La Grande Dépression est la période de l'histoire américaine qui suivit le «Jeudi noir» du 24 octobre 1929, jour où survint le krach boursier. De nombreux économistes pensent que la Grande Dépression fut à la fois causée et prolongée par l'attitude du pouvoir américain. Deux politiques ont particulièrement été montrées du doigt par les économistes. Les causes de la crise La première cause est la politique monétaire de la Réserve Fédérale américaine, qui avait nourri la spéculation en laissant s'étendre de façon douteuse la quantité de monnaie sur le marché (notamment avec le passage de l'étalon or «gold standard» au «gold exchange standard», puis qui, en sens inverse, laissa les banques et les entreprises s'asphyxier par manque de crédits au moment où elles en avaient besoin. La seconde est le recours à des mesures protectionnistes telles que le Hawley-Smoot Tariff Act, qui augmenta les tarifs à l'importation dans le but de protéger les producteurs locaux mis en danger par la compétition internationale. En réponse à cette politique, d'autres pays augmentèrent à leur tour leurs tarifs, mettant en très mauvaise posture les sociétés américaines qui vivaient de l'exportation. Ce qui conduisit à une suite d'augmentations des tarifs qui fragmenta l'économie mondiale. Beaucoup estiment qu'une politique économique correcte aurait évité de transformer un krach normal, voire nécessaire, en une crise économique qui dura une décennie. Il faut ajouter l'aveuglement des acteurs économiques, assez remarquable. Bien que le taux de croissance du PIB ait été nul de janvier à août, le président de la Bourse de Wall Street s'exprime ainsi (septembre 1929) : «Bien des gens n'ont pas compris que c'en est apparemment fini des cycles économiques tels que nous les avons connus. Quant à moi, je suis convaincu de l'essentielle et fondamentale solidité de la prospérité américaine.» Les points de vue théoriques Le point de vue libéral sur la crise des années 1930 a été défendu par Lionel Robbins dans son ouvrage la Grande Dépression 1929-1934. Pour Robbins, la crise était inévitable : les dettes des agents économiques étaient devenues au cours des années 1920 trop importantes et la spéculation boursière excessive. Il dénonce l'intervention excessive de l'État et des syndicats dans le fonctionnement des marchés, en particulier dans le mode de fixation des salaires, et la passivité de la Banque centrale face à la spéculation sur les marchés boursiers. Robbins défend l'idée libérale que la crise vient assainir la situation économique et permettre à l'activité économique de repartir sur des bases plus solides. La crise économique est vue comme une purge, et l'État doit laisser celle-ci se faire, en laissant jouer les mécanismes du marché. Cette politique libérale a été appliquée par la plupart des gouvernements au début de la crise, dont l'administration Hoover. Les marxistes, eux, ont insisté sur les défaillances propres au système capitaliste. Ils reprennent les thèses de Karl Marx (1818-1883) de la suraccumulation du capital et de la baisse du taux de profit qui sont à l'origine des multiples crises survenant dans le système capitaliste : la suraccumulation du capital entraîne une surproduction de biens de production par rapport aux biens de consommation. En troisième lieu, la théorie keynésienne est plus une théorie de la sortie de crise qu'une analyse de la crise en elle-même et de ses causes. Dans la théorie générale, Keynes, le célèbre économiste britannique, explique que la sortie de crise doit s'effectuer grâce a une intervention active de l'État dans l'activité économique. L'État doit redistribuer les revenus en faveur des classes sociales les plus défavorisées, (car elles ont la propension à consommer la plus élevée). L'État doit, également, mettre en place une politique monétaire de faibles taux d'intérêt afin de favoriser l'investissement. Il doit distribuer du pouvoir d'achat par l'augmentation des salaires, des prestations sociales et des dépenses publiques, car la demande effective détermine le niveau de production et, donc, l'emploi. Le déficit budgétaire doit permettre, grâce à l'effet multiplicateur, d'injecter de la liquidité. Pour les monétaristes, représentés par Milton Friedman, ils dénoncent la politique monétaire restrictive mise en place par la FED à partir de 1928, qui entraîne une pénurie de crédits. Cette erreur serait à l'origine de la crise. La FED aurait, au contraire, dû fournir des liquidités au