Les années de jeunesse Haroun El-Rachid est le troisième fils de Mohamed El-Mahdi et est né, en 766, à Ray (Iran). Dans sa jeunesse, il a mené une vie de luxe, ayant pour précepteur Yahia Ibn Khaled El-Barmaki, de la célèbre famille iranienne, qui joua un grand rôle politique à cette époque. Il est devenu, à la mort de son frère, al-Hadi, en 786, le cinquième calife de cette dynastie qoraïchite. Pour s'initier aux arts de la guerre et du gouvernement, Haroun El-Rachid prit, plusieurs fois, le commandement des campagnes militaires contre les Byzantins, notamment les années 781 et 782, au cours desquelles l'armée musulmane était parvenue jusqu'au détroit du Bosphore. Plus tard, il gouverna, avec beaucoup de réussite, plusieurs provinces comme l'Egypte, la Syrie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan. A la mort de son frère El-Hadi – dont le règne n'a duré que deux courtes années – il prit le pouvoir, en 786, et s y maintient jusqu'à sa mort, en 809. Haroun El-Rachid fut le contemporain de Charlemagne, empereur du Saint Empire romain germanique, avec lequel il avait entretenu des relations cordiales. Durant sa vie, il avait deux épouses, dont la célèbre Zoubeyda (qu'il avait épousée en 781), sa cousine, qui fut la femme la plus puissante de son temps. Elle était la petite-fille du calife al-Mansour ; elle est décédée dans l'année 831. Certaines sources prêtent à Haroun al-Rachid d'avoir eu jusqu'à 2 000 femmes, dans son harem. De ses deux femmes, il a eu treize fils, dont onze sont des fils de mères esclaves, et quatre filles. On retiendra, parmi cette progéniture : Abou El-Abbas Abdellah (El-Ma'moun 813-833), Abou Abdellah Mohamed (al-Amîn 809-813), seul fils de Zoubeyda, et El-Moutassim (833-844). Essor de l'empire musulman Durant tout son règne, l'empire musulman atteindra son apogée et connut un brillant développement, en ayant des relations commerciales avec le monde connu, comme en témoigne le conte de Sindbad le marin. Baghdad, somptueuse capitale abbasside, rayonnera, alors, en devenant la plus importante cité du monde et compta, peut-être, deux millions d'habitants. Elle attirait, et charmait, par sa splendeur, son architecture et son raffinement, les visiteurs du monde entier et, vers elle, affluyaient savants, poètes, artistes etc. On venait vers l'Irak de toutes parts, de l'ancienne Perse, particulièrement, mais aussi de l'Extrême-Orient et de l'Asie du Sud. Ainsi, beaucoup d'hommes développent l'agriculture et on leur doit, aussi, de nouvelles cultures, comme le riz, le haricot, la canne à sucre, le chanvre, l'asperge, l'artichaut, les arbres à fruits, comme les mûriers ou les abricotiers. Les poètes, dans cette splendide capitale, chantaient la vie et les plaisirs (Abou Nouass) tandis que les théologiens et les savants élaboraient une culture de premier plan. Dans tous les territoires du califat, se développait un artisanat prospère dont le souvenir se conserve, de nos jours, dans le vocabulaire, comme mousseline (de Mossoul), produits damasquinés (de Damas), maroquinerie (du Maroc), etc. Sous l'administration des vizirs barmécides, Baghdad devint la capitale intellectuelle de cette époque. Des écoles, des hôpitaux et des bibliothèques furent construits. La traduction des textes latins et grecs fut encouragée, et les savants venaient à Baghdad de toutes les régions de l'empire. Auparavant, les musulmans avaient été en contact, avec les Chinois, pendant le règne du premier abbasside, Abou Al-Abbas As-Saffah, après la victoire de Talas (Kirghizistan). Cette victoire, qui a marqué l'avancée, la plus à l'est, des armées arabes a été l'occasion d'acquérir un certain nombre de techniques chinoises, dont celle de la fabrication du papier. Le papier allait rapidement remplacer le parchemin : il est plus facile à fabriquer, moins cher et plus sûr, car on ne peut facilement effacer ce qui y est écrit. Des manufactures furent créées à Samarcande, Baghdad, Damas, Le Caire. Haroun al-Rachid imposa l'usage du papier dans toutes les administrations de l'empire. La situation politique Al-Hadi, son frère, avait, de son vivant, voulu nommer son fils, Djaâfar, comme héritier. Quand il prit le pouvoir, Haroun al-Rachid contraint son neveu à faire une déclaration par laquelle il reconnaissait que le pouvoir appartenait à son oncle. Il reconnut son fils, Mohamed al-Amin – qu'il eut de Zoubeyda — comme héritier présomptif, alors qu'il n'avait que cinq ans (802). Plus tard, il décréta un arrangement entre ses deux fils : al-Amin était l'héritier présomptif, et