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Du défi politique au défi moral
L'Afrique du Sud, hier et aujourd'hui
Publié dans La Nouvelle République le 19 - 06 - 2010

Quelques durables émotions resteront attachées au nom de l'Afrique du Sud. D'un certain point de vue, il est heureux que mêmes les jeunes générations gardent le souvenir de l'année charnière de 1994. Mandela était élu président et un goût de revanche sur quelques siècles d'oppression dont le centre était le pillage des ressources. Sous forme d'esclaves ou sous forme de diamants, de cuivre, de pétrole ou de cacao, quelle différence ? Sans les esclaves d'hier ou ceux d'aujourd'hui, qui trimerait aux champs ou dans les mines ? Et être un peu plus ou un peu moins esclave ne résout pas la question dans le fond.
Ce 27 avril 1994, l'élection de Nelson Mandela et la victoire électorale de l'ANC ont donné l'impression aux peuples du monde entier que le monde basculait enfin du bon côté. Il y avait de quoi. Par les non-dits comme dans les symboles les plus parlants. Un président noir gouvernant des Blancs, c'est quand même fort comme signal quand le pays en question gémissait sous le joug d'un Etat qui avait codifié le racisme. Et au-delà de ce que les racistes aux Etats-Unis avaient pu produire pour les descendants d'esclaves.
Un défi politique devenu un défi moral
Mais ce n'était pas la seule raison. La lutte de l'ANC avait pris une tournure particulière. L'apartheid, par la forme achevée qu'il donnait du colonialisme, était devenu le défi moral pour l'humanité au cours du dernier tiers du siècle dernier. Partout, ce que l'humanité avait de meilleur s'est mobilisé et a obligé les Etats au boycott de l'Etat raciste qui fut soutenu jusqu'au bout par Israël et jusqu'aux dernières limites possibles par les Etats-Unis. La chute de l'apartheid fut aussi une question de tous les pays de l'Afrique australe. Cet Etat raciste s'est opposé à tous les mouvements de libération de la région et a créé des mouvements qui lui étaient inféodés sur des bases tribales mais surtout sur des bases financières et de corruption. Les luttes d'indépendance du Mozambique, de la Namibie sous occupation sud-africaine, de l'Angola et du Zimbabwe furent intimement liées à la lutte contre l'Etat raciste qui a cherché à supplanter les anciens pays coloniaux. La chute du régime d'apartheid fut aussi le résultat d'une conjonction des luttes régionales. Et il est admis de dater le début de sa fin de la bataille de Cuito Cuanavale (du 12 au 20 janvier 1988) en Angola qui a opposé les troupes sud-africaines et celle de Jonas Savimbi, d'une part, et celles du gouvernement angolais et de Cuba, d'autre part. Donc, l'indépendance angolaise, la révolution des oeillets au Portugal, la présence de Cuba et de son internationalisme furent aussi des facteurs qui obligèrent le pouvoir blanc à composer et à négocier. C'est pour cela que l'Afrique du Sud tient une place très spéciale dans le coeur des peuples. Elle a représenté à la fois un défi moral et un défi politique. Dans la mémoire, c'est le défi moral qui reste. C'est celui-là qui nous relie aux luttes de nos ancêtres contre toutes les oppressions et dans la douloureuse conquête de notre humanité dans chaque défi politique relevé. C'est celui-là que nous avons tenu à fêter dans ce Mondial au-delà de la soumission du sport aux enjeux financiers et à sa marchandisation. C'est pour cela que nous attendions au stade l'homme qui incarne tout à la fois le défi moral de notre temps sous son nom de Mandela ou de Madiba. Mais Madiba a perdu son arrière-petite-fille et le symbole a grandi dans le symbole et dans sa plus simple humanité.
Le lourd passif du défi politique
Une petite information sur une grève de stadiers s'est glissée dans l'envahissant amoncellement de nouvelles qui nous viennent de l'Afsud comme nous allons certainement l'appeler dans le futur. Hier, la grève des stadiers s'est élargie et pourrait menacer la gestion de la coupe du monde. Avant le début de cette immense compétition, un bon nombre d'articles ont essayé d'attirer l'attention sur les graves problèmes sociaux de l'Afsud. On y décelait une sorte d'avertissement sur des tensions sociales restées vives seize ans après l'élection de Mandela. Le lecteur pouvait s'étonner qu'on parle encore de township à peu près dans les mêmes termes qu'à l'époque de l'apartheid. Nous nous souvenons tous, pour leurs charges symboliques exceptionnelles, de l'élection de Mandela, puis, des commissions Justice et vérité, puis, du retrait du président Mandela de la direction de l'Etat. Nous nous souvenons moins que la fin du régime de l'apartheid ne signifiait pas l'indépendance de l'Afrique du Sud. Ce pays était indépendant depuis 1912 dans la forme d'un Etat blanc qui a eu à combattre des révoltes principalement zouloue et bantoue. Nous pouvons dire que cet Etat représentait les formes cachées ailleurs de l'Etat colonial achevé. Il était la loupe qui permettait de jauger des réussites coloniales précédentes. C'était un Etat blanc dans un territoire noir. C'est en regardant l'Afsud qu'on comprend que les républiques de l'Amérique latine sont des Etats coloniaux qui ont réussi la colonisation. Ce sont de vraies républiques blanches d'où les indigènes ont été anéantis, expulsés ou marginalisées. Chacun peut retrouver les détails de l'histoire de cet Etat. L'important est qu'en 1950 il codifie le développement séparé, c'est-à-dire l'idée que, sur un seul sol, dans un même pays vont vivre deux communautés dans des cadres juridiques différents. C'est cela l'idée de base. Les Blancs seront citoyens blancs et les Noirs auront des droits de Noirs. Dans leurs bantoustans, mais pas dans les townships qui regroupent le prolétariat et le sous-prolétariat noir travaillant dans les mines ou les autres secteurs. Or, cette idée du destin séparée est au coeur de toutes les entreprises coloniales et les meilleurs esprits parmi les pieds-noirs croyaient être justes en proposant de nous reconnaître des droits comme communauté, c'est-à-dire comme communauté séparée. C'est ce que veut Israël aujourd'hui pour les Palestiniens. C'est ce que veulent les dirigeants boliviens qui mènent la contre-révolution en accusant Moralès d'être indigéniste. C'est ce que veut de toutes ses forces l'écrivain péruvien Mario Vargas Lloza pour qui le retour des Indios reviendrait à un retour de la barbarie. C'est le reproche fait à Chavez d'avoir ressuscité le peuple dont on a volé la terre.
