Le Pakistan s'est efforcé, hier, d'apaiser ses très vives tensions avec l'Inde en appelant au «dialogue» dans la région, au lendemain d'une nouvelle escalade qui a conduit les Etats-Unis et la Russie à lancer un appel au calme entre les deux rivaux. Vendredi, la crise indo-pakistanaise avait atteint son paroxysme avec l'annonce par des responsables de l'armée à Islamabad du déploiement de renforts militaires à la frontière indienne. Les relations entre les deux pays, qui se sont fait trois fois la guerre depuis leurs indépendances en 1947, n'en finissent plus de se détériorer depuis les attentats meurtriers (172 morts) de la fin novembre à Bombay, imputés par New Delhi au Lashkar-e-Taiba, un groupe islamiste basé au Pakistan. Hier, le président pakistanais Asif Ali Zardari a lancé un message d'apaisement en appelant au «dialogue» depuis la maison familiale des Bhutto, près du village de Garhi Khuda Bakhsh (sud) où plus de 150 000 personnes étaient venus rendre hommage à son épouse, l'ancien Premier ministre Benazir Bhutto, assassinée il y a un an jour pour jour, et enterrée sur place. «La solution aux problèmes de la région (...) c'est la politique, le dialogue et la démocratie au Pakistan, car la démocratie fait partie de la solution et non du problème», a déclaré M. Zardari, dont le discours était retransmis en direct par la télévision d'Etat. Un peu plus tôt, son Premier ministre, Yousuf Raza Gilani, avait été dans le même sens en réaffirmant qu'il ne se lancerait pas dans une guerre contre son voisin indien, sauf en cas de provocation de celui-ci. Le ministre indien des Affaires étrangères Pranab Mukherjee a de nouveau appelé hier Islamabad à en faire plus pour démanteler le Lashkar-e-Taiba. Le Pakistan a invariablement répondu jusqu'ici qu'il était prêt à coopérer, mais que l'Inde devait d'abord étayer ses accusations de preuves solides. Selon la presse pakistanaise de d'hier, 20 000 soldats supplémentaires pourraient être massés le long de la frontière indienne. La veille, des responsables militaires pakistanais avaient annoncé que «quelques milliers» de soldats allaient être retirés de l'instable nord-ouest du pays et transférés à la frontière indienne. Selon l'un de ces responsables, Islamabad a pris ces mesures après avoir appris que l'Inde avait agi de même de son côté. Inquiets de cette escalade, les Etats-Unis ont lancé vendredi soir un appel au calme à ses deux alliés d'Asie du Sud. Un conflit, de surcroît entre deux puissances nucléaires, n'arrangerait guère les affaires de Washington, qui pourrait notamment s'inquiéter d'une trop forte réduction des troupes pakistanaises déployées dans le nord-ouest. Les Etats-Unis, comme d'autres pays occidentaux engagés en Afghanistan, craignent qu'une baisse de la pression d'Islamabad dans ces régions considérées comme des refuges pour les extrémistes islamistes ne permette à ces derniers de lancer plus d'attaques de l'autre côté de la poreuse frontière afghane. Hier, la Russie s'est, elle aussi, déclarée «extrêmement préoccupée» par l'afflux de troupes à la frontière indo-pakistanaise, en estimant que la tension dans la région atteignait un «niveau dangereux». Les responsables indiens et pakistanais ont de leur côté multiplié les consultations diplomatiques ces derniers jours. M. Mukherjee a, ainsi, rencontré vendredi son homologue saoudien Saud Al-Faïçal, et parlé à ses homologues chinois, Yang Jiechi, et iranien, Manouchehr Mottaki, ainsi qu'à la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, selon ses services. Son homologue pakistanais, Shah Mehmood Qureshi, s'est lui aussi entretenu avec ses homologues chinois et iranien, qui ont réaffirmé leur soutien aux efforts de paix en Asie du Sud, selon les services de M. Qureshi.