Si la lutte contre le dopage a franchi un palier supplémentaire, les affaires de triche n'ont jamais été aussi pesantes qu'en 2008, une année qui aura été largement dominée par les cyclistes espagnols et marquée par l'annonce du retour de Lance Armstrong. Comme en tennis ou en football, l'Espagne aura été la grande dominatrice de l'année. Alberto Contador a remporté le Giro et la Vuelta, se consolant de fort belle manière du refus des organisateurs du Tour de France d'inviter son équipe Astana au départ de Brest. Alejandro Valverde, vainqueur du classement UCI-ProTour, a certes affiché ses limites dans les Grands Tours mais avec Liège-Bastogne-Liège, le Critérium du Dauphiné-Libéré, une étape et le maillot jaune du Tour de France ainsi que la Clasica San Sebastien à son palmarès, il n'a pas à rougir de son bilan. Quand ces deux champions s'éclipsaient, Carlos Sastre gagnait le Tour de France, Samuel Sanchez devenait champion olympique à Pékin et Oscar Freire s'adjugeait Gand-Wevelgem et le maillot vert du classement par points du Tour. Néanmoins, d'autres coureurs ont réussi à éclairer cette saison : Philippe Gilbert a gagné en février le Het Volk et Paris-Tours en octobre, Fabian Cancellara s'est contenté de Milan-San Remo et du titre olympique du contre la montre. Mark Cavendish a pris le pouvoir du sprint avec 17 victoires dont quatre dans le seul Tour de France. Son équipe Columbia a totalisé 75 succès en dix mois. Côté français, Sylvain Chavanel a enregistré sept victoires, le peloton tricolore totalisant 81 succès, chiffre jamais atteint depuis dix ans. Virulents durant le Tour de France pour dénoncer le cyclisme à deux vitesses, les coureurs français ont fait part cette année d'un changement de physionomie des courses : moins vite, moins stressant, plus ouvert, plus ludique. Pourtant, 2008 restera comme l'année des scandales à répétition. Tom Boonen a été contrôlé par les autorités flamandes. Ses performances, notamment sa victoire dans Paris-Roubaix, ne sont pas remises en cause mais son image est altérée. Le Tour d'Italie a révélé un grand grimpeur, Emanuele Sella, vainqueur de trois étapes mais un contrôle rétroactif a révélé sa faute : il s'est aidé du CERA, l'EPO de troisième génération que le peloton croyait indétectable. Passeport biologique Cette molécule a été à l'origine des affaires de l'année, notamment dans le Tour de France. Le laboratoire français de Chatenay-Malabry a mis au point, avec l'aide du laboratoire produisant le CERA, un test de détection infaillible. L'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), chargée des contrôles, a ciblé des coureurs suspects en juillet puis encore en octobre et le verdict, pour l'image du cyclisme, est terrible. La nouvelle idole italienne, Riccardo Ricco (Saunier Duval) a été démasqué. Son ami Leonardo Piepoli aussi. Le vainqueur des deux contre la montre et maillot jaune du Tour, l'Allemand Stefan Schumacher, et son ami autrichien Bernhard Kohl, troisième et meilleur grimpeur à Paris, sont tombés. Le constat est catastrophique même s'il faut se féliciter que les contrôles soient allés aussi vite que les tricheurs cette année. L'établissement du passeport sanguin, qui délivrera incessamment ses premières conclusions, sera aussi une arme de dissuasion importante. Peu importe le produit utilisé par les tricheurs, une manipulation avérée sera suffisante pour prononcer une sanction ou un arrêt de travail. «Je pense sincèrement que les données de ce passeport sanguin qui concerne tous les coureurs des équipes du Pro-Tour et Pro-Continentales vont changer bien des choses et 2008, année très difficile c'est vrai, a permis à nos responsables de la lutte contre le dopage de mettre sur pied un système très sûr», dit le président de l'Union cycliste internationale, Pat McQuaid. En cela, l'accord trouvé entre l'UCI et les organisateurs des trois grands Tours fin septembre contribue aussi à ramener de la sérénité. La décision de Lance Armstrong de reprendre la compétition en 2009 au sein de l'équipe Astana apporte, elle, son lot de commentaires passionnées. D'anciens champions, comme Joop Zoetemelk, n'en perçoivent pas l'intérêt, d'autres, comme Eddy Merckx, imaginent qu'il peinera à gagner même s'il ne revient pas pour perdre. Les pays anglophones sont enthousiastes, l'Italie se plaît à le voir disputer le prochain Giro du centenaire, l'Espagne craint pour l'hégémonie de Contador et la France redoute de revivre les heures noires de son règne. L'année 2008 s'achève sur l'omniprésence dans les médias du champion texan. Sans avoir donné le moindre coup de pédale, il est déjà redevenu le centre du monde.