Octobre 88 ? A Paris, la date anniversaire est pratiquement passée inaperçue. Quelques courts articles dans la presse, des réunions-débats organisées ici et là par des associations… Rien qui soit à la hauteur de ce qu'a représenté vraiment l'événement pour tous les Algériens, y compris ceux qui vivent de ce côté-ci de la Méditerranée. Chacun était finalement abandonné à ses souvenirs de ces journées dramatiques, journées de fureur, de sang et d'espoir. Des souvenirs et puis, encore et toujours, des questions. Qu'est-il arrivé au juste ? Comment en est-on arrivé là ? Pour certains, les manifestants de ce soir du 4 octobre, où tout a commencé, venaient de nulle part. Pour d'autres, c'étaient des jeunes libérés de prison, tout exprès pour déchaîner la violence, les destructions auxquelles on a assisté. Quelle était la part de la révolte d'une jeunesse privée d'avenir ? Et quelle était celle de la manipulation ? Et qui en tirait les ficelles ? Le président Chadli Bendjedid n'a-t-il pas lui-même, dans une certaine mesure, mis le feu aux poudres en prononçant son fameux discours du 20 septembre 1988 où il dénonçait tout ce qui n'allait plus dans les domaines économique, social, politique, les incompétences, les gaspillages comme les enrichissements rapides, et où il n'hésitait pas à s'en prendre à des «responsables» jusqu'au «sommet de l'Etat, du parti, du gouvernement» ? D'où l'hypothèse bien connue d'une réaction de ces «responsables», cherchant à protéger leurs privilèges et n'hésitant pas, pour cela, à déstabiliser le pays. Longue est la liste des interrogations aujourd'hui encore sans réponses assurées. Il y a du pain sur la planche pour nos historiens. Pour peu qu'on les laisse travailler. Une chose est sûre, cet octobre-là demeure gravé dans nos mémoires, et y restera longtemps. Tout un système, que l'on pouvait penser inamovible, intouchable, a été ébranlé comme jamais : le parti unique, sa presse unique, sa télé unique… Et l'on s'est pris à espérer une Algérie démocratique. Vingt ans après, les principaux fruits de cet Octobre ont pu être préservés, vaille que vaille : le multipartisme et le pluralisme de la presse. Même si on a du le payer très cher. Vingt ans, c'est l'âge d'un jeune homme ou d'une jeune fille tentant de se préparer un avenir à l'université. Justement, en parlant de jeunes : les choses se sont-elles arrangées ?