L'objet de cette modeste contribution, sans passion, est d'essayer de voir si ces différents replâtrages juridiques de 1970 à 2010 répondent à une logique économique tenant compte de la dure réalité des nouvelles mutations mondiales. I - Peut-on parler de stratégie industrielle ? En cette ère de mondialisation, il me semble erroné de parler de stratégie industrielle, ce qui supposerait une autonomie totale de la décision économique surtout pour un micro-Etat comme l'Algérie, alors que la tendance est aux grands ensembles, d'où l'importance d'espaces économiques fiables maghrébin, euro-méditerranéen et arabo-africain, espace naturel de l'Algérie. On le constate quotidiennement avec cette crise financière et à travers les fluctuations boursières au niveau du marché mondial, l'Algérie étant une économie totalement extravertie, les réserves de devises étant fonction des cours du brent et du dollar pour les exportations à plus de 98 % et à 60 % de l'euro pour les importations de produits finis, de matières premières, d'équipements. C'est que l'on assiste à l'évolution d'une accumulation passée se fondant sur une vision purement matérielle, caractérisée par des organisations hiérarchiques rigides et à un nouveau mode d'accumulation fondé sur la maîtrise des connaissances et des nouvelles technologiques et des organisations souples en réseaux comme une toile d'araignée à travers le monde avec des chaînes mondiales segmentées de production où l'investissement, en avantages comparatifs, se réalisant au sein de sous-segments de ces chaînes. Or, l'assainissement des entreprises publiques a coûté au Trésor public des dizaines de milliards de dollars entre 1991 et 2009, dont la majorité est revenue à la case de départ, les banques publiques étant malades de leurs clients, à savoir les entreprises publiques, ce qui explique également, couplé avec l'inefficacité des dépenses publiques, que ce n'est pas une question de finances mais renvoie à l'urgence d'un réajustement de la politique économique et sociale algérienne. Par ailleurs, en cette période de crise, avec la diminution de la demande au niveau mondial et fait de l'étroitesse du marché algérien, il est faux d'affirmer que cela pourrait attirer les investissements étrangers créateurs de valeur ajoutée à moyen terme qui, face à la crise de liquidités bancaires, sont beaucoup plus attirés par des projets rentables à court terme ou par les exportations en direction de l'Algérie, et ce tant qu'existent des réserves de changes. Sans compter les contraintes d'environnement (bureaucratie et corruption posant la problématique de la gouvernance, système financier sclérosé, absence d'un marché foncier libre, d'un marché de travail et d'une main d'oeuvre adaptée posant la problématique de la valorisation du savoir) qui font fuir les investissements porteurs. II- Des changements perpétuels du cadre juridique, produit de rapport de forces contradictoires De cette situation, il est utile de rappeler que de l'indépendance politique à nos jours, l'économie algérienne a connu différentes formes d'organisation des entreprises publiques. Avant 1965, la forme d'autogestion était privilégiée ; de 1965 à 1980, nous avons de grandes sociétés nationales et de 1980 à 1988, nous assistons à une première restructuration découpant les grandes sociétés nationales. Avec la crise de 1986 qui a vu le cours du pétrole s'effondrer, des réformes timides sont entamées en 1988 : l'Etat crée 8 fonds de participation qui étaient chargés de gérer les portefeuilles de l'Etat. Comme conséquence de la cessation de paiement en 1994, avec le rééchelonnement, en 1996, l'Etat crée 11 holdings en plus des 5 régionaux avec un Conseil national des privatisations ; en 2000, nous assistons à leur fusion en 5 mégaholdings et la suppression du Conseil national des privatisations ; en 2001, nouvelle organisation avec la création de 28 sociétés de gestion des participation (SGP) de l'Etat. Lors des différents Conseils de gouvernement tenus durant toute l'année 2007, une nouvelle organisation est proposée par le ministère de la Promotion de l'investissement — les deux grandes sociétés d'hydrocarbures Sonatrach et Sonelgaz, régies par des lois spécifiques, n'étant pas concernées —, articulée