La Guinée a rendu un dernier hommage à l'ancien président Lansana Conté, alors que la junte militaire qui s'est emparée du pouvoir après sa mort s'efforce de rassurer la communauté internationale sur ses intentions. Quatre jours après le décès de Conté, qui avait dirigé le pays sans partage pendant un quart de siècle, le pays a réservé des funérailles nationales à l'ancien chef d'Etat. Son cercueil, recouvert du drapeau national rouge, jaune et vert, a été exposé au Palais du peuple à Conakry, en présence des présidents du Liberia, de Sierra Leone, de Guinée-Bissau et de Côte d'Ivoire. Il a été transporté ensuite devant des milliers de Guinéens massés dans le stade national, où les membres de la junte ont été acclamés par la foule. Le corps du défunt général devait ensuite être transporté jusqu'à sa ville natale de Moussayah, où il était né en 1934 et sera inhumé. Dans les heures ayant suivi l'annonce de sa mort, dans la nuit de lundi à mardi, un groupe d'officiers a annoncé qu'il prenait le pouvoir, un putsch condamné par les Etats-Unis, l'Union européenne et l'Union africaine mais auquel se sont ralliés désormais les chefs de l'armée guinéenne ainsi que le gouvernement déchu. Pour une grande partie de la population, le changement de gouvernement pourrait présager d'un avenir meilleur dans un des pays les plus pauvres du monde malgré ses richesses en minerais. La Guinée est notamment le premier exportateur mondial de bauxite, qui sert à fabriquer l'aluminium. «Ceux qui sont venus et les idées qu'ils dégagent nous rassurent un peu. Surtout je prie pour qu'ils ne changent pas», déclare Mariama Mara, une mère de famille, rappelant que Lansana Conté avait lui aussi commencé en réformant le pays avant de devenir un dirigeant autocrate et capricieux. Les deux dernières années de son régime ont été marquées par des grèves et des émeutes anti-gouvernementales réprimées dans le sang et par des mutineries au sein de l'armée ou la police. Le capitaine Moussa Dadis Camara, désigné chef d'Etat de fait par la junte, a assuré hier qu'il n'avait pas l'intention de s'accrocher au pouvoir et qu'il était vital d'éliminer le népotisme et la corruption dans son pays. «Nous sommes des patriotes (...) Nous n'avons pas l'intention de nous accrocher au pouvoir», a dit Camara, dont les propos ont été diffusés par la chaîne France 24. «Nous devons organiser une élection, libre et transparente, d'une façon digne qui honore la Guinée, qui honore l'armée guinéenne», a ajouté ce capitaine méconnu avant le coup d'Etat. Les militaires ont promis d'organiser une élection présidentielle d'ici deux ans, en décembre 2010, et Camara a assuré qu'il ne serait pas candidat. Les partis d'opposition ont approuvé avec prudence la prise du pouvoir des militaires, tout en appelant à des élections plus tôt, en 2009. «L'avenir de notre pays réside dans la paix, la liberté et la réconciliation», a encore déclaré le chef du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), nom que s'est donné la junte. «Après cela, la chose la plus importante est de combattre l'injustice, le népotisme, afin de relever le défi de la relance de l'économie de notre pays.» «Il faudrait maintenant que nous soyons accompagnés par la Banque mondiale, par ces institutions internationales pour que nous puissions être dans les conditions financières pour remplir notre mission», a ajouté le général Mamadouba Toto Camara, désigné vice-président de la junte. Camara, désigné mercredi comme chef du CNDD, qui s'est doté d'un organe de direction de 32 membres, avait déjà justifié le coup d'Etat en le qualifiant d'«acte civique» Il avait expliqué vouloir combattre la corruption selon lui endémique sous la présidence de Conté, dont le Premier ministre Ahmed Tidiane Souaré s'est dit prêt à travailler avec la junte, jeudi. Le général Camara, numéro deux de la junte, n'a pas écarté la possibilité de travailler avec l'ancien gouvernement. «Nous ne rejetons personne. Les ministres qui se sont fait prévaloir de par leurs fonctions, leurs capacités intellectuelles, nous les prendrons», a-t-il dit, ajoutant : «Mais (...) la gabegie et l'impunité, nous mettrons fin à ça.»