L'occasion de ces trouvailles est le colloque organisé par la direction de la culture de la wilaya de Bouira sur la vie et l'œuvre de Bahia Farah, de son vrai nom Bounouar Fatma Zohra native de Bouira en 1917. Un programme riche et varié a été mis en exergue pour ce premier colloque dédié à cette femme rebelle qui a bravé tous les interdits. Orpheline, elle vivait chez son oncle avec lequel elle se rendit en Tunisie pour s' y installer, c'est là qu'elle a rejoint le centre de formation artistique. A 14 ans, elle se déplace en France. Abdelkader Bendaâmache a, lors de sa conférence, illustré au grand public présent et dont la majorité ne connaissait pas cette femme pourtant originaire de Tuviret,sa vie d'artiste et de militante, ses débuts comme danseuse s'inspirant de la danse égyptienne à l'image de Samia Gamel, de sa rencontre avec le peintre Mohamed Missoum (Sid-Ali) qu'elle épousera plus tard, de ses tournées artistique effectuées avec son orchestre à travers les sanatoriums … C'est un véritable voyage dans un passé récent qui nous exulte et que l'on découvre tout enthousiasmé. Bendaâmache en bon orateur parlera du côté artistique de Bahia Farah, ses rencontres et reprises de chansons de Mohamed El Kamel (S'ghira mesrara, Z'man el youm, Bent aami et edounya). En 1949, la maison d'édition Pathé Marconi fait appel à elle pour l'enregistrement de six disques en arabe (Rayeh Maadoum, yali qlaqtou…..). Avec son talent confirmé, elle a su s'imposer parmi les grands artistes à l'instar de Slimane Azem avec lequel elle enregistra deux chansons en duo (Atas issevragh, Kem Aouk Dnek) … Un véritable succès qui l'a propulsée plus loin aux côtés d'autres ténors qu'elle a côtoyés à l'image des Zerrouki Allaoua, Mohamed El Djamoussi, Mohamed Slaoui, Missoum… L'orateur a parlé de la fondation de la troupe artistique du FLN avec beaucoup de chansons patriotiques et sa contribution dans la lutte contre le colonialisme. De son côté, Kamel Hamadi, auteur-compositeur, ne tarira pas d'éloges sur Bahia Farah qu'il a lui aussi connue aux côtés d'autres femmes telle que Badiaâ Tighilt, Leila El Djazairia, Fatma Zohra (Akhelkhal Adjdid)…ainsi que Med El Kamel, Farid Ali,Hocine Slaoui(Maroc), Med El Djamoussi, qui formaient une véritable troupe artistique du grand Maghreb. Il vivaient tous dans un même quartier, et il parlera aussi de ses duos avec Yahiaten Akli dans (Iness i layoun taoues), de son rôle de militante anticoloniale où Bahia était responsable des femmes chargées des cotisations et de fonds pour aider la Révolution (les porteuses de valises) vers la Suisse et ailleurs, des tournées artistiques dans les hôpitaux et les prisons qu'elles animaient gratuitement avec son orchestre, une chose qui ne se fait plus aujourd'hui, regrettera Kamel Hamadi. «Bahia était à la fois une artiste et une militante. Elle avait peur de mourir avant de revoir l'Algérie qu'elle ne connaissait pas bien.». Le 1er avril 1965, Bahia Farah rentre enfin au pays pour rejoindre immédiatement Cheikh Noureddine qui animait une émission musicale à la radio Chaîne II et avec lequel elle interprètera une série de chansons ainsi qu'avec Chérif Kheddam et un duo avec la diva de la chonson kabyle, Cherifa, intitulé (Ourthet sough Iguelilene). Elle enregistre son ultime chanson en 1967 intitulée Thfouk El Ghorva (Fini l'exil) …Très déçue par le mépris de certains responsables artistiques de l'époque à son égard, elle s'isole consacrant le reste de sa vie à son époux, Mohamed Temmam, et à l'animation de quelques fêtes familiales et galas publics avec sa troupe féminine «El Farah». Affaiblie par la maladie, Bahia Farah s'est éteinte le 1er avril 1984 à l'âge de 67 ans. Elle est enterrée aux côtés de son époux au cimetière El Kettar (Alger).