Pourtant, la portée d'une telle directive ne vise pas seulement la préservation des objectifs de l'Etat, qui doit impérativement réduire la lourde facture des importations des produits alimentaires de base (céréales et laits), mais aussi ceux des opérateurs privés. Qu'en en juge ! La récolte céréalière de l'année 2009 a été jugée exceptionnelle par les analystes. Depuis l'indépendance du pays et même durant la période coloniale, l'Algérie n'a jamais fait une production dépassant les 6,1 millions de tonnes. Selon les chiffres fournis par le ministère de l'Agriculture, le dernier record de production a été réalisé durant la campagne 1995-1996 avec 4,9 millions de tonnes. Et selon certains agronomes, le gouvernement algérien n'aurait jamais rêvé d'une telle performance de la part des céréaliculteurs algériens qui ont dépassé la barre des 6 millions de tonnes derécoltes en 2009. Que s'est-il alors passé pour que l'Algérie, classée dans le lot des premiers pays importateurs de blé dans le monde, puisse se réveiller et réaliser un tel exploit productif ? En 2008 et en raison d'une flambée généralisée des prix des matières premières, qu'elles soient énergétiques, minières ou agricoles, les importations des céréales, des semoules et de la farine de l'Algérie vont exploser. Elles passeront de 1,98 milliard de dollars en 2007 à près de 4,1 milliards de dollars en 2008. Plus grave encore, en 2008, la problématique de l'achat des céréales sur le marché mondial ne se posait plus en termes de cherté mais surtout en termes de disponibilité. Un pays comme l'Algérie, qui avait d'importantes ressources financières risquait de ne pas trouver assez de blé sur le marché international pour répondre aux besoins de consommation de sa population. La sécurité alimentaire du pays est alors menacée. La sonnette d'alarme est alors tirée. Un ensemble de mesures pour encourager la production des céréales et du lait sont alors prises par le gouvernement. Parmi ces mesures, figure en bonne place la décision prise par le gouvernement de payer aux céréaliculteurs le prix du quintal de blé au même niveau que celui pratiqué sur le marché international. En 2008, le gouvernement paya le quintal de blé dur (semoule) aux agriculteurs à 4 500 dinars et le blé tendre à 3 500 dinars. Les résultats ne se sont pas fait attendre. Aidée par une bonne année pluviométrique et des prix encourageants à la production céréalière, l'année 2009 verra la production dépasser les 6,1 millions de tonnes. Par variété, le blé dur (semoule) vient en tête avec plus de 2,43 millions de tonnes, l'orge avec 2,41 millions de tonnes, le blé tendre (farine) avec près de 1,14 million de tonnes et enfin l'avoine pour alimenter le bétail avec près de 147 mille tonnes. Pour soutenir cette inattendue production, l'Etat avait débloqué au profit de l'Oaic (Office interprofessionnel des céréales) une enveloppe budgétaire dépassant les neuf milliards de dinars. Mais cette abondante production a révélé de graves dysfonctionnements. Le premier a concerné les capacités de stockage. Ces dernières ne pouvaient réceptionner une telle récolte. Les capacités étaient largement insuffisantes pour accueillir une production qui a largement dépassé les prévisions. Les CCLS (Coopératives des céréales et des légumes secs) et l'Oaic ont été obligées de procéder à la location de structures de stockage qui parfois, n'étaient même pas adaptées. D'où le risque de détérioration de la qualité des céréales emmagasinées. L'autre sérieux problème posé a été celui du manque de moissonneuses-batteuses. Depuis des années, le parc national des moissonneuses-batteuses a été faiblement renouvelé. La rareté de ces engins avait sensiblement fait augmenter les prix de leurs location et nombreuses étaient les wilayas productrices de céréales qui ont éprouvé des difficultés à mobiliser les moyens nécessaires pour réaliser à temps la récolte. Pour certains agronomes, la récolte de 2009 aurait pu être supérieure s'il y avait eu un nombre suffisant de moissonneuses-batteuses. En 2010, le gouvernement semble avoir tiré les leçons de cette providentielle récolte de 2009. Récemment, le Conseil de participation de l'Etat (CPE) a donné son feu vert à l'Oaic pour réaliser de nouvelles infrastructures de stockage pour l'équivalent de 850 000 tonnes de céréales. Le coût total de l'opération a été estimé à 2 milliards de dinars.