Conformément aux orientations du Conseil de gouvernement de rétablir l'obligation d'investissement pour tout importateur dans le secteur du médicament, du réactif et des dispositifs médicaux, le ministère de la Santé a élaboré un nouveau cahier des charges des conditions techniques à l'importation des produits pharmaceutiques. Ce texte est actuellement chez le Premier ministre pour approbation. Ce nouveau cahier des charges qui a été établi par la direction de la pharmacie du ministère de la Santé, et qui a été avalisé en l'état par un pseudo comité de concertation, est en décalage par rapport à la réalité du marché et de la réglementation internationale. En effet, comment peut-on exiger des importateurs d'avoir trois mois de stock alors qu'ils sont six à distribuer les produits d'un même fournisseur ? Au lieu de s'occuper de la responsabilité pharmaceutique à la distribution, la direction de la pharmacie exige la responsabilité pharmaceutique à l'enregistrement, obligeant ainsi tous les exportateurs sur l'Algérie d'ouvrir un bureau de liaison. Comme si un bureau composé d'un pharmacien va garantir la responsabilité pharmaceutique ! En plus de l'absurdité de cette mesure, celle-ci va à l'encontre des orientations du premier magistrat du pays qui souhaiterait encourager la consommation du générique et la production nationale. Cette mesure conforte beaucoup plus les multinationaux fournisseurs traditionnels de l'Algérie dont le chiffre d'affaires permet de répondre à une telle exigence. Les laboratoires faisant du générique ont pour le moment de faibles parts de marché et ne peuvent investir pour l'ouverture de bureaux de liaisons. En dehors des enjeux stratégiques, cette mesure est une entorse au décret exécutif N° 92/284 du 6 juillet 1992 relatif à l'enregistrement des produits pharmaceutiques. Une autre aberration, et non des moindres, est contenue dans ce nouveau cahier des charges. Il s'agit de lier le dédouanement des produits pharmaceutiques et la libération des lots par le laboratoire national de contrôle des produits pharmaceutiques (LNCPP). Une mesure qui prouve que son rédacteur n'a aucune idée de la réalité du terrain. Cette nouvelle clause prévoit que les agents du LNCPP ou du ministère de tutelle prélèvent les échantillons pour analyses au niveau des ports ou aéroports, selon leur disponibilité, qu'un temps d'attente de 7 à 15 jours pour analyse s'écoule, et qu'après cela, le produit pharmaceutique pourra être dédouané. Nonobstant le vol et le risque de détérioration des produits qui doivent être stockés dans des conditions de température et d'hygrométrie censés être maîtrisés par la direction de la pharmacie, l'on se demande également, comme nous l'ont affirmé les professionnels du secteur, comment les normes pharmaceutiques d'échantillonnage pourront être respectées dans un conteneur ?! Une telle mesure aboutira à coup sûr à des perturbations dans l'approvisionnement du marché. Quels sont les objectifs inavoués d'une telle démarche ? Quels dangers va–t-elle induire sur l'approvisionnement du marché et l'efficience des médicaments qui auront séjourné aux ports et aéroports pendant au moins trente jours ? L'article 4 rend l'importateur «personnellement» responsable de la qualité du produit pharmaceutique importé, alors qu'il est de notoriété internationale que c'est l'exploitant du produit qui est responsable de la qualité de son produit. L'article 3 tolère bizarrement qu'un intermédiaire puisse exporter vers l'Algérie. Or le bon sens aurait été d'exiger que l'importation se fasse directement de chez le fabriquant ou du moins d'un établissement pharmaceutique dûment agréé dans le pays d'origine. Sachant que dans la plupart des cas «l'intermédiaire» n'est autre que l'importateur qui a installé un bureau offshore à l'étranger pour se facturer? Pourquoi une telle permissivité ? Par ailleurs, les bureaux de facturation domiciliés à Genève, Gibraltar et autres villes étrangères peuvent–ils être considérés comme responsables pharmaceutiques ? L'article 12 comporte une anomalie de taille. Il est demandé aux producteurs nationaux et étrangers de mettre sur le conditionnement interne une dizaine d'informations. L'auteur de cet article, qui ne doit avoir aucune notion sur l'industrie pharmaceutique, n'explique pas la procédure à suivre pour une ampoule injectable, un collyre, un aérosol ou un sachet poudre par exemple qui, faute d'espace, ne peuvent contenir toutes ces informations exigées par cette disposition. L'article 27 exige du conditionneur de passer à la fabrication dans un délai d'une année. Une décision louable à plus d'un titre si le délai imparti n'était pas court, sachant que les délais d'achat des équipements sont de 9 à 12 mois, les délais de leur installation de 15 à 30 jours, les délais de qualification de 1 à 3 mois. Il ne faut pas se leurrer, en pensant qu'il est possible dans un délai très court de passer du conditionnement à la compression de gammes de produits variées et nombreuses, surtout pour ceux qui ont eu la chance ou le coup de pouce d'enregistrer vingt produits en 2008. Alors que d'autres producteurs n'ont pu que difficilement enregistrer deux à trois produits durant l'année. Il est regrettable que des dispositions régissant un secteur névralgique comme celui de la santé soientt élaborées à la hâte et sans une concertation avec les professionnels du secteur. Encore une fois, l'Algérie a raté le coche de la mise à niveau réglementaire en raison de l'entêtement du fonctionnaire qui ne veut pas entendre parler du partenaire économique. Sur un autre plan, les opérateurs de la pharmacie s'étonnent que le nouveau cahier des charges ne parle quasiment pas de la qualité et de la responsabilité pharmaceutique.La législation algérienne hésite encore à imposer un responsable pharmaceutique local pour des raisons inavouées. On a souvent parlé de lobby du médicament. Il semble clairement que celui-ci soit basé de l'autre côté de la méditerranée.