Rappelons que la décision prise par l'Opep, lors de sa dernière réunion tenue à Vienne, de baisser sa production de pétrole de 520 000 barils/jour ne semble pas avoir eu un grand impact sur les marchés pétroliers. La réduction prochaine, si la décision est prise, de 1 à 2 millions de barils/jour ou plus arrive-t-elle à freiner la baisse des cours après avoir atteint le pic de plus de 147 dollars le baril ? Car les plus grands pays producteurs depuis 10 ans, qui ne sont pas ceux de l'Opep, ne commercialisent sur le marché mondial en moyenne 2005/2008 que 40/45%, 60/55% se faisant hors Opep. Car la chute du cours du baril touchera en premier lieu des pays comme le Nigeria, l'Iran, l'Algérie, le Venezuela et très partiellement les autres pays à faibles populations. Sur le devenir du prix, certains experts, en dehors des plus pessimistes qui voient un cours du dollar inférieur à 40 dollars, et d'autres très optimistes un cours allant au-delà de 150 dollars, existent deux tendances réalistes : l'une estime qu'un baril entre 80 et 100 dollars serait «l'idéal» pour le marché conciliant les intérêts des producteurs et des consommateurs. Par contre, pour l'autre, le prix raisonnable devrait fluctuer entre 50/70 dollars le baril. Tous reconnaissent que ce sont les actes spéculatifs qui ont amplifié le prix au-delà de 100 dollars du fait que la croissance de l'économie mondiale n'a pas doublé depuis 2002/2004 et donc que les fondamentaux ont peu évolué et que le prix élevé du pétrole a accéléré la bulle financière au niveau mondial, le processus inflationniste notamment des denrées alimentaires pénalisant les pays les plus pauvres, que cette aisance financière artificielle a abouti d'ailleurs à une inflation interne dans la plupart des pays pétroliers et au placement des pétro-dollars dans les banques occidentales. Cette présente analyse se veut une contribution sans passion pour que le lecteur moyen puisse comprendre quels sont les fondamentaux qui déterminent le prix du pétrole, du fait que l'Algérie est une économie rentière et donc le manque à gagner en cas d'une chute brutale du prix du pétrole (le gaz étant indexé sur celui du pétrole à un prix inférieur de (50%) à 70 dollars ; le baril aboutirait à une révision déchirante des dépenses publiques pour le futur plan 2009/2014 qui avait tablé sur un cours moyen de 110/120 dollars. Je recense sept (07) facteurs intimement liés qui sont les fondamentaux de l'explication du prix du pétrole dont le premier pour plus de 60%, restant entre 30 et 40%. Le premier facteur pour 60 à 70% est le niveau de croissance de l'économie mondiale dont on constate que les valeurs technologiques sont fortement en baisse. Les USA représentent le quart de la consommation mondiale d'hydrocarbures et ajoutée à celle des pays développés, (produisant plus de 70% de la richesse mondiale) nous aurons plus de 60% de la demande mondiale ; la Chine, le Japon et l'Inde étant forment connectés à l'économie européenne et surtout américaine pour leurs exportations malgré un important marché intérieur. D'ailleurs, les dirigeants chinois et indiens ont reconnu officiellement, le 20 octobre 2008, que leurs économies seront affectées par la crise mondiale actuelle. La forte consommation des pays du Moyen-Orient par des unités pétrochimiques ne doit pas faire illusion car la production, du fait de leurs faibles populations, elle-même étant destinée largement au marché mondial. Aussi, la baisse du taux de croissance de l'économie mondiale se répercute par ricochet sur la demande des hydrocarbures qui devrait baisser, selon les estimations entre 30 et 40% en 2009. Le FMI vient de revoir à la baisse le 8 octobre 2008 le taux de croissance de l'économie mondiale pour 2009, les pays émergents comme le Brésil, l'Inde et la Chine ne devant pas dépasser les 6%. Les Etats-Unis n'afficheraient qu'une faible croissance de 0,1% et ne «retrouveront leur potentiel de croissance qu'en 2010». La zone euro ne fera guère mieux avec un PIB en hausse de tout juste 0,2%. Et les pays émergents, notamment asiatiques, comme la Chine, qui tirent la croissance de l'économie mondiale risquent de subir brutalement cette récession. Pour preuve, de cette interdépendance de l'économie mondiale, arrimant les pays émergents, selon l'étude de cabinet Ernest Young de mars 2008, sur 1 000 plus grosses capitalisations boursières, 221 viennent des pays émergents. Deuxième facteur, le niveau des réserves, tenant des consommations mondiales, devrait s'épuiser entre 20/40 ans selon les pays et la structuration serait, selon certaines prospectives la suivante : la part du pétrole et du gaz passerait respectivement entre 2000 et 2040 de 40 et 22% à 20 et 25% avec le retour du charbon 25% (dont la durée de vie varie entre 150/200 ans) expliquant la stratégie américaine à la fois de geler son exploitation de charbon dont les réserves prouvées uniquement en charbon sont le double en termes d'efficacité énergétique que les réserves d'Arabie Saoudite, et d'étendre son influence politique et militaire sur les régions à fortes potentialités énergétiques (Moyen-Orient). Troisième facteur, les phénomènes spéculatifs