Un autre homme, bien longtemps après, eut une idée similaire. Le langage ayant déjà été inventé, il la partagea, et on lui rit au nez. Un homme avait déjà voulu passer de l'autre côté de la rivière, et il était mort. Dévoré par un monstre sanguinaire qui attend les curieux, caché derrière un arbre. Cependant, étant convaincu que son idée valait la peine d'être transmise, l'illuminé voulut en laisser trace aux générations futures. Mais il se méfiait des transmissions orales. Pour lui, le premier homme à avoir traversé la rivière coulait peut-être toujours des jours heureux, là-bas de l'autre côté, mais, personne ne l'ayant revu, on l'avait cru mort. Alors, il fit un croquis pour expliquer son idée. Les autres trouvèrent le principe amusant et reproduisirent le concept, copiant à l'infini l'idée d'aller voir de l'autre côté. Ce nouvel outil de communication fut alors l'écriture. Avec toutes ces nouvelles armes, l'homme était déjà plus qu'un simple animal. Il savait réfléchir, communiquer, et même transmettre ses idées aux générations futures. Mais la pénibilité des procédés d'écriture fit que peu s'y intéressèrent, et l'homme mit le projet de côté pour s'ennuyer un peu plus. C'est que par nature l'homme est flemmard, et rechigne aisément à la tâche pour peu qu'il n'en tire pas profit rapidement. L'écriture ne prodiguant ses fruits qu'aux autres, l'homme s'en désintéressa rapidement. Jusqu'au jour où l'un d'entre eux découvrit le papier. Ah, il ne l'avait pas vraiment cherché, c'est certain, mais ça lui est tombé dessus, comme ça, et il eut l'idée de s'en servir en tant que tel et reproduisit l'expérience. Quoi qu'il en soit, les hommes se mirent tous à écrire, soudainement, chacun sur son morceau de papier. Les plus férus allèrent jusqu'à écrire sur plusieurs feuilles, et éprouvèrent le besoin de les relier pour donner naissance au livre. L'homme écrivait, l'homme lisait, l'homme s'amusait. Mais quand il remarqua que tous faisaient comme lui, il commença à s'en lasser. De toute façon, il n'avait rien de plus à raconter. Non, vraiment, ça suffira. Bon, de temps en temps, il n'était pas contre la lecture d'une bonne histoire, surtout si elle était drôle et pleine de rebondissements. (Suivra)