L'arrêt de la CJUE : une nouvelle reconnaissance internationale de la justesse de la cause sahraouie    Démantèlement d'un réseau criminel de trafic de drogues et de comprimés psychotropes à Skikda    Les parcs nationaux algériens rayonnent sur Mars : Une distinction historique et universelle    Annaba: ouverture du Congrès international de cardiologie avec la participation de 300 spécialistes    Le rôle des syndicats pour permettre au peuple sahraoui d'accéder à ses droits légitimes souligné    Les pays musulmans doivent agir conjointement face à l'agression sioniste contre Ghaza    Foot/Trophées The Best 2024: Benzia en lice pour le Prix Puskás du plus beau but de l'année    Jeux Africains militaires: la sélection nationale de tir remporte un total de 32 médailles    Les Sukuk souverains, un nouvel outil de diversification des sources de financement des infrastructures    CNA: les décisions du président de la République pour soutenir les agriculteurs saluées    8e IFCA: hommage à la résilience des artistes-plasticiens palestiniens    Réunion de coordination pour le lancement de la deuxième phase du Recensement économique national    La Fédération nationale des travailleurs de la santé appelle à accélérer la promulgation des statuts particuliers du secteur    Le président de la République reçoit le ministre saoudien de l'Intérieur    Cour constitutionnelle : 5e atelier de formation au profit des avocats stagiaires sur l'exception d'inconstitutionnalité    Ouverture de la nouvelle année judiciaire dans les Cours de justice de l'Est du pays    Sport/Jeux Africains militaires-2024: l'Algérie ajoute à sa moisson trois médailles d'or en judo et une en volleyball    "Dar Essanâa", un nouvel espace culturel dédié aux arts et l'artisanat inauguré à Alger    Place de l'Europe et de l'Algérie au sein de l'économie mondiale    Le Général d'Armée Chanegriha se rend à l'exposition des hydrocarbures et du gaz et à la 15e Brigade blindée au Koweït    Le nouveau wali rencontre la presse nationale    Nécessité de repenser la coopération scientifique entre les pays africains    «La situation est catastrophique à Gaza»    Le wali inspecte les chantiers de logements    Un infatigable défenseur du droit international et de la cause palestinienne    Attaf appelle à des actions « osées » pour sauver le multilatéralisme mondial    Les prix du litre d'huile d'olive flambent    Trois membres d'une même famille sauvés d'une mort par asphyxie à Oued Rhiou    Journée d'étude organisée pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes    Ligue 1 Mobilis : un match à huis clos pour l'ES Mostaganem    ASMO-USMBA et WAM-RR, têtes d'affiches du dernier tour régional    Le MCA réussit sa sortie contrairement au CRB    Ouverture de la 4e édition en hommage à Noureddine Saoudi    Le MET numérise ses publications    Le 8e Festival international de l'art contemporain s'ouvre à Alger    Vers le renforcement des relations militaires entre l'Algérie et le Koweït    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Une fiction dans un décor vrai
Livre : Ténèbres à midi de Théo Ananissoh
Publié dans La Nouvelle République le 19 - 04 - 2010

Parmi les auteurs africains qui écrivent l'Afrique, il faudra désormais compter avec Théo Ananissoh. Né en 1962 de parents togolais, il a d'abord vécu en Centrafrique avant que sa famille ne fuit Bokassa. Il avait alors 12 ans lorsqu'il a «retrouvé» le Togo. Comme beaucoup de jeunes togolais, à 24 ans, il décide d'aller se former ailleurs. Il étude les lettres modernes à l'Université de la Sorbonne-Nouvelle, puis enseigne le français dans des collèges. En 1996, l'Université de Cologne lui propose de venir enseigner la littérature africaine francophone. Theo Ananissoh vit, désormais, entre l'Allemagne, où il enseigne le français à des adultes de Düsseldorf, la France et son pays, le Togo.
Ananissoh a déjà publié plusieurs écrits. D'abord des nouvelles, en 1994, avec Yeux ouverts (Editions Haho). L'une de ces nouvelles a, d'ailleurs, été choisie par l'éditeur anglais Picador pour faire partie d'une anthologie littéraire africaine. Une autre a été choisie par un grand éditeur finlandais, WSOY, pour figurer dans un recueil de textes africains. En 2005, commence sa collaboration avec Gallimard. Il publie alors dans la collection Continents noirs, Lisahohé , en 2005, un polar situé dans les couloirs du pouvoir en Afrique, puis en 2007, Un reptile par habitant qui revisite l'histoire de l'Afrique depuis les indépendances. En 2010, il publie dans la même collection un nouveau roman, Ténèbres à midi, qu'il est d'ailleurs venu présenter et dédicacer lors du dernier Salon du livre de Paris.Si l'auteur n'a pas voulu que Ténèbres à midi soit un roman situé, à l'image des précédents, il ne fait aucun doute que l'intrigue se déroule au Togo. Le narrateur est un écrivain togolais qui vit en Allemagne et souhaite retrouver un peu son pays, le redécouvrir, y «reprendre pied», le connaître et le reconnaître après près de 20 ans passés en Allemagne. Un narrateur qui fait, donc, étrangement penser à Théo Ananissoh, à la différence près, entre autres, que l'auteur lui, retourne régulièrement dans son pays d'origine.
