Une étude récente du Femise-réseau euro-méditerranéen (juillet 2010) traitant de la région Mena, dont l'Algérie, pose la problématique des raisons de la faible performance socio-économique notamment du tissu industriel en rapport avec les nouvelles mutations mondiales. La myopie de certains dirigeants, en panne d'idées, serait d'assimiler le patriotisme économique avec le retour au tout Etat bureaucratique objet de cette contribution. Docteur Abderrahmane MEBTOUL I-Patriotisme économique et dépenses publiques A la lumière des nouvelles orientations économiques, surtout depuis la promulgation de la loi de finances complémentaire pour 2009, et certainement celle de 2010 où la majorité de l'investissement sera financé sur fonds publics, le patriotisme économique s'assimile t -il au tout Etat, lorsqu'on sait que l'assainissement des entreprises publiques en Algérie a coûté au Trésor public des dizaines de milliards de dollars entre 1971/2009 sans résultats probants, ou à un rôle plus accrue de l'Etat régulateur , différence de taille pour toute politique économique fiable devant tenir compte de cette dure réalité, malgré la crise mondiale, d'une économie de plus en plus globalisée : favoriser l'efficacité économique pour une croissance durable reposant sur l'entreprise qu'elle soit publique ou privée dans une économie ouverte et son fondement le savoir, tout en garantissant le principe d'équité. Or, Le programme de soutien à la relance économique, selon les différents conseils de gouvernement, est passé successivement de 55 milliards de dollars fin 2004, à 100 milliards de dollars fin 2005 (le justificatif était des enveloppes additionnelles pour les Hauts-Plateaux et le Sud) puis fin 2006 à 140 milliards de dollars et a été clôturé, selon les déclarations officielles reprises par l'APS fin 2009, à plus de 200 milliards de dollars (15.000 milliards de dinars) dont plus de 70% allant aux infrastructures et se pose cette question, la totalité de ce montant a-t-elle été intégralement dépensée. Le programme d'investissements publics retenu pour la période allant de 2010 à 2014 implique des engagements financiers de l'ordre de 21.214 milliards de DA (ou l'équivalent de 286 milliards de dollars) dont toujours plus de 70% aux infrastructures, étant la continuité du précédent, incluant le parachèvement des grands projets déjà entamés entre 2004 et 2009 pour un montant de 9.700 milliards de DA (équivalent à 130 milliards de dollars) restant aux projets neufs 156 milliards de dollars traduisant de fortes réévaluations. Aussi, je déplore qu'aucun débat public sérieux n'ait eu lieu à la fois sur le bilan et sur le futur rôle de l'Etat en Algérie, débat indispensable pour éclairer la future politique économique et sociale. Afin d'évier ce changement périodique du cadre juridique des investissements, du manque de cohérence et de visibilité, du fait de la neutralisation des rapports de forces, la politique gouvernementale se trouvant ballottée entre deux forces sociales antagoniques, la logique rentière épaulé par les tenants de l'import (13.000 mais en réalité seulement 100 contrôlant plus de 80% du total) et de la sphère informelle, malheureusement dominante, et la logique entrepreneuriale minoritaire. Cela explique également que l'Algérie est dans cette interminable transition depuis 1986, ni économie de marché, ni économie administrée, expliquant les difficultés de la régulation, l'avancée des réformes étant inversement proportionnelle au cours du pétrole et au cours du dollar, les réformes, depuis 1986 étant bloquées ou timidement faites avec incohérence lorsque que le cours s'élève. Et dans ce cadre peut-on parler de stratégique industrielle au sein d'un monde en plein et perpétuel bouleversement, le défi principal des gouvernants en ce XXIe siècle étant la maitrise du temps ? La logique des différentes organisations, passage des fonds de participation, aux holdings, puis aux sociétés des participation de l'Etat ( SGP) et enfin récemment depuis janvier 2010 à la proposition en groupes industriels a-t-elle obéi à une logique économique ou à une logique administrative de partage de la rente ? Dans quelles filières l'Algérie a t -elle des avantages comparatifs en dynamique et non en statique en termes de couts/qualité ? Et tout cela renvoie à l'urgence d'un large débat national sans exclusive à la fois sur le futur modèle de consommation énergétique du fait de l'épuisement des ressources et sur le futur projet socio- économique de l'Algérie 2015/2020 II-Favoriser la croissance au sein d'une économie ouverte La dure réalité, comme le montre l'actuelle crise mondiale ne signifie pas la fin du rôle de l'Etat régulateur car le marché a besoin d'être encadré. Aussi La nouvelle politique socio-économique algérienne devra reposer sur trois éléments fondamentaux complémentaires. Premièrement, elle doit tenir compte de l'adaptation aux mutations mondiales irréversibles. Les négociations futures avec l'organisation mondiale du commerce et les accords pour une zone de libre échange avec l'Europe applicable depuis le 1er septembre 2005, doivent correspondrent aux avantages comparatifs des pays du Maghreb dans leur ensemble. Car je pense fermement que l'Algérie ne dispose pas d'autres alternatives que l'adaptation à la mondialisation dont les espaces euro- maghrébins, arabo- africains et euro-méditerranéens constituent son espace naturel. Prétendre que la mondialisation aliène le développement du pays et les libertés c'est ignorer une évidence: sans insertion dans l'économie mondiale, l'Algérie serait bien davantage ballottée par les vents des marchés avec le risque d'une marginalisation croissante. La compétition dans une économie globale fait que chacun a le monde pour marché et tous les consommateurs pour clients. La traduction d'un monde ordonné autour de la production est largement dépassée. Et l'entrée en lice de