Si à Alger, Oran ou Constantine, la fête de l'Achoura est célébrée par la préparation de plats traditionnels tels que la «rechta», le «roggag» ou la «chakhchoukha», il en est tout autrement à Adrar où les préparatifs commencent tôt, soit une bonne semaine avant. Traditionnellement, la population fête cet événement dans la commune de Tamentit, située à 12 km du chef-lieu. Tamentit est dissimulée derrière une vaste palmeraie que traversent des foggaras. La population locale s'affaire sans relâche au nettoyage de la cité où les sacs de semoule et de farine sont affrétés. Les femmes les réceptionnent sans répit, et dans une ambiance colorée et fraternelle, roulent ce fameux couscous, très apprécié dans la région ainsi que par les visiteurs occasionnels. Les hommes s'activent et préparent leur tenue de parade et la poudre qui fera parler leurs fusils. Dès la veille, dans les mosquées, les versets du Coran sont psalmodiés du crépuscule au lever du soleil où une grande «Fatha» regroupe l'ensemble des fidèles afin d'invoquer le pardon et la bénédiction divine. Sitôt ce rituel achevé, les gens déambulent dans les ruelles devenues trop étroites pour contenir des grappes humaines. Des troupes folkloriques constituent l'attraction principale de cette journée. Sous un rythme enivrant et effréné qui vous fait chavirer, des chants sont fredonnés en éloge au Bon Dieu et à son Prophète (QSSSL). Arborant de belles gandouras d'un blanc immaculé, des hommes dansent, armés de fusils. Leur danse soulève l'engouement de la foule puis soudain, dans un bruit assourdissant, la poudre tonne dans un immense tas de poussières, sous les applaudissements nourris de spectateurs abasourdis. Cette joie et cet enthousiasme qui se lisent sur les visages rassurent et dans un élan de solidarité général, chacun est heureux, oubliant pour un instant, les soucis et les tracasseries de la vie quotidienne pour se laisser bercer et emporter par ce rythme qui déferle inlassablement. Une pause est marquée à 13 heures pour aller déguster et savourer ces plats en bois remplis de couscous et faire ripaille : un vrai délice pour le palais. Assis à même le sol, formant des groupes de 8 à 10 personnes, les convives s'installent. Dans un ordre immuable, lait, dattes, melfouf (brochettes) défilent. Puis arrive le couscous orné de viande et de légumes recouvert d'un plat métallique. Sitôt le couvercle soulevé, l'on se saisit de la viande et commence une répartition équitable par petites boulettes que des mains habiles s'empressent de faire disparaître au fond du gosier. Salade, fruits et limonades clôturent ce repas. Puis vint le moment tant attendu, celui de siroter les trois verres de thé fort qui vous râpent la langue. Le spectacle reprend l'après-midi et les gros tam-tam «gala» se font entendre au loin rameutant une foule ravie. Cette manifestation religieuse et culturelle nous change de l'ordinaire. La fête se prolonge tard dans la soirée par des parades de danse où les hommes se livrent un combat en croisant le fer (épées de fabrication artisanale), parfois des gourdins les remplacent sous le rythme saccadé des «bendir» et des «Aghlal». Cette danse appelée «Sara» attire de nombreux curieux et d'habitués qui bravent le froid et chacun se réchauffe comme il peut et n'ose quitter cette place où se déroule ce somptueux spectacle. Des paroles à l'intention de notre Prophète sont omniprésentes. Des assiettes pleines de fèves et de pois chiches bouillis et saupoudrés de cumin et de sel sont gracieusement distribués. C'est le «bienno», un véritable délice pour les narines et le palais. Dans une localité un peu éloignée appelée «Zaghlou» c'est le spectacle de «Yechou» qui prédomine où l'accoutrement qui sort de l'ordinaire que des mains expertes ont bien maquillé, constitue la véritable attraction. Encore une fois, le disque solaire délivre toute sa splendeur et finit par se consumer à l'horizon pour réapparaître le lendemain avec une lueur d'espoir pour le développement de cette région, car l'espoir est une belle chose et les belles choses sont éternelles.