C'est aussi beaucoup le sens de ce qui se passe au Mexique au Chiapas. Et partout ressurgit la question de la terre. En codifiant le développement séparé sans le réussir, l'Afsud est devenu la loupe qui permet de voir ailleurs les formes qui sont achevées comme celles qui en sont restées à un stade intermédiaire. Et ce sont les lois (au nombre de quatre) qui ont institué et codifié l'apartheid qui jouent ce rôle de loupe. On peut dire que la première condition et le premier critère de réussite du projet colonial c'est «l'indépendance blanche» des colonies, le développement suffisant de la population coloniale pour que celle-ci s'autonomise de la puissance qui a réalisé la conquête. La deuxième condition ou critère est le refoulement définitif des indigènes soit par leur extermination comme aux Etats-Unis et au Canada — vous comprenez cet aspect caché de leur soutien à la violence d'Israël et au nettoyage ethnique ? — et leur remplacement par des populations prolétaires importées (Etats-Unis, Brésil, Canada, Caraïbes...) soit par leur domestication dans des marges (colonies traditionnelles comme l'Algérie, l'Indochine...), soit par leur exclusion quasi totale de la sphère de l'économie marchande et capitaliste importée par les colons comme dans la plupart des régions d'Amérique latine.Or, la lutte de l'ANC en Afrique du Sud a débouché sur l'abrogation de l'apartheid sur une situation de maintien de la situation coloniale. Pourquoi l'ANC a-t-elle accepté ce compromis ? Pourquoi s'est-elle contentée de la victoire d'«un homme, une voix» ? Les considérants sont compliqués. Il aurait peut-être fallu écrire complexes avec les différenciations ethniques, linguistiques, sociales... Mais un trait domine dans la lutte et dans les doctrines de l'ANC : c'est la lutte pour l'égalité, pour la justice. Dans le cas de l'ANC, la lutte a été plus sociale que nationale. Elle est ethnique aussi mais avec un fond social très marqué. Très tôt, le Parti communiste d'Afrique du Sud pèsera de tout son poids dans la lutte contre l'apartheid dont il est le pionnier, sur la vie du front anti-apartheid. L'abolition de l'apartheid n'a pas aboli la domination blanche et donc la situation de l'Afsud est celle d'une semi-colonie. Avec, pour conséquence, une condition coloniale pour les Noirs. Moins dure qu'avant mais une condition coloniale. Et cela est plus vrai pour les déracinés qui vivent depuis plusieurs générations dans les townships. Les mines, les banques, les terres, les industries continuent à appartenir aux Blancs. Des ouvertures sont faites aux Noirs, des places et des postes leur sont offerts pour constituer une bourgeoisie noire à côté de la bourgeoisie coloniale blanche, mais cette démarche ne peut pas construire une nouvelle société. Elle juxtapose dans les échelons sociaux intermédiaires des Blancs et des Noirs dans le cadre d'un Etat qui continue à fonctionner comme un Etat capitaliste particulier : un Etat capitaliste blanc. Vous vous souvenez de la révolte de la Guadeloupe ? Nous avons appris que les mêmes familles blanches qui ont fait leurs fortunes avec l'esclavage continuaient à dominer l'île avec les mêmes moeurs et les mêmes cloisonnements ! Les plus résolus des militants de l'ANC dénoncent cet état de fait. Ils veulent que cet Etat cesse d'être celui du capitalisme blanc pour devenir progressivement l'Etat de tous les Sudafs noirs ou blancs. Ils font des orientations ultra-libérales leur premier ennemi. Ils ont dénoncé la politique de M'Beki comme politique ultra-libérale et Zuma devait et doit en principe impulser une autre politique tout à fait indépendante des choix libéraux. Mais si l'apartheid est une loupe pour comprendre les différentes formes du colonialisme, l'ANC est une loupe pour comprendre que l'essence de la lutte anticoloniale mène droit à la lutte contre la domination capitaliste du monde. On le savait avec les Vietnamiens, mais le fait que le PC vietnamien ait dirigé la lutte d'indépendance en faisait une logique, pas une option. Avec l'ANC, cela reste une option autour de laquelle se mènent des luttes à l'intérieur de l'ANC. Qui va entraîner derrière son option le peuple des townships, les ouvriers, les travailleurs, les recalés non pas sur des améliorations sociales (plus d'écoles, de dispensaires, de travail...) mais sur les options économiques qui assurent ces améliorations de façon durable en mettant les richesses et les revenus du pays à la disposition de toute cette société qui a été capable de liquider l'apartheid ? Alors, selon les militants les plus déterminés de l'ANC, l'Afsud passera des enclaves capitalistes minières et autres à un développement mené au profit de tout le peuple sud-africain.


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