L'école classique marque vraiment l'avènement de l'économie moderne. La période classique commence avec le traité -- déjà évoqué d'Adam Smith sur De la richesse des nations (1776) et se termine avec la publication, en 1848, des Principes de l'économiste John Stuart Mill (1806-1873). Les classiques L'école classique marque vraiment l'avènement de l'économie moderne. La pensée classique a été développée en France et en Grande-Bretagne. Mais c'est le grand penseur allemand – qui a révolutionné -- Karl Marx (1818-1883) qui inventera le terme «classique» en mettant distinguant les économistes classiques des économistes ordinaires. Pour lui, les premiers ont cherché à déterminer l'origine de la valeur. Par contre, l'Anglais Keynes avait une vision différente quand il fait référence aux classiques car il étend ce courant plus largement encore. Pour sa part, d'autres économistes -- qui adhèrent à la loi de Say (1767-1832) -- font partie également de l'école classique. D'autres générations d'auteurs encore viendront à leur tour développer la pensée économique, en plus d'Adam Smith, à l'exemple de Jacques Turgot (1727-1781) avec les Réflexions sur la formation et la distribution des richesses paru en 1766, de David Ricardo (1772-1823), auteur Des principes de l'économie politique et de l'impôt (1817)), de Thomas Malthus (1776-1834) avec son Essai sur le principe de population (1798), de Jean-Baptiste Say (1767-1832), qui a publié le Traité d'économie politique (1803), et, enfin, John Stuart Mill (1806-1873), auteur des Principes d'économie politique (1848). Les classiques se sont intéressés, surtout, aux questions de production, de fixation des prix de répartition et de consommation. Il y a entre ces grands auteurs une grande similitude de pensée. Libéraux et contemporains du grand tournant économique qu'est la révolution industrielle (au milieu du XVIIIe siècle), en Grande-Bretagne, principalement, ils ont assisté à la naissance du capitalisme industriel tout en étant ses fervents défenseurs. Par ailleurs, ils ont énoncé plusieurs principes et postulats qui sont au centre de la pensée de cette école philosophique si influente. Ces théoriciens pensent, tout d'abord, qu'il existe un ordre naturel dont les lois conduisent à une relative harmonie des intérêts particuliers. Mais ce dernier est constamment menacé, et, donc, il revient à la puissance publique et aux autorités des pays de le protéger et de le sauvegarder. Ainsi, pour Jean-Baptiste Say, l'Etat se doit obligatoirement de protéger de façon absolue la propriété privée considérée comme sacrée et pérenne. Adam Smith, lui, pense que l'institution étatique a le devoir d'empêcher les conspirations des entrepreneurs qui tentent par des ententes de faire monter les prix, ou encore prendre en charge l'éducation des ouvriers que la division du travail abrutit. Les libéraux ont repris à un physiocrate, Vincent de Gournay, la fameuse sentence «Laissez faire les hommes, laissez passer les marchandises». Le marché concurrentiel remplace, donc, l'Etat comme régulateur de l'économie, mais il maintient son pouvoir comme garant de l'existence du marché, limitant, toutefois, ses autres interventions à ses fonctions régaliennes, ainsi qu'à la fourniture de biens collectifs que l'initiative privée ne saurait fournir (routes, ponts, éducation …) Enfin, le principal moteur de l'activité économique dans la société est, bien sûr, l'intérêt de l'individu, et c'est pour cela que le libéralisme économique est, tout simplement, un pur individualisme. Pour les théoriciens de ce courant économique, comme Adam Smith ou Turgot (1727-1781), l'intérêt de la collectivité est atteint par la confrontation des intérêts individuels. «Ainsi [...], les motifs égoïstes de l'homme mènent le jeu de leur interaction au plus inattendu des résultats : l'harmonie sociale.» La différence essentielle entre les classiques anglais et les classiques français est dans leur conception de la valeur. Pour les premiers, le travail est la seule source de la valeur (théorie de la valeur travail). Pour l'école française, cette valeur est