La plupart des commentaires sont allés bon train, ce week-end, sur ce qui a été qualifié comme un échec de la démarche de régulation de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). Le constat qui a inspiré ce verdict anticipé et tout aussi erroné, c'est le fait qu'on n'ait pas vu, juste après la décision de réduction, un effet d'annonce. Cela sans se poser la question de savoir si, dans un tel contexte de crise, le marché peut se permettre le luxe de réagir à des effets d'annonce. On a vite oublié, dans l'euphorie de l'annonce, et devant la déception qui lui fut successive, que le marché pétrolier international, assommé par une crise financière et par les contrecoups de la crise économique mondiale, a perdu de sa réactivité. C'est alors qu'une véritable polémique autour d'un éventuel échec de la démarche de régulation a nourri les commentaires les plus pessimistes. Pourtant, lorsqu'on s'exprime en termes de réactivité de marché, il s'agit de savoir à quoi ce marché n'a pas réagi. Il n'a pas réagi à l'effet d'annonce qui, dans un contexte autre que celui de cette grave crise économique, aurait poussé le baril de pétrole jusqu'à deux fois sa valeur actuelle, voire plus. Or, il se trouve que les spéculateurs du marché pétrolier ont plus tendance à tirer les prix du baril vers le bas, l'instabilité de la situation économique mondiale ne leur offrant pas la visibilité nécessaire pour une prise de risque calculée. Autrement dit, à défaut de pouvoir jouer sur la marge entre les prix spots et les prix à terme du marché, les spéculateurs préfèrent ne plus agir sur ce marché qui n'obéit alors qu'à la loi implacable de la relation entre l'offre et la demande. Celle-ci étant pour le moment en déséquilibre avec plus de 400 millions de barils de pétrole excédentaires sur le marché, il faut attendre, moyennant une multiplication de jours par le nombre de barils retirés du marché, que cette quantité soit en partie épuisée, pour voir s'amorcer une remontée stable et progressive des cours. Nous sommes donc dans un contexte où la crise économique ; ses effets réels et ses effets psychologiques semblent contrebalancer l'effet d'annonce d'une mesure de réduction de la production de brut des pays de l'Opep. Mais il ne faut pas perdre de vue que les réductions antérieures, intervenues en septembre et en octobre, et dont on a dit qu'elles n'avaient eues que peu d'effets, ont eu le mérite d'avoir ralenti le rythme de la chute des prix et on a vu depuis les cours se stabiliser dans la quarantaine de dollars. Dans un contexte de crise de cette ampleur, les marchés ont tendance à avoir des réactions à retard. Fini la traditionnelle vivacité qu'on connaît, du moins jusqu'à ce que des signes d'un redressement économique commencent à se faire voir, d'abord dans les discours des politiques et des experts économiques, et ensuite, dans les faits. Pour ce qui est de la démarche de régulation en soi, il faut, pour susciter des effets réels sur les prix de pétrole, attendre que la réduction entre en vigueur, qu'elle soit appliquée avec responsabilité et discipline par tous les acteurs de l'Opep et que le marché l'intègre comme une nouvelle donne qui va le structurer pour l'avenir. En termes plus concrets, un marché ne peut pas, en temps de disette, anticiper sur une future diminution de l'offre, quand elle n'est pas structurelle ; celle-ci étant un fait de retrait volontaire et non le fait d'une crise énergétique. Et puis, l'Opep ayant joué son va-tout dans cette crise, il faudra, dans le pire des scénarii, poursuivre la démarche de régulation du marché à travers d'autres acteurs du pétrole. Et si l'on en croit les engagements, à Oran, de la Russie et de l'Azerbaïdjan et pourquoi pas aussi un ralliement de la dernière heure d'autres pays hors Opep dont on sait qu'ils subissent les contrecoups de cette dépréciation du baril de pétrole au point de ne plus pouvoir continuer leurs investissements, les prix du pétrole pourraient trouver dans ces pays de futurs chavaliers servants. Quoi qu'il en soit, hors l'effet d'annonce dont il ne fallait pas attendre une révolution, le véritable rendez-vous est fixé aux deux premiers mois de l'année prochaine, période durant laquelle la réduction sera effective et d'un effet concret, pour savoir lequel des deux aura raison de l'autre : la régulation du marché ou la crise économique mondiale. Tout autre discours pessimiste ou même optimiste n'est que de la politique.