En visite à Pékin, où il fait assaut de diplomatie envers un partenaire économique stratégique, le Premier ministre a souligné que la crise financière internationale avait mis en lumière les défauts du système de changes. Il a tenu, hier, le cap des positions européennes et américaines sur le yuan, que la Chine se refuse à laisser flotter plus librement malgré les critiques. «Une évolution progressive vers un régime de change plus flexible diminuerait la dépendance des entreprises chinoises aux marchés internationaux et permettrait de soutenir la hausse du pouvoir d'achat des consommateurs», a dit François Fillon dans un discours devant des étudiants à l'université de Beihang. Le niveau d'une monnaie, a-t-il souligné, devrait refléter la réalité économique d'un pays. «Il faut retrouver cette règle de base», a-t-il demandé. La devise chinoise a progressé de 21 % par rapport au dollar dans les trois années qui ont suivi la décision de Pékin de ne plus indexer sa devise sur le billet vert en juillet 2005. Mais en juillet dernier, Pékin a décidé de lier à nouveau sa monnaie au dollar afin d'aider ses exportateurs. La Chine estime qu'une réévaluation du yuan compromettrait son activité économique et mettrait en péril le niveau de ses exportations même si les consommateurs et les entreprises pourraient en bénéficier à l'import, selon des analystes. Coller à la réalité Tour à tour, Union européenne et Etats-Unis ont donc tenté en vain d'infléchir la position chinoise. Jean-Claude Juncker, président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne (BCE) et Jose Manuel Barroso, président de la Commission européenne s'y sont employés fin novembre, de même que Barack Obama. Selon son entourage, François Fillon n'avait pas abordé le sujet, lundi, lors de son entretien son homologue chinois Wen Jiabao et le yuan n'était pas au programme des discussions avec le président Hu Jintao, hier, l'après-midi. Pékin demande une stabilité des principales monnaies de réserve et critique de manière générale la baisse du dollar. Le Premier ministre, s'il a concentré son discours sur le yuan, n'a pas oublié non plus la devise américaine, dénonçant l'injustice de la parité euro-dollar. «Il n'est pas normal qu'aujourd'hui, avec des coûts de production identiques, un avion fabriqué en Europe coûte plus cher qu'un avion fabriqué aux Etats-Unis, simplement parce qu'il y a une différence de parité entre l'euro et le dollar qui ne correspond en rien à la réalité économique et financière», a-t-il expliqué. Cette situation conduira la France à donner, lorsqu'elle présidera le G20 en 2011, la priorité à la concertation et à la refonte du système monétaire international, dont la crise a mis en exergue les «limites». «Nous devons avoir un système monétaire plus stable, plus flexible, qui reflète mieux la réalité des économies», a-t-il dit François Fillon, parlant d'«une question de justice, une question d'efficacité». «La crise a fait apparaître la nécessité de faire émerger un système de change stable qui évite une volatilité excessive des devises et qui prévienne les désalignements de monnaies.» La question des changes et notamment du yuan est d'autant plus sensible au lendemain de la signature de contrats entre plusieurs entreprises françaises dont Safran ou EDF et la Chine. Tous les objectifs de coopération économique entre les deux pays ne «peuvent être ruinés par des parités monétaires qui ne correspondent pas à la réalité des économies», a martelé François Fillon.