Dans un documentaire du cinéaste algérien Ali Fatah Ayadi, diffusé récemment par la Télévision publique, des moudjahidine ont livré des témoignages poignants sur les tortures qui leur ont été infligées par l'armée française, durant la Guerre de libération nationale. C'est un miracle qu'ils aient pu survivre aux épreuves inhumaines qu'ils ont décrites. La plupart de ceux qui sont passés par les salles de torture de l'armée française y ont laissé leurs vies en succombant aux sévices cruels ou exécutés sommairement, les tortionnaires poussant l'abomination de leurs crimes jusqu'à faire disparaître les corps. Des milliers de chouhada sont ainsi sans sépulture. Intervenant dans le documentaire, Henri Alleg, journaliste algérien et militant pour l'indépendance nationale, a rappelé que la torture a été un instrument du colonialisme depuis l'invasion de l'Algérie par l'armée française en 1830. Il a cité le récit d'un soldat français qui a dit : « Quand je m'ennuie, je coupe des têtes, pas des têtes d'artichaut, des têtes d'Arabes ! «. De son côté, dans son livre ''La Première Guerre d'Algérie. Une histoire de conquête et de résistance, 1830-1852'', l'historien français Alain Ruscio, ami de l'Algérie, a souligné, que la résistance du peuple algérien a commencé dès le début de la colonisation, lors du débarquement de Sidi-Fredj le 14 juin 1830. D'autres historiens français notent qu'entre 1830 et 1870, la conquête coloniale française en Algérie a été d'une brutalité extrême. Ils donnent pour preuve ''l'enfumade'' des grottes de Dahra où se réfugiaient hommes, femmes, enfants et troupeaux des Ouled Riah, fuyant la répression coloniale, parmi eux, des résistants. Le colonel Pélissier a refusé de laisser en vie les résistants ayant promis de se rendre et de payer une rançon. Il les a asphyxiés selon une technique préconisée par le général Bugeaud. Le criminel colonel Pélissier a décrit dans un rapport avec des détails précis les souffrances des victimes. Il était couvert par ses supérieurs et par les dirigeants politiques qui ont légitimé la violence de l'armée coloniale française. L'épisode des grottes du Dahra Alain Ruscio fait le récit de ce fait dans un article publié dans le quotidien français L'Humanité (13 juin 2022) : « Le 14 juin 1830, le premier soldat français posa le pied sur la terre d'Algérie. Il faudra ensuite 17 années pour venir à bout de la résistance de l'émir Abdelkader... sans compter les multiples insurrections et protestations qui ne cessèrent de harceler l'occupant colonialiste. Face à cette résistance, l'armée française a recouru – sur les ordres de l'Etat, ne l'oublions jamais – à de violentes répressions, villages rasés et incendiés, exécutions de masse, déplacements forcés de populations... Au sein de cette sinistre panoplie, les enfumades prirent une place importante : contraindre des populations à se réfugier – ou les poursuivre – dans des endroits isolés, en l'occurrence des grottes, les bloquer, puis allumer des brasiers et provoquer ainsi des morts atroces. L'épisode dit des grottes du Dahra (du nom du massif entre Orléansville – aujourd'hui Chlef – et Ténès), fut abominable. Mais, s'il fut le plus connu par la publication rapide de témoignages, puis par son traitement par l'historiographie, il fut loin d'être le seul. Il y eut des enfumades avant et après Dahra, selon un ordre formel signé Bugeaud à ses officiers : si les populations résistent, « fumez-les à outrance, comme des renards ». Les faits Alain Ruscio rappelle que « le 18 juin 1845, une colonne commandée par le colonel Pélissier, chargée de « pacifier » la région, est attaquée. Elle poursuit les assaillants, mais aussi toute la population civile qui fuit. Un millier de personnes, hommes, femmes et enfants, se réfugient dans des grottes. Pélissier lance alors un ultimatum. Devant le refus de se rendre, il procède à un violent incendie à la lisière de