autour de quatre grands segments : des sociétés de développement économique qui relèvent de la gestion exclusive de l'Etat gestionnaire, des sociétés de promotion et de développement en favorisant le partenariat avec le secteur privé international et national, des sociétés de participation de l'Etat appelées à être privatisées à terme et une société chargée de la liquidation des entreprises structurellement déficitaires. Au courant du mois de février 2008, cette proposition d'organisation, qui n'a pas fait l'unanimité au sein du gouvernement et certainement au niveau de différentes sphères du pouvoir, est abandonnée. Et voilà que le 27 mars 2010 le ministre de la Promotion de l'investissement, en reconnaissant l'échec dans l'attrait de l'investissement direct étranger, mais sans reconnaître que le mal est avant tout en nous, a affirmé que le secteur industriel public devrait être réorganisé, les SGP devant être progressivement dissoutes et remplacées par des groupes industriels avec des zones intégrées avec des expériences pilotes dans cinq wilayas-pilotes, à savoir Annaba, Bordj Bou Arréridj, Sétif, Oran et Blida mais ne précisant pas si ces groupes releveraient de son département ministériel ou si l'on revenait à l'ancienne organisation administrative des années 1970 de tutelle de chaque département ministériel. Ce qui serait logique car, depuis le début de 2009, de nouvelles dispositions sont mises en place limitant le privé international qui doit s'associer à un partenaire algérien (49/51 %), mais l'Etat algérien étant souverain mais devant respecter ses accords internationaux et surtout le droit international s'il veut éviter de s'isoler des nouvelles mutations mondiales. Ces changements d'organisation périodiques démobilisent les cadres du secteur économique public, les investisseurs locaux et étrangers montrant clairement la dominance de la démarche bureaucratique au détriment de la démarche opérationnelle économique assistant plutôt au souci de dépenses monétaires, aux réalisations physiques sans se préoccuper de la bonne gestion (coûts/qualité) des impacts économiques et sociaux, donc à un gaspillage des ressources financières et à un renforcement de la dynamique rentière. Cela n'est que le reflet des ambiguïtés dans la gestion des capitaux marchands de l'Etat qui traduisent en réalité la neutralité des rapports de force au sommet de l'Etat et explique le manque de visibilité et de cohérence de la politique économique et sociale, que l'on essaie de voiler tant par de l'activisme ministériel permis grâce aux cours élevé des hydrocarbures, instabilité juridique qui décourage tout investisseur sérieux. A titre d'exemples pour ces dernières années, la nouvelle ordonnance n° 2001-04 du 20 août 2001 relative à l'organisation, à la gestion et à la privatisation des entreprises publiques économiques, l'ordonnance n° 01-03 du 20 août 2001 relative au développement de l'investissement et le décret exécutif n° 01-253 relatif à la composition et au fonctionnement du Conseil des participations de l'Etat placé sous l'autorité du chef du gouvernement qui en assure la présidence, mais, depuis l'amendement de la Constitution par le président de la République (ipso facto chef de gouvernement) déléguant son pouvoir à un Premier ministre — il n'y a plus de chef de gouvernement mais seulement un Premier ministre —, le décret exécutif du 9 octobre 2006 relatif aux attributions, à la composition, à l'organisation et au fonctionnement du Conseil national de l'investissement prévu par l'ordonnance du 20 août 2001 qui stipule dans son article 19 que le conseil présidé par le chef du gouvernement chargé, notamment, de proposer la stratégie et les priorités pour le développement de l'investissement, l'ordonnance n° 06-08 du 15 juillet 2006 modifiant et complétant l'ordonnance du 20 août 2001 relative au développement de l'investissement (JORA 047 du 19 juillet 2006) et la création de l'Agence nationale du développement de l'investissement, qui est un établissement public à caractère administratif au service des investisseurs nationaux et étrangers et enfin le dispositif de soutien à l'emploi de jeunes par l'ANSEJ (ordonnance n° 96-31 du 30 décembre 1996 portant loi de finances pour 1997). (A suivre)