Révélé en 610 de l'ère chrétienne, l'Islam s'est difficilement propagé autour de La Mecque, avant de s'étendre à Médine, puis dans la Péninsule arabique. Au siècle suivant, il arriva dans les lointaines régions où existaient des civilisations avancées ce qui permit aux savants musulmans d'avoir accès au progrès d'alors et d'accéder aux idées et philosophies étrangères, contribuant, ainsi, à l'éclosion d'une brillante civilisation dont l'Europe en profita plus tard. Au cours de cette évolution, de nouvelles visions de la vie émergèrent, donc, de nouvelles tendances et courants politiques, philosophiques et religieux. Le sunnisme Le sunnisme est le courant majoritaire de l'Islam. Ce qui le caractérise sans doute par rapport aux autres courants, c'est son respect plus strict pour la lettre : les Textes et la Tradition du Prophète (QSSSL) ou la sunna d'où le nom de sunnisme. Pourtant, à l'intérieur du sunnisme, des écoles plus philosophiques ou spiritualistes ont existé. La rencontre entre l'Islam et la philosophie grecque (Platon, Aristote, Plotin) au cours du premier siècle du califat abbasside (fondé en 750) a permis l'éclosion de la philosophie (falsafa). Les théologiens apprennent à manier la dialectique et introduisent la raison (âql) comme principe d'explication religieuse. Ce courant rationaliste a été appelé «mutazilisme». Ses origines sont, au départ, autant politiques qu'intellectuelles, car les «mutazilites» («ceux qui s'isolent») cherchent en politique un compromis entre les deux grands partis divisant les musulmans, les partisans d'Ali (chiites) et les autres. Les fondateurs de l'école mutazilite, au VIIIe siècle, sont les sages de Bassora (dans l'actuel Iraq) : Wasil ibn Ata et Amr ibn Ubayd. Le débat sur la compatibilité entre la philosophie et l'orthodoxie musulmanes fait ensuite rage, entre le IXe et le XIIe siècles. Il est illustré par de grands noms : Avicenne (Ibn Sina, 980-1037) et Averroès (Ibn Ruchd, 1126-1198) pour les philosophes ; Abu Al-Achari (873-935) pour les théologiens opposés aux précédents. La synthèse établie par Al-Ghazali (1058-1111) permet la réconciliation des deux tendances et la réintégration de la philosophie (ainsi que du mysticisme soufi) dans le cadre strict de la théologie. L'œuvre d'Al-Ghazali s'est imposée dans l'enseignement dispensé dans les madrassas. C'est sur elle que la pensée sunnite a vécu jusqu'au XIXe siècle. Mais, à ce moment, la découverte par le monde musulman d'une Europe industrialisée et expansionniste a réveillé la pensée islamique. Le débat porte cette fois sur les relations entre Islam et Iscience ou politique modernes. Faut-il laïciser la société musulmane pour la moderniser ou, au contraire, revenir à l'enseignement de base du Coran pour revivifier une société musulmane qui s'est sclérosée ? Ce dernier choix est à l'origine d'un courant de pensée lancé par le Persan Djamal Al-Din Al-Afghani (1838-1897) et par son disciple, en Egypte, Mohammad Abdou (1849-1905). C'est le salafisme, courant rationaliste, qui veut intégrer les sciences modernes dans la pensée religieuse et rouvrir les portes de l'idjtihad, c'est-à-dire rétablir le droit à l'interprétation contre la seule Tradition. Mais c'est aussi une entreprise de contre-réforme qui prône le retour au Coran et à une stricte pratique religieuse. Les courants que l'on appelle «fondamentalistes» ou «islamistes» depuis le XXe sicle sont tous issus du salafisme. . Le chiisme A l'origine, le chiisme regroupe les partisans du calife Ali (656-661), cousin et gendre du Prophète Mohammad (QSSSL), qui proclame incarner la légitimité de la maison de l'Envoyé de Dieu (QSSSL), contre les trois premiers califes (Abou Bakr, Omar et Othman) et contre leur descendance. Mais, avec la mort tragique du fils et héritier d'Ali, l'imam Houssayn, lors de la bataille de Karbala, en 680, la communauté chiite quitte pour un temps la scène politique et développe une théologie plus mystique et messianique que le sunnisme. Pour les chiites, si Mohammad (QSSSL) est le dernier des Prophètes, sa succession spirituelle est assurée par les imams, c'est-à-dire Ali et ses descendants en ligne directe (les Alides), parmi lesquels, ses deux fils : Hassan et Houssayn, le martyr de Karbala. Les chiites reconnaissent aux dits et traditions de Ali une valeur quasi égale à ceux du Prophète (QSSSL). Les imams suivants développent une école juridique et une pensée philosophique qui sert de base au corpus chiite, dont la pensée évolue au cours des siècles. Ce qui distingue les chiites des sunnites, outre quelques particularités juridiques peu sensibles, c'est l'importance d'Ali : archétype des vertus pour les chiites, simple calife (le quatrième) pour les sunnites. Le chiite croit en l'infaillibilité des imams ; il adhère à la doctrine de l'imam caché et espère en son futur retour. Les grands ulémas ont le droit d'interpréter les textes sacrés : ces ulémas sont appelés ayatollahs («signe d'Allah»). Sous leur direction s'est créé un clergé structuré et hiérarchisé, inconnu chez les sunnites. Ce clergé ne se politise que très tardivement, à la fin du XIXe siècle en Iran. Jusque-là, c'est plutôt la tradition mystique qui domine le chiisme. Mais les penseurs politiques du chiisme, comme l'imam Khomeyni (1902-1989) ou Ali Chariati (1933-1977), n'ont eu aucun mal à puiser dans la tradition de contestation et de justice sociale du chiisme un appel à la révolution. Le chiisme s'est diffusé avec succès dans l'ensemble du monde iranien. Au XVIe siècle, la dynastie des Séfévides, qui prend le pouvoir en Iran, impose le chiisme comme religion d'État. C'est de ce moment que date la quasi-identification entre chiisme et Iran. (A suivre)