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Un éminent géographe
Strabon (58 av. J.-C.-24 ap. J.-C.)
Publié dans La Nouvelle République le 17 - 02 - 2010

Telle est l'observation – parmi tant d'autres – qu'a notée ce voyageur et géographe considéré comme l'un des plus éminents érudits de l'Antiquité. Aperçu sur sa vie et son œuvre.
Brève biographie de Strabon
Strabon (en grec ancien veut dire «qui louche»), est un géographe grec né à Amasée en Cappadoce (actuelle Turquie 58) et mort entre 21 et 25 de l'ère chrétienne. Peu de choses de sa vie de Strabon sont connues. Sa famille habitait à Amasée, une ville dans la région du Pont-Euxin. Strabon lui-même dit qu'il a étudié auprès d'Aristodeme de Nysa, précepteur des enfants de Pompée, voyagea à Rome et étudia auprès d'un certain Tyrannion, géographe de son état. En -24 ou , il voyagea en Egypte accompagnant le préfet de l'Empire romain, Aelius Gallus le long du Nil. Après de nombreux voyages, il retourna à Amasée, où il entreprit de rédiger une Histoire en 43 volumes, qu'il voulait la continuation de l'œuvre de l'historien Polybe. Aucun de ces volumes n'est parvenu à la postérité aujourd'hui. Ensuite, il commença une Géographie, conçue comme complémentaire de l'Histoire, en 17 volumes, qui, elle, ne fut pas perdue, sauf quelques parties manquantes du livre VII. Son but était d'offrir à un lectorat aussi large que possible, un livre agréable et instructif, qui pût être lu d'affilée.
Une œuvre magistrale : la Géographie
La Géographie est divisée comme suit : les livres I et II constituent une longue introduction à l'ouvrage, où Strabon entend prouver que le géographe Eratosthène a eu tort de rejeter l'œuvre d'Homère d'un point de vue géographique ; les livres III à X décrivent l'Europe et plus particulièrement la Grèce antique (livres VIII-X) ; les livres XI à XIV décrivent l'Asie Mineure ; les livres XV à XVI décrivent l'Orient ; le livre XVII décrit l'Afrique, l'Egypte et la Libye. Strabon pensait que la fortune de la Grèce était partiellement due à sa situation maritime, et esquissait une corrélation intéressante entre l'avancement d'un peuple en matière de civilisation et son contact avec la mer. En même temps, il insistait sur le fait que la géographie ne pouvait à elle seule expliquer la grandeur d'un peuple, et affirmait que la civilisation grecque reposait sur l'intérêt de ses citoyens pour les arts et la politique. Si son œuvre reprend, parfois,, des textes antérieurs de plusieurs siècles à la période où il a vécu, néanmoins sa connaissance du droit romain des différentes cités en fait aussi une source essentielle pour décrire les débuts de la romanisation en Gaule et dans la Péninsule ibérique. Il montre ainsi, dans les livres III et IV, notamment, le développement d'une nouvelle culture dans ces régions, suite à l'acculturation partielle des populations. L'œuvre de Strabon resta dans l'ombre sous l'Empire romain malgré le vœu de son auteur. Ce ne fut qu'à partir du qu'elle commença à être citée, et que Strabon devint l'archétype du géographe. Au XVe siècle l'érudit italien Guarino Veronese traduisit la totalité de son œuvre, contribuant ainsi à sa redécouverte. Les historiens classiques ont reconnu l'intérêt de son œuvre, ainsi que ses talents littéraires, qui lui permettaient de décrire un lieu où il n'était pas allé mieux que Pausanias le Périégète qui y était allé. Strabon, grâce à ses nombreux voyages, participe, également, à l'élaboration de la liste des Sept Merveilles du monde. Il affirme notamment :
«Babylone est située [...] dans une plaine. Ses remparts ont 365 stades de circuit, 32 pieds d'épaisseuret 50 coudée de hauteur dans l'intervalle des tours, qui elles-mêmes sont hautes de 60 coudées. Au haut de ce rempart on a ménagé un passage assez large pour que deux quadriges puissent s'y croiser. On comprend qu'un pareil ouvrage ait été rangé au nombre des Sept Merveilles du monde.»
