L'arboretum de Djebel Ouahch, un espace de 19 hectares plongé dans la célèbre forêt du même nom au nord-est de Constantine, fête ces jours-ci ses cent ans en étalant fièrement la grande variété d'espèces forestières qu'il renferme malgré les nombreuses difficultés qui entravent sa survie et son développement, l'avancée du béton en premier. Les responsables de la Conservation forestière attribuent, en effet, ces difficultés à l'expansion urbaine qui a vite fait d'atteindre les limites de la prestigieuse plantation et qui impose de «rechercher des solutions nouvelles et novatrices», selon les termes du chargé de la gestion du patrimoine, Brahim Djehal. Pourtant, la création dans les années 1980 du parc d'attraction de Djebel Ouahch devait constituer une première tentative de protection de l'arboretum, en partenariat avec un opérateur économique. Mais depuis, les infrastructures du parc d'attraction ont fini par être démantelées, laissant place à des «vestiges» en béton qui défigurent le site. Plus préoccupant encore, l'arboretum a hérité, à la suite de cette expérience malheureuse, de plusieurs voies goudronnées comme autant de plaies qui encouragent encore les visiteurs motorisés à délaisser les aires réservées au stationnement, malgré les obstacles posés par les forestiers, pour s'engouffrer le plus loin possible dans la forêt et à y abandonner une multitude de déchets polluants, du plastique à l'huile moteur. Avec la construction de la cité d'habitation Ziadia et des lotissements de Djebel Ouahch, la ville est désormais au seuil de la forêt et accentue la vulnérabilité de ce site naturel, une vraie fierté des Constantinois mise à mal à présent par le passage d'un tronçon de l'autoroute est-ouest, y compris un tunnel de 1 800 mètres. Heureusement, confie à l'Aps M. Djehal, le secteur des forêts a pris les devants, dès les années 1980, et a réalisé quelque 2 000 ha de reboisement au nord de la forêt Djebel Ouahch, ce qui a sans doute contribué à limiter aujourd'hui les dégâts en attendant de nouvelles mesures de protection. Ces reboisements salutaires étaient composés surtout de pins pignons et de cèdres de l'Atlas dont la régénération a constitué, semble-t-il, une «réussite intéressante», d'autant plus que cette espèce endémique traverse, depuis plus d'une décennie, dans les Aurès, dans les massifs de Blida, du Djurdjura et du Rif marocain, de graves problèmes de dépérissement. Le pin pignon c'est cet arbre qui donne un fruit que les profanes, riverains et visiteurs, confondent souvent avec la pistache. Pour l'exploitation à grande échelle du cône de pin pignon, désormais possible grâce aux reboisements intensifs réalisés, l'administration des forêts recherche des investisseurs qui soient également motivés par la protection du patrimoine forestier et de l'environnement. Coexistence d'espèces ramenées des quatre coins du globe Résultat d'un siècle d'introduction en Algérie d'essences originaires de tous les continents, l'arboretum de Djebel Ouahch recèle des espèces sylvestres qui ont fait la preuve de leur acclimatation sous ces latitudes. Une dizaine de séquoias géants ont atteint une taille respectable avant de dépérir lentement, depuis deux décennies environ, un vrai mystère pour les scientifiques qui visitent fréquemment le site. Une autre espèce de séquoia, le sempervirens, originaire de Californie et de l'Oregon (USA), se dresse encore au milieu des nombreuses variétés de pins et de chênes qui peuplent cette forêt, objet de fréquents inventaires effectués par des chercheurs et des étudiants. Le bureau national d'études pour le développement rural (Bneder) prépare même une étude en vue de classer la forêt en «aire protégée». Le visiteur intéressé par l'observation de la biodiversité dans cette forêt ne se lasse pas de s'étonner de la coexistence, dans un espace ne dépassant pas les 20 hectares, d'espèces rapportées de tous les continents. Djebel el Ouahch, qui conserve encore des sujets témoins d'une antique forêt de chêne-liège, abrite aussi de nombreuses curiosités sylvicoles, notamment un grand nombre de cèdres de l'Atlas, avec quelques sujets du cèdre du Liban et du cèdre de l'Himalaya. Sur les quatre lacs de l'arboretum, deux sont entièrement à sec, en raison de fuites probables au centre des bassins. Le quatrième lac, au milieu duquel se dresse un îlot de roseaux, abrite encore des carpes que taquinent de temps à autre quelques paisibles pêcheurs, ainsi que plusieurs variétés de canards sauvages, foulques, poules d'eau et autres grèbes. Indissociable du patrimoine de la ville de Constantine, l'arboretum de Djebel Ouahch fait partie intégrante de lÆhistoire de lÆantique Cirta et, pour cause, il a été chanté comme il se doit par de grands poètes, notamment Malek Haddad et Moufdi Zakaria. Cheikh Abdelhamid Ben Badis aussi y avait ses habitudes. De nombreux témoins rapportent en effet que l'illustre personnalité aimait à séjourner par des journées ensoleillées dans les recoins de la célèbre forêt. Le roi du Malouf, El-Hadj Mohamed Tahar Fergani a, quant à lui, animé de nombreuses fêtes sous ses arbres majestueux. Un autre musicien constantinois, feu Cheikh Toumi, rapportait que dans les années 1930, les habitants de la ville aimaient à y chasser le porc-épic, un trophée que l'on posait délicatement au pied de tel ou tel orchestre de Malouf, tout à côté d'un ou de plusieurs beaux régimes de dattes bien de chez nous.