ces refuges. On imagine la suite. Les récits qu'en fit Pélissier lui-même (rapport au Maréchal Bugeaud, 22 juin 1845) sont effrayants : « Je fis faire une masse de fagots et un foyer fut allumé et entretenu à l'entrée supérieure. Le feu dura toute la journée. J'établis mon camp dans une excellente position de manière à rester maître absolu de toutes les issues. J'étais bien certain, à la faveur de la lune et de toutes mes embuscades, de n'en laisser échapper aucun ». Mission (infernale) accomplie, toujours sous la plume de Pélissier, qui chiffra le bilan à 500 cadavres – chiffre depuis, majoré par les études historiques.» Une démarche criminelle systématique Cet acte criminel n'était pas isolé, il avait été précédé et suivi par d'autres massacres, dans une démarche visant l'extermination massive du peuple algérien. Les historiens algériens évoquent ce qui s'est passé le 4 décembre 1852 à Laghouat où près de 4.000 personnes ont été exterminées ; des obus chargés de chloroforme ont été utilisés pour faire le maximum de victimes. Ils expliquent que pour la France coloniale, il s'agissait par ce crime collectif, de faire de Laghouat un exemple pour annihiler toute velléité de résistance des autres régions du Sud du pays. Les historiens algériens évoquent également les enfumades d'août 1854 qui ont exterminé près de 1.500 personnes, brûlées vives dans la grotte de Chaâbet Lebiar, dans la région de Debboussa, commune d'Ain Mrane (Orléansville, Chlef aujourd'hui). Ils rappellent que la région de la Dahra, s'étendant d'Orléansville, à l'Est, jusqu'à Mostaganem à l'Ouest, était devenue difficile à mâter par les forces d'occupation, en raison de la résistance menée par l'Emir Abdelkader et Cheikh Boumaâza, au point où, précisent-ils, le colonialisme n'a pas trouvé mieux que la politique de la terre brûlée et des exterminations collectives, en procédant pour la deuxième fois, durant la période du 12 au 16 août 1845, à un siège de la tribu Sebih pour la pousser à se retrancher vers l'une des grottes de la région. Les historiens citent une correspondance envoyée par Saint-Arnaud à son frère dans laquelle il raconte comment les soldats français (dirigés par lui), dénués de toute humanité, ont assiégé les membres de la tribu Sebih à l'intérieur d'une grotte, dont ils ont bloqué toutes les issues, au nombre de cinq, avant d'y mettre le feu et de les brûler vifs. Le génocide Yves Lacoste, géographe et géopolitologue français, souligne que le maréchal Bugeaud a mené une politique de la terre brulée qui a pris des formes de génocide dans l'Ouest de l'Algérie. Il fait observer qu'en 1830, la population de l'Algérie était sans doute aux alentours de 3 millions d'habitants et en 1870, on en dénombre 2,5 millions. Les famines, dont certaines sont causées par l'incendie des terres, ainsi que les épidémies expliquent cette chute démographique, ainsi que les opérations de Bugeaud, ajoute-t-il. En fait, il est devenu évident par la suite, que le génocide par l'extermination de la population algérienne était motivé par la volonté coloniale d'opérer le « grand remplacement », c'est-à-dire ramener une population d'Europe qui remplacerait la population algérienne sur sa terre. C'est ce qu'a expliqué le Président Abdelmadjid Tebboune dans une interview diffusée par la Télévision publique, en évoquant la colonisation française (de 1830 à 1962) et la question mémorielle. Il a estimé que « l'Algérie a été choisie pour le grand remplacement, le vrai grand remplacement », consistant à « chasser la population locale pour ramener une population européenne par des massacres, avec une armée génocidaire ». Yves Lacoste fait remarquer que « le thème du génocide associé à la dénonciation du colonialisme », sans même qu'il soit question d'esclavage, donne le titre du livre d'Olivier Le Cour Grandmaison, ''Coloniser, exterminer'' (2005), dont le sous-titre est ''Sur la