L'assaut meurtrier de l'armée israélienne contre des bateaux civils et sans armes appartenant à la flotille internationale Gaza Freedom dans les eaux internationales en dit long sur la nature d'un Etat présenté par des médias aux ordres comme la «seule démocratie» dans la région. L'émotion légitime suscitée par ce massacre perpétré de sang froid au sein de l'opinion publique internationale et particulièrement dans les milieux sympathisants avec la cause palestinienne ne doit pas occulter les véritables objectifs politiques poursuivis par le gouvernement israélien à travers cet acte de piraterie internationale. Les «regrets» exprimés par des officiels israéliens à la suite de ce forfait ne doivent pas cacher qu'il s'agit bel et bien d'une opération militaire planifiée à l'avance et qui ne saurait donc être déconnectée de ses objectifs politiques inavoués. Pour bien préparer à l'avance les médias qui lui sont favorables et qui sont censés lui trouver quelques «circonstances atténuantes», le gouvernement israélien n'a pas hésité, tout au long des jours qui ont précédé le jour J, à crier à la provocation. A l'entendre, cette campagne de solidarité internationale n'a pas lieu d'être dans la mesure où tout ce qui est apporté (nourriture, médicaments) existe déjà sur place. Outre le fait que le droit international ne fixe aucun plafond à la solidarité civile internationale, cet argument israélien a été dénoncé comme il se doit par neuf députés européens qui viennent de rentrer de Gaza à la suite d'une mission d'enquête organisée par l'UNRWA. Dans leur communiqué, ces députés déclarent à la face du monde que «la situation humanitaire alarmante, et de plus en plus catastrophique, requiert une levée immédiate, totale et durable du blocus imposé par Israël» et rappellent à cette occasion que 80 % de la population de Gaza dépend de l'aide alimentaire. Comment un Etat censé être plus «puissant», plus «moderne» et plus «rationnel» que ses voisins s'est-il laissé prendre aussi facilement dans le supposé «piège» ou la prétendue «provocation» de ses adversaires ? Il est d'autant plus difficile de croire à cette fable que le gouvernement israélien n'a pas cessé de déclarer une semaine avant son forfait que son armée est prête à empêcher l'arrivée de la flotille internationale à Gaza sans tomber dans la provocation et qu'il a pour cela planifié les moyens de la maîtriser sans faire de victimes. Pour comprendre les véritables objectifs poursuivis par le gouvernement israélien, il est, en effet, important de rappeler ces faits et d'insister sur un élément tactique que les médias vont tout faire pour escamoter : la marine israélienne avait et a les moyens pour arraisonner une flottille de cette importance sans faire de victimes. Par conséquent, en se livrant à un acte aussi cruel qu'inutile, le gouvernement israélien a pris le risque de voir son image prendre un nouveau coup au sein de l'opinion publique internationale après celui enregistré lors de la guerre contre Gaza. Pour prendre un tel risque, il a dû faire un calcul coûts/résultats qui a fini par lui faire préférer ce risque à un autre, jugé peut-être plus dangereux. Quel est donc ce risque qui semble empêcher les dirigeants israéliens de dormir ? Un crime prémédité en vue d'intimider Les stratèges israéliens ont manifestement tiré des enseignements de leurs deux dernières guerres d'agression contre le Liban (2006) et Gaza (2008-2009). Malgré une disproportion flagrante du rapport des forces militaires, le gouvernement israélien n'a tiré aucune victoire politique de sa furie destructrice qui n'a fait que dévoiler son véritable visage à de nouveaux secteurs de l'opinion publique internationale. Ni le Hezbollah au Liban ni le Hamas à Gaza ne sont sortis affaiblis de la guerre d'agression que l'armée israélienne a fait subir aux populations civiles. Le divorce tant recherché entre le Hamas et la population de Gaza n'a pas eu lieu malgré des pressions économiques et sociales terribles allant dans ce sens. La guerre civile interpalestinienne que les services israéliens auraient souhaitée n'a pas eu lieu malgré les nombreuses provocations sur le terrain. ` Tout en rejetant la reprise des négociations indirectes israélo-palestiniennes jugées improductives dans le contexte actuel, le Hamas n'est pas tombé dans le piège de la lutte fratricide. Mais l'élément politico-diplomatique le plus important de ces dernières semaines fut sans nul doute la rencontre officielle du dirigeant du Hamas Khaled Mechaal avec le président russe Medvedev à Damas, et ce au lendemain du rejet officiel par le Hamas des négociations indirectes israélo-palestiniennes. Cette capacité à allier fermeté sur les principes et ouverture diplomatique a de quoi inquiéter le gouvernement israélien surtout qu'elle laisse présager de la part du Hamas une évolution politique susceptible de lui faire enregistrer des résultats politiques et diplomatiques significatifs à un moment où le question palestinienne est en phase de reprendre la place centrale qui est la sienne dans l'architecture des conflits qui déchirent le Moyen-Orient. Or, le Hamas sait qu'il ne doit pas uniquement la reconnaissance d'une puissance comme la Russie à sa proximité avec la Syrie. Dans sa bataille diplomatique, le Hamas sait que sa principale carte reste le soutien de larges couches du peuple palestinien dans les territoires occupés et à Gaza. Or, ce soutien ne peut continuer et s'étendre que si le Hamas réussit à lever le blocus imposé par Israël. Pour cela, le soutien international, civil et diplomatique s'avère nécessaire. Le gouvernement israélien l'a bien compris et c'est pourquoi il a fait du sabotage de cette campagne civile internationale pour la levée du blocus de Gaza un axe de travail stratégique. L'assaut meurtrier contre la flottille internationale Gaza Freedom s'inscrit pleinement dans cette stratégie. L'assaut à visée assassine était donc prémédité. Pour le gouvernement israélien, il était vital de tuer dans l'oeuf ce mouvement naissant de solidarité internationale concrète avec Gaza et avec la Palestine plus généralement. Un simple arraisonnement de la flottille, suivi d'une arrestation provisoire des militants et de leurs familles, tactiquement tout à fait possible, n'était pas suffisant pour le gouvernement israélien. Une telle option, non seulement n'aurait pas empêché la reconduction de pareilles initiatives, mais elle l'aurait peut-être encouragé. Ce qui constitue en soi un cauchemar pour les dirigeants israéliens. Le premier objectif poursuivi par le gouvernement israélien était donc l'intimidation des forces susceptibles de renforcer la campagne civile internationale pour la levée du blocus de Gaza, surtout que cette campagne, si elle réussissait, risque de s'étendre à l'ensemble des territoires occupés. Cette stratégie de l'intimidation est d'autant plus calculée que le gouvernement israélien redoute par-dessus tout que les campagnes de solidarité civile internationale avec le peuple palestinien dévoilent ce qu'il veut précisément et absolument cacher et qui constitue la réalité quotidienne du peuple palestinien : l'apartheid et le massacre à huis clos.