gouvernait l'ouest de l'empire (Irak et Syrie), et al-Mamoun, fils d'une concubine perse, devenait le second, dans l'ordre de succession, et dirigeait l'est de l'empire (Khorassan). Son principal vizir fut Yahia ibn Khaled al-Barmaki, de la célèbre famille perse. L'un de ses membres épousa même Al Abbassa, sœur du calife. Le vizir était son ami d'enfance, mais l'influence de cette famille grandissait, dangereusement, avec le temps. Elle sera massacrée, plus tard, sur ordre du calife. Haroun al-Rachid rencontra beaucoup d'oppositions, et fit face à plusieurs révoltes, comme celle de 788, dirigée par un petit-fils de Hassan ibn Ali (gendre du Prophète Mohamed QSSSL), ou celle qui s'insurgea dans le Tabaristan. Un autre arrière-fils de l'imam Ali, appelé Idris (survivant de la dynastie) s'était enfui au Maroc, où il fonda un émirat, et une dynastie appelée les Idrissides. La situation générale de l'empire, à l'avénement de Haroun al-Rachid, se caractérisait par des difficultés, innombrables, sur le plan politique. En effet, la Péninsule ibérique était devenue un émirat omeyyade, depuis l'année 755. La partie occidentale de l'Afrique du Nord, on l'a vu, était contrôlée par les Idrissides, deux ans après l'arrivée du calife à la tête de l'Etat. On ajoutera l'émirat kharédjite des Rostémides à Tihert (Algérie actuelle) Au Yémen, la population se révolta, de 795 à 804, contre le gouverneur abbasside local. L'Egypte, qui vivait des impositions, écrasantes, servant à entretenir l'armée du Maghreb et une mauvaise administration, se souleva souvent (788, 794, 795). L'Ifriqiya est constamment agitée par des troubles. Alors, le calife en confia l'administration à un officier, en 797, appelé Ibrahim ben al-Aghlab. Celui-ci en profita pour fonder sa propre dynastie, en 800, les Aghlabides, qui dura jusqu'en 903. De nombreux mouvements de révoltes populaires ont lieu dans tout l'empire, comme en Syrie, restée favorable aux Ommeyyades. En dépit de tout, les inégalités sociales étaient grandes. Ces mouvements de contestation prennent, souvent, une coloration religieuse (le kharéjisme, le chiisme) contre le sunnisme du pouvoir central, ce qui a a motivé une politique de répression contre eux, des mesures restrictives, à l'égard des ressortissants des confessions chrétienne et juive, en leur imposant un costume qui les distinguait des restes des habitants. La politique extérieure En 797, une expédition militaire fut envoyée, dans la région de l'Asie Mineure contre les Byzantins, occupés par une guerre contre le Bulgares. Les troupes arabes atteignirent Ankara. En 798, l'impératrice byzantine, Irène, consentit à payer un tribut au calife. Cependant, comme pour les précédentes expéditions, cela ne se traduisit pas par des annexions de territoires aux dépens de Byzance. Des rumeurs défavorables au gouverneur du Korassan lui étant venues aux oreilles, Haroun al-Rachid prit la décision d'aller, lui même, déposer ce gouverneur abusif et, du même coup, arrêter les Ismaéliens, qui s'étaient réfugiés dans la région. Le gouverneur et le calife se sont rencontrés à Ray (près de la ville de Téhéran actuelle). Par le moyen de ses cadeaux au calife, le gouverneur du Khorasan revint en grâce. En 802, l'empereur Nicéphore Ier (760-811) succéda à Irène sur le trône de Byzance et rompit les accords avec les Abbassides en refusant de payer le tribut prévu. Haroun partit, immédiatement en campagne contre les Byzantins (806) et l'empereur chrétien, vaincu, accepta les conditions du calife, dont la marine occupa aussi les îles de Chypre et de Rhodes, respectivement en 805 et en 807. La répression des Barmécides Cette famille perse (appelée aussi les Barmakides) avait fourni des vizirs et des gouverneurs aux deux précédents califes abassides. Yahia ibn Khaled (son précepteur en 778), avait été emprisonné par le précédent calife, al-Hadi. Haroun l'a fait libérer et placé un certain nombre des membres de sa famille à différents postes de vizir, ou de gouverneur de province, leur confiant d'importantes responsabilités dans les affaires de l'État. Mais il changea brusquement d'attitude à l'égard des membres de cette famille, pour des raisons politiques, entre autres leur trop grande influence et leur mainmise sur les finances de cet État prospère. Sur son ordre, on massacra cette famille et on arrêta d'autres membres, sauf les plus jeunes enfants, (803). Haroun al-Rachid gouverna avec l'aide d'autres vizirs quelques années encore jusqu'à sa mort, à Tous (Khorassan), en 809, où il fut finalement enterré.