On ne cessera jamais de le répéter, la vie a ses surprises. Parfois consonantes ou dissonantes, là est la question. Imaginez un jour, un âne broutant calmement au fond d'une forêt, confronté à une mission des plus délicates, et à laquelle il n'a jamais rêvé. Entrons dans le vif du sujet : Au milieu d'une paisible forêt, une polémique eut lieu entre un rossignol et un coucou. L'objet de cette controverse, comme on peut déjà l'anticiper, concernait évidemment le chant. Chacun prétendait qu'il était le maître lyrique des bois. Au même moment arrivait notre âne. C'est un âne qui se distingue par de longues oreilles. Des oreilles que l'espèce n'avait jamais connues. Un cas particulier, dirions-nous. Et comme le hasard fait bien les choses, il était l'homme (ou plutôt l'âne) de la situation. Les deux rivaux s'avancèrent respectueusement vers lui et lui dirent : «Seigneur, daignez être notre juge». L'âne sidéré, répliqua : «Et en quoi, puis-je vous être utile ?» Les deux volatiles lui expliquèrent la situation. Sans perdre un instant, l'âne accepta le rôle. Alors, l'honneur fut au coucou d'entamer sa représentation. Il déploya une gamme de «cououcous, roucoucous» qui n'en finissait pas. Perdant le souffle, il s'arrêta. Lui emboîtant le pas, le rossignol sortit le grand jeu. Il étala tout son talent. Passant des plus douces mélodies aux airs les plus recherchés. Dans son inspiration, il excella au point où l'âne fut abasourdi. A ce moment, l'honorable juge l'interrompit en lui disant : «Vous êtes sans doute plus savant que votre rival, mais permettez-moi de vous dire que je n'ai rien compris à ce chant décousu». Voilà, messieurs le jugement de l'âne. Une petite fable qui nous renvoie à bien des situations de la vie quotidienne. Lorsque vous vous trouvez face à une personne de cette trempe, têtue, rigide et qui prétend vous donner des leçons dans votre spécialité, vous ne serez qu'ahuri. Beaucoup de nos jeunes cadres ont certainement vécu ce genre de conflits que les psychologues attribuent généralement à une résistance au changement, mécanisme inconscient bien sûr. Mais cette situation ne saurait persister si l'on veut encourager les compétences. Alors, que faudrait-il faire ? Laisser sévir les uns ou laisser périr les autres ? Certains ont préféré changer de cap. Ce qu'on appelle communément la fuite des cerveaux. Mais ceux qui ont préféré rester et lutter contre ce fléau, auront-ils la chance un jour de remporter leur bataille ? Là est la question.