Cette réunion est l'une des étapes qu'il fallait franchir et, heureusement pour la filière, elle le fut. 2007 : début de panique Qui sont-ils au fait ces laitiers qui accablèrent de tous les maux les ex-unités de l'Onalait ? Ils ont su tirer profit d'une certaine politique : terrains gratos, unités gratos, lignes de crédit qu'ils n'ont probablement jamais remboursés, personnel non déclaré et surexploité et des distributeurs qui ne rechignent jamais ; même mieux, ils graissaient la patte des nouveaux laitiers pour avoir une ligne de distribution. C'est leur introduction dans le sérail qui leur a permis d'avoir toutes les clefs. En 2007, les nouveaux laitiers du groupe d'amis d'un ex-ministre des années 80 profitent d'une aubaine : la crise mondiale du lait fomentée par des spéculateurs qui font exploser les Bourses qui à leur tour déstabilisèrent le marché mondial. Il fallait que l'Etat agisse et soutienne les laitiers durant cette période de crise, le lait étant un produit stratégique dans notre pays. Des sommes colossales furent dégagées. Prônant la «démocratie», l'Office national interprofessionnel du lait (l'ONIL) est chargé de faire la répartition des quotas de poudre de lait importée par l'Etat au profit des laiteries. Il n'y a pas eu de répartition équitable, les laitiers de l'intérieur du pays reprochent à ceux de l'Algérois de s'accaparer de presque la totalité de la poudre importée. Certains déclarent qu'ils travaillent en trois fois huit heures, soit à plein temps, donc ce sont trois quotas pour l'ex-ministre et ses amis. L'unique souci de l'Etat est de maintenir le prix du lait à 25 DA, la différence est prise en charge par le Trésor public. Depuis, les profits engrangés par les laitiers du «Nord» sont faramineux. L'un d'eux avance la somme de 1,320 milliard de dinars réalisée comme bénéfice sur la base des soutiens accordés par l'Etat. Les dérivés du lait ne doivent pas bénéficier du soutien Les yaourts, crèmes glacées et autres crèmes dessert sont des dérivés ou sous-produits du lait. Ce ne sont pas des produits de première nécessité. Pour le malheur du Trésor public, et pour le bonheur des transformateurs, ces produits sont préparés à base de lait soutenu par l'Etat. Donc, le yaourt que nous payons à 20, 25 et 28 DA revient à 5 DA au maximum. Le cornéto ou la barre glacée que vous achetez à Alger à 30 DA, et que les gens du Sud acquièrent à 40, 45 et 50 DA, sont fabriqués avec du lait soutenu par l'Etat. Chaque litre de lait permet de produire jusqu'à huit yaourts et neuf barres glacées. Un producteur qui a abandonné le métier depuis son hadj nous fait un calcul simple : les quatre-vingts unités, l'une dans l'autre, produisent huit millions de yaourts quotidiennement, soit un million de litres de lait par jour qui est mobilisé. Pourquoi les laiteries ne veulent pas du lait cru algérien? Il y a certaines laiteries qui achètent aux éleveurs le lait cru à 34 DA et font du bénéfice, alors que d'autres imposent moins de 20 DA allant parfois jusqu'à 15, faisant, ainsi, pression sur les éleveurs en se plaignant de la cherté du produit. Leurs capacités de production sont faibles et demandent d'importantes quantités de lait en poudre. Alors, que feront-ils avec ses quantités astronomiques de poudre de lait, si ce n'est la revente aux producteurs de glaces en été ? Le parc national en vaches laitières se renforce Si l'on s'en tient au cheptel bovin producteur de lait on n'aura pas besoin de recours à l'importation de poudre de lait. Bien au contraire, à ce moment, il faudrait réfléchir à réaliser des usines de déshydratation de surplus de lait. Mais, malheureusement, il n'y a pas actuellement une organisation à même de collecter l'ensemble de la production. A titre d'exemple, la wilaya de Sidi Bel-Abbès pourrait produire plus de 52 millions de litres de lait cru, mais elle ne collecte que 18 millions de litres, en sus des dysfonctionnements dans les paiements des dus des collecteurs et des producteurs. La wilaya de Tlemcen vit les mêmes problèmes. Jusqu'à avant-hier, certains éleveurs n'ont pas perçu leurs dus. Leur représentant dans la salle de réunion a crié famine et désolation. «Il faut nous distinguer des laitiers, dira-t-il, eux, ils engrangent des milliards et nous «les bergers», nous vendons nos biens pour faire vivre nos vaches. Nous demandons à la «doula » de nous défendre et de préserver nos droits.» Il conclura : «Il ne faut pas enrichir les agriculteurs des autres pays sur le dos des nôtres. Les laitiers doivent comprendre qu'un beau jour, si l'on continue sur cette lancée, l'avenir de l'Algérie sera compromis et ils devront assumer.» C'est à ce moment qu'un vice-président du CIL prend la parole pour mettre à nu les desseins de dix laiteries. Les maladies inhérentes à la malbouffe et la mauvaise distribution du lait ont fait que les modes de consommation ont changé. On va vers l'abandon de certains produits. Le lait de brebis qui était largement consommé dans la steppe et Hauts-Plateaux est remplacé par ceux de la chèvre et de la chamelle. Ces deux laits ne contiennent pas de cholestérol. La consommation de viande de chevreau, sous forme d'alicament pour éviter les matières grasses, fait qu'il y a une progression exponentielle dans le développement de ce cheptel, d'où plus de chèvres et, donc, plus de lait provenant de cet animal. L'abandon de l'importation de la poudre de lait reste une option qu'il ne faut pas écarter.