Sous le règne de cette prestigieuse dynastie, la civilisation musulmane a progressé de façon notable, même si cela a eu lieu lentement car les califes étaient aussi occupés à répandre l'Islam et à défendre les frontières de l'Etat contre ses nombreux ennemis. Les Beaux-Arts L'art islamique est né en Syrie et en Palestine à l'époque des califes omeyyades. La conquête arabe ne détruit pas les ateliers qui travaillaient dans ces pays, et rien, tout d'abord, n'est changé à leur activité : les objets manufacturés de la première moitié du VIIIe s. ne se distinguent que difficilement de ceux des VIe et VIIe s. Ce n'est que lentement qu'ils acquièrent leur caractéristique. Si, d'une manière générale, tous les éléments que nous rencontrons dans l'art omeyyade sont déjà connus, la façon dont ils sont utilisés est entièrement nouvelle. Ainsi, par le choix et par la juxtaposition d'éléments se constitue le premier art musulman. L'architecture sous les Omeyyades Nous connaissons mal les deux premières mosquées dignes de ce nom, celle de Basra (Bassora, 665) et celle de Koufa (670), qui ont disparu, mais il semble qu'elles n'aient pas présenté d'innovations sensibles : la seconde a dû être influencée par les achéménides, et il est vraisemblable qu'elle a influencé à son tour les monuments postérieurs, agissant sur le plan et les procédés architecturaux inspirés entre-temps par la mosquée de Damas. La première fut construite pour célébrer la gloire de l'Islam et permettre le pèlerinage à un lieu saint, elle demeure une construction sans pareille dans le monde de l'islam. Ancienne œuvre musulmane que l'on peut encore admirer, la Coupole du Rocher (Qubbat al-Sakhra) est entièrement antique par son plan et son décor de mosaïques. C'est pour la mosquée des Omeyyades de Damas (705) que les formules antérieures (celles des palais byzantins et des basiliques) sont adaptées pour la première fois aux besoins canoniques. Sa cour antérieure entourée de portiques, sa salle à trois nefs parallèles, coupées en leur milieu par une travée perpendiculaire, donnent le schéma fondamental de ce qui sera, pour des siècles, la mosquée dite «arabe». Mais, là encore, le décor, constitué essentiellement de mosaïques d'où sont exclues les figures animées, est byzantin et réalisé sans doute par des artistes byzantins ou syriens. Les minarets sont imités des clochers syriens. La mosquée de Médine, érigée entre 707 et 709, a été très remaniée au cours des temps, mais ne devait, primitivement, que peu différer de celle de Damas. Divisée en cinq vaisseaux, elle était flanquée de quatre minarets d'angles ; son décor était en mosaïques. Le tombeau du Prophète (QSSSL) était situé dans la partie orientale de la salle de prière. Les transformations effectuées par les Abbassides et par leurs successeurs (y compris les croisés) rendent malaisée la reconstitution du plan d'origine de la mosquée d'al-Aqsa de Jérusalem, fondation archaïque, mais véritablement architecturée au début du VIIIe s. par la mise en place de colonnes de marbre formant des nefs disposées perpendiculairement au mur du fond. Il en va de même à Harran (Turquie), où la mosquée a été commencée avant 750. Après la révolution abbasside, les Omeyyades se sont réfugié en Espagne, où ils ont transporté toutes leurs traditions artistiques (Grande Mosquée de Cordoue). Les châteaux omeyyades Découverts les uns après les autres et loin d'être entièrement étudiés, les châteaux arabes, plus ou moins ruinés (et relevant souvent de la fouille), confirment le goût effréné des princes pour ces constructions somptueuses. Par la richesse de leur décor, ils prouvent que la représentation des êtres humains n'était alors limitée en aucune façon : certains ont pu dire qu'ils y tenaient une place excessive. De conceptions très diverses, ces châteaux sont parfois de petits pavillons de chasse auxquels s'adjoint un bain, des villas groupées à l'intérieur d'une enceinte, des châteaux de plaisance avec hammam, mosquée et caravansérail, ou encore de vastes résidences conçues pour recevoir toute la cour. Extérieurement, ils ressemblent assez au castrum romain avec leur enceinte carrée fortifiée de murailles et de tours semi-rondes. Intérieurement, ils s'en éloignent beaucoup. La cour est souvent la partie centrale, autour de laquelle, avec ou sans symétrie et sur deux étages, s'organisent les bâtiments. Les plus anciens châteaux semblent dater de 705, et les plus récents de 744. Ils s'éparpillent à travers la Jordanie (Mchatta, Qasr al-Tuba, Qusayr Amra, etc.), le Liban (Andjar, situé au centre d'une ville récemment découverte et qui semble omeyyade), la Syrie (Qasr al-Hayr al-Gharbi, Qasr al-Hayr al-Charqi, Djabal Sais, Rusafa, etc.) et la Palestine (Khirbat al-Mafdjar Khirbat al-Minya). Arts ornementaux Plusieurs châteaux ont une valeur particulière par leur décor : Qusayr Amra, Mchatta, Khirbat al-Mafdjar, Rusafa, les deux Qasr al-Hayr. Nul doute que d'autres livreront encore d'importants témoignages. Les œuvres y sont audacieuses, variées, d'une grande richesse. Tous les procédés alors connus s'y rencontrent, isolés ou concurremment : le travail de la pierre ou du stuc – en méplat, en relief, en ronde bosse –, la peinture murale, la mosaïque. Le non-figuratif n'y est pas négligeable, mais cède en intérêt aux représentations d'êtres animés. Le prince occupe une place prépondérante : à Qusayr Amra, sa plus belle représentation est celle où il est peint entouré de prétoriens, assis sur un trône au bord de la mer avec des oiseaux en vol autour de lui. D'autres peintures montrent les rois vaincus et vassalisés, des scènes de chasse, des séances de musique, de danse et de gymnastique, des baigneurs, les signes du zodiaque et les constellations. A Qasr al-Hayr al-Gharbi, deux grandes compositions à même le sol (qui atteignent 10,87 m et 12 m, pour une largeur de plus de 4 m) décrivent la princesse syrienne Gaia, le buste découvert, entourée d'hippocampes et de figures animales – selon une inspiration très gréco-romaine –, ou encore un cavalier chassant, peint sous deux musiciens, qui dévoile une influence sassanide manifeste. Les thèmes du prince debout et couronné, des bustes et des corps de femmes, des personnages assis ou couchés, des cavaliers monumentaux, des frises de figures masculines et féminines sont traités en stuc. Les corps des danseuses nues sont lourds, mais les visages sont expressifs. Khirbat al-Mafdjar offre toute une série de personnages dissimulés dans les vignes : vendangeurs, ours, chasseurs. Les mosaïques ornent de dessins géométriques abondants les sols de la grande salle du bain et du diwan de Khirbat al-Mafdjar. Une seule a un décor figuré, et c'est un chef-d'œuvre : elle représente des animaux de part et d'autre de l'arbre de vie. Si le travail de la pierre est un peu moins fréquent, il offre ici (Mafdjar) une série de fragments de têtes au type oriental accusé, là (Mchatta) une des plus belles compositions, où se mêlent la faune et la flore : oiseaux, fauves affrontés autour d'un calice, etc. (Suite et fin)