guerre et l'Etat colonial''. Sous ce titre très général, il n'est, en vérité, question que de la première phase de la conquête de l'Algérie, celle de la guerre contre Abdelkader en Oranie où, effectivement, une grande partie de la population a été exterminée, du fait de ce type de guerre. Cela permettra ensuite, trente ans plus tard, de faire venir en Algérie occidentale un grand nombre de Français paysans sans terre et de leur distribuer des terres, comme cela se faisait aux Etats-Unis à une toute autre échelle ». La preuve du génocide Dans son discours à la Nation devant les deux chambres du Parlement au Palais des Nations (Club des Pins), le Président Tebboune a fait observer que « lorsque le colonisateur a foulé le sol de l'Algérie, le peuple algérien était instruit et l'Algérie était un grenier de blé, mais la colonisation a commis massacre après massacre à travers tout le territoire de notre pays, n'apportant que destruction, ruine et extermination du peuple ». Il a rappelé « le génocide commis contre le peuple algérien durant la période coloniale dans plusieurs régions telles que Zaâtcha et Laghouat, les 45.000 martyrs des manifestations du 8 mai 1945, les autres massacres perpétrés, les enfumades, ainsi que les 500 crânes détenus par la France dont nous n'avons récupéré que 24 ». La caractéristique du colonialisme Pour les historiens et universitaires algériens, le crime commis contre les Algériens par la France coloniale est un génocide, un crime contre l'humanité et un crime de guerre. Le génocide fut une pratique coloniale française systématique préméditée. Le crime génocidaire est le signe distinctif du colonialisme. C'est, aujourd'hui, la caractéristique de l'entité sioniste en Palestine occupée comme elle fut celle du colonialisme français en Algérie. Il y a d'autres aspects qui marquent le colonialisme comme la destruction des habitations et des biens, des récoltes, par les incendies. En Algérie occupée, dans les campagnes et dans les oasis, l'armée coloniale a causé des ruines irréparables aux paysans. Partout, l'armée française a massacré les populations, ses soldats ont commis des viols. Le plus souvent, les officiers français s'en glorifient et encouragent les crimes. Pire, ils « perfectionnent » les procédés de violence contre les populations qui résistent à l'invasion coloniale. Tout cela se trouve dans les écrits des criminels colonialistes comme Montagnac ou Saint-Arnaud. Le crime imprescriptible Le samedi 13 février 1960, à une cinquantaine de kilomètres de la ville de Hamoudia (Reggane), dans le Sahara algérien, alors sous son occupation, la France effectuait le premier d'une série de 17 essais atomiques. En 1985, la Télévision algérienne a diffusé un film documentaire, ''Algérie, combien je vous aime'', réalisé par Azzedine Meddour (décédé le 16 mai 2000) et commenté par Abdelkader Alloula (assassiné le 10 mars 1994), qui a révélé au grand public, sur la base de témoignages directs, que des prisonniers de guerre algériens ont été utilisés comme cobayes durant des expériences nucléaires françaises au Sahara sous domination coloniale. Les effets de ces essais sur la population et sur l'environnement sont toujours visibles. Les conséquences de ces essais nucléaires demeurent un problème non résolu à ce jour. Pour les juristes algériens, il s'agit d'un crime imprescriptible. Des voix françaises d'experts se sont élevées pour appeler leur gouvernement à collaborer avec les autorités algériennes afin que soient retrouvées les matières radioactives enfouies dans le Sud algérien en conséquence de ces essais nucléaires. La France, rattrapée par cet odieux épisode de son passé colonial, pas du tout honorable, refuse d'ouvrir les archives se rapportant aux populations locales concernées et aux combattants de la lutte de libération qui étaient prisonniers et qui ont été utilisés comme cobayes dans ces expérimentations.