Ce narrateur décide, donc, de partir au Togo quelques semaines et souhaite y rencontrer quelqu'un qui est au cœur du régime. Par l'intermédiaire d'une amie libraire, Nadine, il rencontre alors Eric Bamezon, conseiller à la présidence. Cet intellectuel, ancien émigré, sorte de double du narrateur, est un homme qui connaît les ors des palais et décide un soir de se livrer au narrateur, de l'emmener découvrir Lomé la nuit.
Commence alors un dialogue entre ces deux hommes qui ont tous les deux connu l'Europe et se parlent de leur pays, de leur retour. Bamezon et le narrateur sont à leur façon deux hommes que les Togolais jugent comme plus tout à fait africains et qui se définissent eux-mêmes comme pas tout à fait européens. Ils sont entre deux eaux. Ils font partie de ces Togolais qui ont connu autre chose. Pendant toute la nuit, ils débattent donc de ce retour, de cette difficile réintégration, de leur pays, de leur Afrique, de leurs sentiments. Et même si Bamezon a connu un parcours très particulier, Théo Ananissoh fait de lui un personnage dans lequel chacun peut s'identifier, qui parle de son expérience comme n'importe qui, simplement.
Bamezon, comme le narrateur, ne retrouve plus le Togo d'avant. «Celui qui sort et qui revient chez lui après une vingtaine d'années change de regard, sans aucun doute. Son regard est déshabitué pour ainsi dire, et cela me paraît être la condition pour une réflexion sur soi.»
Tous deux ne peuvent, donc, plus s'empêcher de comparer, comme s'ils regardaient leur propre pays avec les yeux d'un Allemand ou d'un Français. Tout ce qui était naturel dans leur enfance, ils le redécouvrent. Et se mettent parfois à le juger. Le lecteur se trouve ainsi pris dans ce dialogue au cœur de la nuit. Or, ce qui frappe c'est le constat qui est fait, acerbe, dur, très critique. Bamezon n'est pas optimiste. Loin de là. Il a presque peur de son pays, de ses mentalités. Il condamne sans appel. Pris au piège de son carriérisme, il n'a plus d'autres choix que de rester mais ne s'y fait définitivement pas.
Face à ce retour décrit dans ce qu'il a de plus sombre, les critiques ne manqueront pas à l'encontre du roman d'Ananissoh. Certains le trouveront peut-être trop afro-pessimiste. Mais l'auteur livre ici des idées et des perceptions bien réelles, qui se retrouvent dans toutes les têtes et dans toutes les bouches des émigrés africains, même si elles peuvent paraitre trop négatives. Il écrit librement ce que certains n'osent pas dire. Et c'est sous cet angle que le roman devient passionnant, car cette aversion cache, en fait, un réel espoir. Si Bamezon est si déçu, c'est parce qu'il avait des illusions, des rêves d'idéal pour son pays, pour l'Afrique. C'est la rage qui l'envahit lorsqu'il les compare aux réalités.
Dans ce roman que Theo Ananissoh envisage comme une fiction dans un décor vrai, les va-et-vient incessants et énigmatiques entre l'écrivain Ananissoh et le personnage écrivain, le narrateur et l'auteur rendent ce roman absolument enthousiasmant. L'auteur se refuse aux écritures ampoulées et redondantes : «Etre Africain, vous savez, c'est être dans la défaite et la frustration permanente. Et cela a tendance à développer chez les Africains (les intellectuels, les écrivains…) une sorte de volupté verbale afin de compenser un peu les frustrations de la réalité. Beaucoup de choses chez les Africains ne sont que des mots, du blablabla.» C'est, donc, dans un style très simple et efficace ponctué de nombreux dialogues, que Theo Ananissoh livre une histoire qui parlera à tous et explore à nouveau des thèmes qui lui sont chers : le retour, l'Afrique et sa politique. Avec un humour discret et une sensibilité pudique, sans effusion, Theo Ananissoh est un auteur subtil.
Et sans en avoir l'air, il nous offre un livre très politique à l'heure de l'élection présidentielle togolaise. Ananissoh témoigne du Togo sous le régime Eyadéma, de ses réalités et de ce qu'ont pu en percevoir ceux qui se trouvaient à l'extérieur, à la fois observateurs privilégiés et en même temps complètement déconnectés.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.