boursiers, la stratégie notamment de lobbys influents du groupe texan actuellement au pouvoir aux USA à un prix bas en deçà d'un certain seuil pour éviter la fermeture des puits marginaux notamment au Texas, (qu'arrivera-t-il si les démocrates remportent les élections américaines ?), le stockage ou le déstockage notamment aux USA et des capacités de raffinage qui sont faibles surtout lorsqu'on sait que la marge bénéficiaire est extrêmement réduite, expliquant la faiblesse de l'investissement. Quatrième facteur lié, les taxes des pays développés dans le prix final à la pompe peuvent représenter, selon les pays développés, entre 50 et 70% , ces Etats accaparant ainsi une fraction importante de la rente pétrolière et gazière pour alimenter leurs budgets. Cinquième facteur, les tensions géopolitiques avec le Venezuela, le bouclier anti-missile américain en Europe et la réponse de la Russie à travers la stratégie de Gazprom, sans oublier certaines tensions avec les ex-Républiques soviétiques où transitent le gaz russe, au Moyen-Orient et avec l'Iran, porte de l'Asie, puissance régionale à terme, grand producteur, influençant certains pays riverains à grandes potentialités énergétiques (chiites) et surtout contrôlant une grande partie du passage maritime des exportations des hydrocarbures des principaux pays du Golfe à travers le détroit d'Ormuz, dont les réserves mondiales sont de plus de 60% de la planète. Sans oublier pour le cas présent, les conflits internes au Nigeria, ce pays produisant, selon l'agence internationale de l'Energie dans son dernier rapport 2007 moins de 2 millions de barils/jour accusant un déficit de plus de 800 000 barils/jour et la situation actuelle en Irak ; ce pays étant le deuxième exportateur mondial potentiel après l'Arabie Saoudite. Le sixième facteur est la valeur réelle du brent en termes de parité de pouvoir d'achat par la prise en compte tant de l'inflation mondiale que des fluctuations du dollar et de l'euro qui ont des répercussions directes sur la valeur monétaire lorsqu'on sait que ces huit dernières années, le dollar s'est déprécié d'environ 50% par rapport à l'euro, un cours du brent de 100 dollars équivalant en termes de parité euro, à 50 euros, en précisant qu'il n'existe pas de corrélations strictes de 100% entre la dépréciation ou l'appréciation du dollar et la dépréciation ou l'appréciation du cours du brent comme en témoigne l'histoire pétrolière mondiale mais une corrélation seulement de 20/30%. Septième facteur la stratégie future des pays développés qui repose sur deux éléments : premier élément est la protection de l'environnement par l'application des accords de Kyoto pour en accorder la priorité à une énergie propre, le gaz et aux énergies renouvelables (l'avenir étant le solaire), le Brésil misant l'éthanol. Et dans ce cas, un bas prix du pétrole décourage les investissements dans ces énergies de substitution. Le deuxième élément lié au précédent concerne les économies d'énergies qui accusent une avancée dans les pays développés, la commission de Bruxelles extrapolant sur une économie d'énergie d'environ 20% en misant sur l'efficacité énergétique des bâtiments qui représentent une consommation de plus de 40% pour le chauffage - l'eau chaude - le refroidissement et l'éclairage. Terminons par une note optimiste en espérant le retour à une croissance de l'économie mondiale pour début 2010 car pour l'année 2009, il y aura récession de l'économie mondiale (dans le cas contraire, il faudrait s'attendre à un cours inférieur à 50 dollars qui, avec l'inflation mondiale et la dépréciation inévitable du dollar, nous ramènerait à un cours réel à prix constant 1999 inférieur à 20 dollars). En cas de reprise, comme la plupart des spécialistes du secteur pétrolier reconnaissent que le déclin de la production de pétrole est un phénomène inéluctable, les avis divergeant fortement sur la date du pic, le baril pourrait se stabiliser entre 80/100 dollars pour un cours à prix constant 2008 du dollar entre 1,30 et 1,35 courant 2010. Car dans ce cas, la consommation pétrolière cumulée de la Chine, de l'Inde, de la Russie et du Moyen-Orient sera pour la première fois depuis le début de l'ère industrielle – supérieure à celle des Etats-Unis, selon l'Agence internationale de l'énergie. Mais attention au désastre écologique qui menacerait l'avenir de l'humanité et qui toucherait en premier lieu les pays les plus pauvres. Par contre, si la crise perdure au-delà de 2010, elle se généraliserait inéluctablement à l'Asie et au reste du monde. En résumé, le plus important est de savoir comment sont gérés nos réserves de change et si elles sont destinées au développement du pays. Espérons que l'Algérie tirera les leçons de cette crise pour le passage d'une économie de rente à une économie productive, ce qui suppose une réorientation profonde de toute la politique socio-économique actuelle, par la levée des contraintes bureaucratiques étouffants toute créativité, dont le fondement devra reposer sur une autre gouvernance et la valorisation du savoir par la réhabilitation de l'entreprise source de valeur ajoutée. DR Abderrahmane Mebtoul, expert International