre de la Ve République, est familier aux Français. Son parcours est connu : élu local du Béarn, ministre de l'éducation nationale dans les années 1990, candidat malheureux aux présidentielles de 2002, 2007 et 2012, et faiseur de roi de l'élection de 2017 – l'histoire retenait jusque-là qu'il avait fait entrer Emmanuel Macron à l'Elysée en se retenant de se lancer une quatrième fois dans la course à la tête de l'Etat ; il s'en était suivi pour lui un éphémère passage Place Vendôme comme garde des sceaux. Le voilà, sept ans plus tard, forçant la main au locataire de la Rue du Faubourg-Saint-Honoré pour qu'il l'installe Rue de Varenne. Contrairement à beaucoup de celles et ceux qui ont obtenu des maroquins ministériels sous Emmanuel Macron, François Bayrou ne lui doit politiquement rien. Mais, s'il prend désormais le titre de chef du gouvernement, la réalité de son poste est doublement biaisée par la volonté du chef de l'Etat et par la lecture toute personnelle des institutions de ce dernier.