système bancaire : le renchérissement du crédit a forcé les spéculateurs boursiers à retirer leur épargne, ce qui a entraîné la faillite de près de 5 000 banques aux États-Unis. Quant à l'Ecole autrichienne d'économie, elle soutient au contraire que c'est la création monétaire effrénée dans les années 1920 par le tout jeune système de Réserve fédérale qui a conduit à une bulle inflationniste vouée fatalement à l'éclatement. «L'effondrement fut l'aboutissement fatal des pressions exercées pour abaisser le taux d'intérêt au moyen de l'expansion du crédit», argument-ils. Plus tard, les théoriciens de la régulation montrèrent que les économies développées ont été déstabilisées par les progrès de l'organisation scientifique du travail. Le taylorisme a, en effet, permis une augmentation très importante de la production : On a, ainsi, calculé que la production par tête a augmenté dans un pays comme la France de 6 % par an entre 1920 et 1960. En revanche, les salaires réels ont progressé de seulement 2 % par an sur la même période, ce qui explique l'apparition d'une situation de surproduction et le déclenchement de la crise. Les réactions et les mesures prises Le «New Deal» permit de limiter les conséquences sociales dramatiques de la crise, décrites par des ?uvres comme les Raisins de la colère de John Steinbeck. Il redonne espoir aux Américains et Roosevelt sera réélu en 1936, en 1940 et en 1944, dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, il est vrai pour 1944. Par la première forte intervention d'un État dans l'économie, certains pensent même qu'il a sauvé le capitalisme lui-même. Le Président américain fournit aussi aux États-Unis des infrastructures : routes, aménagements hydroélectriques, encore utilisées à l'heure actuelle. Le «New Deal» est, souvent, crédité d'avoir permis de surmonter la crise. Ce point de vue, généralement admis jusque vers les années 1960, est aujourd'hui contesté par les économistes. Lorsque survint la Seconde Guerre mondiale, soit 8 ans après les débuts du «New Deal», les États-Unis étaient encore en pleine crise. Certains affirment que l'instabilité inhérente des marchés économiques causa une crise si profonde, que même les interventions du «New Deal», aussi pertinentes soient-elles, n'auraient pas pu rétablir rapidement la situation. D'autres estiment que la crise de 1929 correspondant à la période de l'histoire américaine où l'intervention du gouvernement fut la plus forte, on pourrait raisonnablement penser que l'action du gouvernement n'a fait qu'accentuer la dépression, plutôt que d'y remédier. Ils tirent entre autres arguments du fait qu'après un redressement initial, l'économie a replongé à partir de 1937, à peu près au moment où la Cour suprême a permis au «New Deal» de prendre plus d'ampleur. La thèse moderne dominante est que la crise fut en fait causée, notamment, par la politique monétaire de la FED, trop restrictive, et qu'elle a pris fin lorsque cette politique cessa pour redevenir plus accommodante. La FED elle-même s'est ralliée à cette thèse et gère maintenant toutes les crises comparables en conséquences. Beaucoup pensent que ce sont les dépenses militaires des gouvernements qui relancèrent la croissance économique mondiale, mais cette explication ne correspond pas complètement à la vérité historique. L'Allemagne et l'Italie étaient sorties de la crise avant la Seconde Guerre mondiale, en se lançant dans des dépenses massives en armement, certes, mais aussi et surtout en infrastructures (autoroutes, stades...). Le déclenchement de la guerre elle-même n'aura sur leurs économies que des conséquences négatives. Les États-Unis revinrent à un taux d'activité normal durant la guerre grâce aux importants investissements militaires, mais également en employant une part importante de la population active dans l'armée. Cela ne signifiait pas - au contraire - que l'Amérique était sortie de la crise. Et lorsque la guerre arriva à son terme, le retour des millions de soldats dans leurs foyers imposa une période de réajustement de l'économie. Dans d'autres pays, tels que la France, la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas, la guerre avait bien sûr causé des dégâts considérables, plutôt que d'être un moteur de la relance économique. Si la guerre put s'avérer profitable pour certains secteurs de l'économie, elle causa généralement une dislocation économique et sociale telle qu'elle contrecarra le moindre de ses effets positifs. (Suite et fin)