L'universitaire et historien français, Olivier Le Cour Grandmaison a accepté lui aussi d'intervenir là-dessus. Spécialiste des questions de citoyenneté sous la Révolution française et des questions qui ont trait à l'histoire coloniale, enseigne actuellement les sciences politiques à l'Université d'Evry-Val d'Essonne (département 91) et au Collège international de philosophie. La NR : qu'est ce pour vous la notion de l'identité nationale? Olivier Lecour Grandmaison : dans le contexte présent, l'identité nationale n'est qu'un «machin» xénophobe, islamophobe et populiste forgé par l'actuelle majorité présidentielle et mise en scène par le ministre Eric Besson à des fins partisanes et électoralistes. Parvenu au pouvoir, entre autres grâce aux suffrages d'ex-électeurs du Front national, Nicolas Sarkozy et ceux qui le soutiennent entendent y demeurer en persévérant dans cette voie. Cela exige de satisfaire régulièrement celles et ceux qui, venus de l'extrême droite, ont rejoint l'UMP en leur donnant des gages probants et nécessaires pour s'assurer de leur fidélité politique. De là, cette pseudo-consultation nationale voulue par l'Elysée, organisée par les services du ministère de l'Immigration, contrôlée par les censeurs de cette même administration et dirigée enfin par des préfets aux ordres. De là aussi la multiplication de propos stigmatisant les étrangers, les «Arabes» et les musulmans parfois tenus par des membres du gouvernement et par des responsables politiques français occupant des fonctions électives importantes. Mais comme cela a été dit par le chef de l'Etat lui-même et par E. Besson, cette initiative est faite pour durer car «la France des comptoirs» et «des cafés s'est emparée ce débat», affirme le second qui prend ses désirs pour des réalités. Quoi qu'il en soit, en agitant ce vieux brouet identitaire et nationaliste, le pouvoir a notamment favorisé l'expression décomplexée d'une islamophobie qui s'étale désormais au grand jour. L'actuel ministère de l'Immigration était dénommé en 2007 Ministère de l'immigration et de l'identité nationale.... Eric besson remet ça sur le tapis n'est-ce pas une diversion pour occuper les Français et leur faire oublier leur misère sociale? La lettre de mission adressée en 2009 par Nicolas Sarkozy et François Fillon, son diaphane premier ministre, à Eric Besson au moment de son entrée en fonction était très claire sur ce sujet : l'identité nationale devait faire partie des priorités de son action. Jusqu'à présent, elle demeurait assez secondaire. Cette période est maintenant révolue comme le prouve l'évolution de la conjoncture politique en France. Faire oublier la dureté des temps présents était sans doute l'un des ressorts de cette initiative : de ce point de vue, cette opération de diversion semble avoir pour le moment échoué si l'on en croit certains sondages. Mais nous savons ce que valent les sondages sur la durée…» A la veille de chaque échéance électorale (2012) on remet ça encore ! Veut-on chasser dans les plates bandes du FN? Tel est bien l'objectif poursuivi par le pouvoir actuel qui, relativement à l'identité nationale et à la politique d'immigration mise en œuvre depuis 2007, pratique une sorte de lepénisme réformé, c'est-à-dire débarrassé de ces revendications les plus extrêmes pour rendre cette politique compatible avec les institutions républicaines et européennes.