C'est le signal qu'attendaient les mouvements pour organiser une manifestation pacifique destinée aux alliés et surtout à la France, leurs promesses de réviser le statut des colonisés qui les auraient rejoints pour combattre les puissances de l'axe. Signalons pour l'histoire, la participation des Algériens au débarquement sur les côtes de Provence en France, à Sétif, le massacre durera plusieurs jours et toute la région est livrée à une effroyable boucherie. Le chiffre de 45 000 morts qu'ils avancent ne contredit pas le rapport du général Tubert, dépêché par Paris pour ouvrir une enquête. D'anciens membres du PPA nous signalent que «les militants ont reçu comme directive de s'armer et de riposter en cas d'attaque de la part de la police. En Oranie, la directive en ce sens a été donnée le 7 mai à la direction fédérale. L'insurrection devait avoir lieu dans la nuit du 23 au 24 mai. Le contre-ordre ne provient ni à Miliana, ni à Cherchell, ni à Saïda, où ont eu lieu des actions de sabotage». Quant à M. Bouchouka, membre de la direction du PPA, il nous donne plus de précisions : «L'agitation a commencé le 1er mai à Alger où une grande manifestation réunissant plus de 50 000 travailleurs s'est terminée avec des heurts avec la police colonialiste. Des policiers tirent et font trois morts et une dizaine de blessés. Ici, à Miliana, nous avons reçu des directives pour manifester le 8 mai pacifiquement. Mais nous avons été poursuivis par les forces de sûreté dirigées par le sinistre commissaire Gitard. L'emblème national fut accroché secrètement à chaque coin de rue. Notre bureau se composait des membres suivants : Farouzi Ahmed, Kelkouli Benaceur, Sadek Batel, Cherchali Abdelkader, Khalifa Aïssa, Mehamsadji Mohamed. Mais cette expérience a été des plus bénéfiques puisqu'elle a consolidé le parti et préparé le flambeau annonçant le 1er Novembre 1954. A Khemis-Miliana, où le parti nationaliste était fortement implanté, la section du PPA/MTLD était très active malgré les nombreux gros colons qui dirigeaient la ville. Les membres se composaient de Haïmoud Mohamed, Cherchali Hocine, Farsi Abdelkader, Yacoubi Boualem, Benmokadem Miliani. Un ancien du PPA âgé aujourd'hui de 79 ans, me raconte : «Nous étions bien préparés pour manifester d'une manière pacifique afin d'éviter toute provocation, surtout que dans la région d'El Khemis, la ville comptait beaucoup de colons racistes dont les frères Watin auteurs de nombreux crimes (un des Watin, surnommé le Chaca a organisé l'attentat du Petit-Clamart en France, pour tuer le général de Gaulle) mais le jour prévu pour la manifestation, les services de sûreté et de la gendarmerie, tenus au courant, ont arrêté de nombreux militants dont Si M'hamed Bouguerra, futur colonel de la Wilaya IX. N'empêche que les rescapés ont constitué des groupes actifs qui ont continué la lutte. Plusieurs ont participé à la fameuse réunion de l'OS qui s'est tenue dans la région de Zeddine en 1949. Ils ont laissé leurs lettres d'or au champ d'honneur comme Moha Bouzar, Hamdane Batel, Si Belkebir, Si M'hamed, Si Hamid dit «Platine». Aujourd'hui, samedi 8 mai une cérémonie de recueillement s'est déroulée durant la stèle des martyrs en présence du wali et des autorités civiles et militaires.