De fait, c'est l'homme intégré à l'entreprise qui génère la dynamique de la croissance et, donc, le développement économique et le progrès social, à travers la valorisation d'un savoir et d'un savoir-faire sans cesse adaptés aux nouvelles mutations technologiques. Or, les bilans établis par les institutions internationales auxquelles l'Algérie a adhéré ont montré clairement le retard considérable pris par notre pays, notamment dans le domaine de l'éducation. Une telle situation, nous la devons non point à une insuffisance de moyens financiers, loin s'en faut, mais essentiellement, en amont, à une éducation inappropriée et, en aval, à une dévalorisation du savoir et du savoir-faire au profit d'un développement effréné des emplois-rentes destructeurs de richesses et d'un marché informel étendu à l'ensemble de l'économie nationale, le tout généré par une exploitation pour le moins irraisonnée de la rente pétrolière et gazière. Il apparaît ainsi que la revalorisation du savoir et la réforme de l'école, mère de toutes les réformes, en insistant sur la qualité et non en se limitant aux dépenses monétaires, sont les conditions essentielles pour que nos entreprises puissent se développer et résister à la concurrence imposée par la mondialisation. De même qu'aucun résultat satisfaisant tant pour le client que pour l'entreprise ne peut être obtenu sans la mise en place de structures autonomes accompagnées de délégations de pouvoirs. 5) C'est précisément le rôle assigné au management d'entreprise, une activité qualifiée par nombre d'experts comme étant l'art de faire face intelligemment au changement, dont l'auteur apporte une définition personnelle : «Le management d'entreprise est une activité intellectuelle qui consiste à organiser rationnellement des ressources humaines et matérielles en vue d'atteindre, voire de dépasser des résultats planifiés et à exercer l'art de conduire des hommes afin qu'ils puissent donner le meilleur d'eux-mêmes et se voir récompensés au prorata de leur contribution aux résultats.» Dans ce cadre, l'auteur montre que le management d'entreprise constitue une condition préalable à la gouvernance institutionnelle, système de contrôle à l'échelle mondiale en plein essor qui s'étend en amont et en aval des programmes nationaux de développement économique et social et traite de sujets aussi importants et divers que la démocratisation, la résolution des conflits, l'efficacité administrative, l'Etat de droit et le contrôle de la corruption, le management d'entreprise constituant une voie incontournable pour atteindre les objectifs assignés à la bonne gouvernance. S'inspirant d'autres disciplines telles que l'histoire sociale ou la macro-sociologie, qui se sont aussi intéressées aux institutions comme les bases structurantes de la vie sociale et politique, l'auteur renoue avec les traditions de l'économie politique qui s'intéressait aux mécanismes par lesquels l'action économique et sociale se réalise et aux efforts des fonctionnalistes pour saisir les interconnections permanentes entre le système politique, l'économie et la société, le but étant de répondre à la question de la façon dont les choix sociaux sont façonnés par des dispositifs institutionnels. C'est là que nous retrouvons l'indispensable pont entre la théorie et la pratique évoqué précédemment. Ingénieur en génie civil sorti des plus grandes écoles françaises, Chérif Ouabdesselam a fait de sa vie professionnelle le fondement d'une réflexion profonde et singulière. En sus de ses connaissances acquises auprès d'experts internationaux en management d'entreprise, l'auteur décrit comme exemples concrets les circonstances dans lesquelles fut réalisé le projet de pipeline reliant les gisements de pétrole de Hassi-Messaoud au port d'Arzew au cours des premières années de l'indépendance et dont il fut un des principaux responsables, ainsi que les conditions dans lesquelles fut gérée Altra, une des plus importantes filiales de Sonatrach dont il fut le leader durant plus de dix années, ce qui lui a valu d'être récompensé par une promotion à un poste de vice-président de Sonatrach. L'auteur en tire des leçons non seulement pour décrire les techniques de management appliquées dans les pays avancés mais aussi pour tenter d'identifier les facteurs de blocage empêchant les entreprises du tiers-monde d'y accéder, notamment en Algérie, ainsi que les solutions qu'il croit utiles d'y apporter à la lumière de sa propre expérience. Partant de la constatation que toute activité managériale est sous-tendue par des valeurs puisées dans les cultures, l'auteur préconise de considérer la culture maghrébine comme la source privilégiée des valeurs tant universelles que spécifiques aux pays méditerranéens auxquelles pourraient adhérer nos managers d'entreprise. Ainsi pourraient-ils redécouvrir des valeurs communes héritées de l'âge d'or de l'islam et susceptibles de les rendre plus efficaces et de contribuer ainsi au développement de véritables partenariats fondés sur des intérêts réciproques avec leurs homologues de la rive nord de la Méditerranée, d'où l'importance pour l'auteur du dialogue euro-méditerranéen. Or, la symbiose des apports de l'Orient et de l'Occident par le dialogue des cultures et des religions permettra d'éviter tout choc de civilisations préjudiciable à l'avenir de l'humanité. L'intensification des relations entre l'Orient et l'Occident, la promotion de synergies culturelles, économiques (codéveloppement) et politiques sont seules à même d'intensifier une coopération pour un développement durable entre le Nord et le Sud, et ce afin de faire de notre planète un lac de paix et de prospérité partagée, où seraient bannis l'extrémisme, le terrorisme et la haine. 6) Partant de là, l'auteur n'occulte pas cet objectif stratégique qui est de repenser l'actuel système économique mondial en intégrant le défi écologique, ce système actuel favorisant la bipolarisation Nord-Sud, la pauvreté préjudiciable à l'avenir de l'humanité, accéléré d'ailleurs par les gouvernances les plus discutables de la part de la plupart des dirigeants du Sud, les deux tiers des 7 milliards d'âmes étant concentrées au Sud avec moins de 30 % des richesses mondiales. Or, il s'agit de repenser tout le système financier mondial issu de Breeton Woods en 1945, la véritable économie de marché reposant sur l'entreprise créatrice de richesses et son soubassement, le savoir, et non sur la spéculation financière, et ce dans un environnement concurrentiel. (Suivra) Par le Pr Abderrahmane Mebtoul, expert International et professeur d'université (1) Le management d'entreprise dans les pays du tiers-monde de Chérif Ouabdesselam Editions Dahlab, mai 2010, préface