Dans cette action collective intentée par des actionnaires accusant Vivendi Universal de les avoir ruinés avec une communication financière trompeuse entre 2000 et 2002, un jury populaire de neuf hommes et femmes devait décider si Vivendi, son ancien PDG et son directeur financier Guillaume Hannezo avaient trompé les actionnaires - et si oui, si cette communication avait été délibérément trompeuse ou imprudente. A l'issue de trois semaines de délibérations, le jury a tranché : les 57 déclarations mises en causes par les plaignants étaient bel et bien trompeuses, mais pas délibérément, et surtout ni M. Messier ni M. Hannezo n'en portent la responsabilité directe. Du coup, c'est le groupe Vivendi qui se retrouve condamné à payer l'addition. Elle pourrait atteindre de quatre à plus de neuf milliards de dollars, selon l'avocat américain des plaignants, Arthur Abbey. "Vivendi conteste fermement les éléments du jugement retenus contre la société, qui ne sont fondés ni en fait ni en droit", a réagi le groupe dans un communiqué, annonçant son intention de faire appel. L'affaire remonte aux suites de la fusion avec Seagram et Canal Plus, qui avait fait de Vivendi Universal l'un des plus gros groupes de médias au monde à coups d'acquisition risquées tous azimuts. Ce type de procès est rarissime dans les annales américaines, la plupart des plaintes d'actionnaires s'estimant floués par des groupes qui ont fait plonger le cours de leurs actions se soldant par des règlements amiables. "C'est une belle victoire", a déclaré à l'avocat des plaignants français, Maxime Delespaul. Selon lui, "dans 12 mois on devrait savoir la décision de la cour d'appel". Si le pourvoi de Vivendi est rejeté, "très vite après, les actionnaires recevront leur chèque". "Le plus satisfaisant est que l'ensemble des 57 déclarations (mises en causes par l'accusation) étaient fausses. Le jury a tranché à 100% contre Vivendi", s'est réjoui M. Abbey. Vivendi n'a pas l'intention de se laisser faire, et souligne déjà que le montant des dommages "demeurera incertain pour une période longue et encore indéterminée", le temps que soient comptabilisées toutes les actions donnant lieu à dédommagement. MM. Messier et Hannezo étaient absents à l'énoncé du jugement à New York, mais des représentants de Vivendi étaient présents. M. Abbey n'a exprimé aucun regret devant l'absence de condamnation des deux anciens dirigeants de Vivendi Universal. "Ce n'est pas grave parce que c'est l'argent de Vivendi" qui aurait servi de toute façon à payer les dommages, a-t-il souligné. MM. Messier et Hannezo, dont la responsabilité civile est couverte par l'assurance accordée aux dirigeants d'entreprise, selon une source judiciaire, doivent encore comparaître en correctionnelle à Paris au printemps, avec cinq autres dirigeants de Vivendi. M. Messier risque jusqu'à cinq ans de prison et une forte amende pour diffusion d'informations fausses ou trompeuses, manipulation de cours et abus de biens sociaux. Aux Etats-Unis, il s'agissait d'une procédure au civil. Des investisseurs français avaient porté plainte dès septembre 2002 à New York en joignant leurs efforts à ceux d'investisseurs qui avaient acheté des certificats de dépôts (ADS) cotés à New York.