l'expression de l'attraction des êtres humains, en général, ressentent pour les choses matérielles (théorie de la valeur-utilité chez Say). On trouve, ainsi, un autre clivage important dans l'école classique entre qui est «le monde merveilleux d'Adam Smith» et les «funestes pressentiments du pasteur Malthus et de David Ricardo», influent économiste de cette école (1772-1823). Ainsi, une partie des classiques décrivent un monde autorégulé par la «main invisible» d'Adam Smith où les crises durables sont quasi impossibles (selon la loi dite «de Say»). Mais d'autres théoriciens craignent de voir la surnatalité provoquer la famine, due à la croissance économique qui entraîne un enrichissement de la population et, par conséquent, un taux de mortalité décroissant (chez Malthus et Ricardo). D'autre part, l'évolution logique de la répartition des richesses en faveur des rentiers pourrait amener l'économie vers la stagnation (pour Ricardo). Les prémices du socialisme Les classiques et leurs analyses ont été rapidement critiqués. En 1818, Jean de Sismondi (1773-1837) publie ses Nouveaux principes d'économie politique où il critique les conséquences sociales de l'industrialisation visibles, surtout, dans l'Angleterre de son siècle : chômage, inégalité flagrante, paupérisation des masses populaires etc. Il dénonçait un libéralisme qui ne se fait qu'à sens unique au profit d'une minorité, tout en procurant des droits aux entrepreneurs et imposant des obligations aux ouvriers. Il cherchait, également, à développer une théorie économique montrant la possibilité de déséquilibres globaux dans l'économie, notamment lors des crises majeures de surproduction. Pour cela, il introduisit la notion de délai entre la production et la consommation (un an dans le cas de l'agriculture, par exemple) pour réfuter la loi de Say qui avançait que «les produits s'échangent contre des produits» (système du troc). Pour citer un exemple, l'introduction du progrès technique n'accroît pas forcément et en même temps l'offre et la demande, car, son premier effet est de permettre le licenciement des ouvriers qui ne seront réembauchés qu'à moyen terme, à condition qu'entre temps les déséquilibres de court terme ne provoquent pas une crise de surproduction. Cette ère est aussi celle de l'émergence de la pensée socialiste. Certains socialistes utopiques comme le Français Charles Fourier (1772-1837) dénoncent l'anarchie provoquée par la révolution industrielle dans le Vieux Continent. Il rêvait de mettre en place des phalanstères, communauté de 1620 personnes triées et choisies pour leurs caractères et leurs aptitudes complémentaires pour que la communauté toute entière puisse être au mieux organisée et, ainsi, prospérer pour le bien de tous. De nombreux phalanstères furent, par exemple, créés aux Etats-Unis. Certains industriels philanthropes à l'image de Robert Owen théorisent et mettent en pratique des usines modèles ou se développent les cours du soir, la hausse de la productivité par la réduction du temps de travail, où les familles sont prises en charges et profitent de nombreux agréments : écoles, jardins d'enfants, etc. Comme Fourier, ce philosophe rêvait de mettre en place des «villages de coopération». En France, Claude Henri de Saint-Simon (1675-1755) développe le progressisme industriel et souhaitait mettre en place une intervention technocratique de l'Etat basée sur la planification industrielle et dont l'objectif serait l'amélioration des conditions de la classe laborieuse. Autour de lui se forme une véritable «secte économique» : le saint-simonisme. Charles Brook Dupont-White développe, lui, une critique radicale du capitalisme qui annonce celle du marxisme et propose l'intervention de l'Etat comme régulateur du système économique. Et pour terminer, revenons en Grande-Bretagne, où le dernier des théoriciens classiques anglais, John Stuart Mill prônait que le libéralisme est la meilleure manière de produire des richesses pour la société mais tout en indiquant qu'il n'est pas pour autant la meilleure façon de les répartir entre les membres de la communauté…