Le syndrome du canal carpien représente une des principales maladies professionnelles. Quelles sont les personnes à risque ? Peut-on prévenir la survenue d'un syndrome du canal carpien ? Jean-Philippe Sabathe, ergonome au sein du groupe hospitalier Paris Saint-Joseph, nous apporte des réponses concrètes concernant cette affection handicapante du poignet. Comment contracte-t-on un syndrome du canal carpien ? Le syndrome du canal carpien est une maladie induite par une compression des nerfs, au niveau du poignet. Le mécanisme de survenue est très simple : la compression survient lorsque le poignet appuie sur un plan dur, de façon répétée et durable dans le temps, plusieurs minutes à plusieurs heures par jour. Classiquement, cette posture est en lien avec l'utilisation de l'outil informatique. En termes de fréquence, c'est l'usage de la souris qui génère le plus ce syndrome. Les personnes les plus exposées sont, donc, surtout les secrétaires, le personnel administratif, le personnel informatique, etc. Mais aussi, de plus en plus souvent, les particuliers… Le travail sur des chaînes de production peut-il, aussi, générer un syndrome du canal carpien ? Le travail à la chaîne peut aussi générer des syndromes du canal carpien mais le mécanisme sous-jacent est différent. Par exemple, dans les chaînes d'abattage de poulets, les découpes nécessitent des gestes très répétitifs, extrêmement rapides et saccadés (toutes les 3-4 secondes). La sollicitation musculaire de la main est quasi permanente, et peut induire un syndrome du canal carpien, mais par l'intermédiaire d'une inflammation et non d'une compression des nerfs du poignet. Toutefois, au final, la douleur est la même tout comme l'invalidité. Quelles sont les douleurs générées par le syndrome du canal carpien ? La douleur est, principalement, ressentie dans les doigts, en excluant, dans un premier temps, le pouce et l'index, ce qui permet de conserver la sensation de pince. Au début, ce sont donc les trois autres doigts qui sont douloureux, avec une sensation de brûlure lancinante et permanente. Dès ce stade, le canal carpien est invalidant car il est impossible de tenir certains objets. Professionnellement, on se retrouve dans l'incapacité d'assurer la tâche pour laquelle on a été recruté. La conséquence sociale est très importante, car elle peut se traduire par un licenciement pour inaptitude. Or ce syndrome est très fréquent. Il faut savoir que 2/3 des maladies professionnelles ont comme origine des troubles musculo-squelettiques. Le syndrome du canal carpien, qui fait partie de ces troubles musculo-squelettiques, représente le plus de reconnaissances en maladies professionnelles(quelque 22 000 à 23000 par an) et le plus de jours perdus en maladies professionnelles… Peut-on prévenir un syndrome du canal carpien ? En matière de prévention, il existe différentes stratégies, toutes consistent à limiter l'appui du poignet. Par exemple, dans le cadre des chaînes de découpe des poulets, il existe des couteaux dits «anatomiques», qui permettent de limiter les angulations extrêmes sur la main. Ils sont plus respectueux de l'anatomie et sollicitent moins les nerfs au niveau du canal carpien. Concernant le travail sur l'outil informatique, la prévention consiste à réaménager le poste de travail, de sorte que le poignet ne soit plus en appui sur le bureau, lorsque l'on manipule la souris. Ce type d'aménagements, notamment des bureaux des personnels administratifs, est le rôle des ergonomes. Il dépend de la nature du travail à effectuer et consiste à éviter les postures extrêmes, en repositionnant les outils ou en en acquérant de nouveaux. Classiquement, le clavier et la souris sont rapprochés du bord du bureau, afin que le bras se positionne bien dans l'axe du corps. Si l'utilisation d'un document est nécessaire (notes, papiers, classeurs), d'autres aménagements s'imposent : hauteur du bureau, installation d'une tablette, etc. Ensuite, on adapte le siège. Le siège, en lui-même, n'est jamais ergonomique. En revanche, il le devient dès qu'il est véritablement adapté à la situation de travail et à la morphologie de la personne. Il doit comporter un dossier haut, de sorte que l'assise englobe la région lombaire et aussi dorsale. Le dossier est inclinable, idéalement l'assise aussi. Pour certaines activités, on peut même proposer un appui-tête, pour soulager la région cervicale. Evidemment, tout siège doit être réglable en hauteur, et sur roulettes pour une excellente mobilité. Il comporte également des accoudoirs réglables. Ceux-ci sont préférentiellement de petite taille, voire des demi-accoudoirs, au lieu d'accoudoirs assez longs, qui ont l'inconvénient de heurter facilement le plateau du bureau et, ainsi, d'empêcher de se rapprocher suffisamment du bureau. On retiendra qu'il faut rapprocher clavier et souris du bord du bureau et disposer d'un siège ergonomique, lequel ne dépend pas de son prix, ou de son design, mais de son adéquation à la situation de travail. Toutes ces consignes sont valables au travail, mais également à domicile pour toutes activités de loisirs, qu'il s'agisse de surfer sur le net ou de chater, ou encore de jeux vidéo… et à tout âge !