l'Inde et surtout de la Chine dans le commerce mondial représente une vraie révolution, caractéristique de l'unification des conditions de production dont la valeur ajoutée augmente mais dont les distances entre la production et la consommation diminuent avec là révolution dans le domaine du transport et des télécommunications. Deuxièmement, il y a lieu de garantir les grands équilibres macro-économiques par une monnaie stable et par la réduction des déficits publics, ces deux conditions, étant une condition nécessaire mais non suffisantes, évitant la hausse des prix sur des structures de monopoles inchangées ,( l'économie de marché ne signifiant pas hausse des prix ce qui se passe actuellement) , et donc aller vers les réformes institutionnelles et micro-économiques qui accusent un retard important au sein d'un monde de plus en plus interdépendant.. La conception passée sur une superposition forte entre secteur public, entreprise publique, monopole, activité limitée du territoire national doit faire place à l'efficacité de gestion, à la concurrence des services collectifs. La nouvelle politique socio- économique en Algérie devra être marquée en ce début du XXIe siècle par l'innovation, mais également éviter qu'une économie qui produit la richesse ne détruise les liens sociaux dans un univers où la plupart des structures d'encadrements, (familles, religion, svndicats) sont faibles surtout en Algérie où bon nombre d'organisations sont des appendices bureaucratiques sans impacts de mobilisation mais monnayant leurs soutiens contre une fraction de la rente pétrolière et gazière. III - Le pouvoir bureaucratique frein essentiel au développement en Algérie Il n'y a pas de citoyens sans projet social et il n'y a pas de projet économique durable qui ne soit pas lié à un projet social. Il s'agit de restaurer à l'Etat sa vocation naturelle, le soumettre au principe d'efficacité conçu selon une démarche démocratique, la puissance publique dépendant trop des corporations rentières ce qui conduit à un éparpillement et un accroissement des dépenses de l'Etat qui ne sont pas proportionnelles à leur efficacité. En fait, l'objectif stratégique est de redonner confiance à la population algérienne en instaurant un Etat de Droit, base du retour â la confiance passant par des actions concrètes de luttes contre la corruption, le favoritisme, le régionalisme, les relations de clientèles occultes qui ont remplacé les relations contractuelles transparentes, l'application de la règle de Piter qui fait que l'on gravite dans la hiérarchie en fonction de sa servitude et de son degré d'incompétence. Aussi s'agit-il de mettre en place des mécanismes nouveaux dans le domaine politique, économique et social afin de lier l'efficacité économique, loin de tout monopole public ou privé, et l'équité pour garantir la cohésion sociale, loin de tout populisme. Aussi, les réformes économiques indispensables pour s'adapter tant à la mondialisation de l'économie dont l'espace euro- méditerranéen est son espace naturel qu'aux mutations internes impliquent l'instauration de l'économie de marché (démocratie économique) qui est inséparable de l'Etat de droit et de la démocratie sociale et politique. Or le bilan de ces dernières années est mitigé : il faut tirer les leçons. Le consensus tant au niveau international que national est l'urgence d'objectifs politiques plus précis et une nouvelle organisation institutionnelle afin de donner plus de cohérence et une accélération de ce processus complexe mais combien déterminant pour l'avenir du pays. L'expérience de bon nombre de pays en transition vers l'économie de marché peut fournir des enseignements utiles pour atténuer le pouvoir bureaucratique rentier dominant en Algérie. Car il est utile de signaler que les raisons du faible flux d'investissement étranger et du privé national hors hydrocarbures pourtant indispensable pour renouer avec la croissance et donc d'atténuer les tensions sociales me semble être essentiellement imputable non pas à l'aspect sécuritaire qui s'est nettement amélioré, mais au système bureaucratique sclérosant tant central que local, étouffant les énergies créatrices, le pouvoir bureaucratique sclérosant a ainsi trois conséquences nuisibles au développement en Algérie : 1re conséquence, une centralisation pour régenter la vie politique, sociale et économique du pays ; 2e conséquence, l'élimination de tout pouvoir rival au nom du pouvoir bureaucratique ; 3e conséquence, la bureaucratie bâtit au nom de l'Etat des plans dont l'efficacité sinon l'imagination se révèle bien faible. En fait, le but du bureaucrate est de donner l'illusion d'un gouvernement même si l'administration fonctionne à vide. En fait, gouverner une population infime en ignorant la société majoritaire. D'où cette mentalité d'éviter un dialogue serein et donner l'illusion d'une bonne gouvernance par de l'activisme dans un monologue lassant avec ses propres collaborateurs, de distribuant des points d'autosatisfaction à l'image de Narcisse, qui coupé du monde, se regardait chaque jour dans une glace et affirmait, je suis le plus beau, je suis le seul à avoir raison, cette attitude ne pouvant que conduire le pays au suicide collectif. En résumé, l'entrave principale au développement trouve son explication dans une gouvernance mitigée en Algérie, provient de l'entropie (désordre) impliquant la refonte de l'Etat, largement influencée dans ses nouvelles missions par l'internationalisation de l'économie. Le défi majeur donc pour l'Algérie, est de réfléchir aux voies et moyens nécessaires pour contrôler et réduire cette entropie à un niveau acceptable afin de réaliser cette transition stratégique d'une économie de rente à une économie hors hydrocarbures supposant un profonds réaménagement au niveau des structures du pouvoir. Abderrahmane MEBTOUL professeur d'Université management stratégique Expert International