La Libye et Carthage
«En remontant, maintenant, vers la mer Intérieure, on voit se succéder à partir de Lynx les villes de Zélis et de Tiga, les Tombeaux des Sept frères, et un peu au-dessus de la côte le mont Abyla, rempli de bêtes féroces et couvert de grands arbres. On prétend que le détroit des Colonnes a 120 stades de longueur et, là où il est le plus resserré, près d'Eléphas, 60 stades de largeur. Après s'y être engagé [sur la côte de Libye], on relève un certain nombre de villes et de cours d'eau jusqu'au fleuve Molochath, qui sert de limite entre le territoire des Maurusii et celui des Masaesylii. Le nom de Metagonium désigne à la fois un grand promontoire voisin de l'embouchure de ce fleuve, un canton aride et pauvre, et, à la rigueur, toute la chaîne de montagnes qui part des côtes et se prolonge jusqu'ici. La distance du cap des Côtes à la frontière des Masaesylii représente une longueur de 5 000 stades. Le point qui correspond le plus exactement au cap Métagonium de l'autre côté du détroit est Carthage-la-Neuve, et Timosthène se trompe quand il dit que c'est Massilia. La traversée depuis Carthage la Neuve jusqu'à Métagonium est de
3 000 stades en ligne droite et de Carthage-la Neuve à Massilia il y a encore un trajet de 6 000 stades à faire le long de la côte.»
Les Amazighs (Maurusii et Masaesylii)
«Bien qu'habitant un pays généralement si fertile, les Maurusii ont conservé jusqu'à présent les habitudes de la vie nomade. Mais ces habitudes n'excluent pas chez eux un goût très vif pour la parure, comme l'attestent et leurs longs cheveux tressés et leur barbe toujours bien frisée, et les bijoux d'or qu'ils portent et le soin qu'ils ont de leurs dents et de leurs ongles. Ajoutons qu'on les voit rarement s'aborder dans les promenades publiques et se toucher la main, de peur de déranger si peu que ce soit l'économie de leur coiffure.»
L'art de la guerre chez les Berbères
«Leurs cavaliers ne combattent guère qu'avec la lance et le javelot ; ils guident leurs chevaux avec une simple corde qui leur tient lieu de mors et les montent toujours sans selle. Quelques-uns portent aussi le sabre court ou machaera. Ceux qui combattent à pied se servent de peaux d'éléphants en guise de boucliers, et de peaux de lions, de léopards ou d'ours en guise de manteaux et de couvertures. Au reste, on peut dire que les Maurusii, les Masaesylii leurs voisins les plus proches, et tous les peuples compris sous la dénomination commune de Libyens, ont les mêmes armes, le même équipement, et en général toutes les mêmes habitudes. Ils se servent tous, par exemple, des mêmes petits chevaux, si vifs, si ardents, et avec cela si dociles, puisqu'ils se laissent conduire avec une simple baguette. On leur passe au cou [pour la forme] un harnais léger, en coton ou en crin, auquel est attachée la bride, mais il n'est pas rare d'en voir qui suivent leurs maîtres comme des chiens, sans qu'on ait même besoin d'une longe pour les tenir en laisse. Le petit bouclier rond en cuir est commun aussi à tous ces peuples, et il en est de même du javelot court à fer plat, de la tunique lâche à larges bandes, et de la peau de bête dont j'ai parlé, agrafée par-dessus cette tunique, et qui peut servir de plastron ou de cuirasse. Les Pharusiis et les Nigrètes qui habitent au-dessus des Maurusii dans le voisinage des Ethiopiens occidentaux sont, en outre, comme les Ethiopiens eux-mêmes, d'habiles archers. Ajoutons que l'usage des chars armés de faux leur est familier.»
Genre de vie des Numides à l'époque
de Strabon et leur royaume
«Les Pharusii communiquent bien encore, mais à de rares intervalles, avec les Maurusii. Ils suspendent alors, pour la traversée du désert, des outres d'eau sous le ventre de leurs chevaux. Dans une autre direction, ils poussent jusqu'à Cirta à travers toute une région de marais et de lacs. Quelques-unes de leurs tribus vivent, dit-on, sous terre, à la façon des Troglodytes, dans des trous creusés exprès. Un autre détail qu'on donne sur le pays des Pharusii, c'est que l'été y est la saison des grandes pluies et l'hiver, au contraire, la saison sèche. Enfin, on assure que quelques peuples barbares voisins des Pharusii se font des manteaux et des couvertures avec des peaux de serpents et des écailles de poissons. Certains auteurs voient dans les Maurusii les descendants des Indiens qui vinrent en Libye à la suite d'Hercule. A une époque de bien peu antérieure à l'époque actuelle, la Maurusie eut pour rois deux princes amis du peuple romain, Bogus et Bocchus. Mais, ceux-ci étant morts sans laisser de postérité, elle passa aux mains de Juba, qui la reçut en don de César Auguste pour l'ajouter à ses Etats héréditaires : Juba était fils du prince de même nom qui avait fait la guerre, comme allié de Scipion, au divin César. Juba du reste vient de mourir à son tour laissant pour successeur et héritier son fils Ptolémée, né d'une fille d'Antoine et de Cléopâtre.»


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