C'est l'objet de cette modeste contribution car cette situation actuelle est le produit historique de toutes les politiques passées depuis l'indépendance politique reposant essentiellement sur une distribution passive de la rente générée par les hydrocarbures. L'économie, comme nous l'ont appris les grands classiques de l'économie Adam Smith, David Ricardo, Malthus, J.B. Say, Karl Marx, qui est avant tout un théoricien du capitalisme, Joseph Schumpeter, Keynes et, plus de près de nous, tout le courant institutionnaliste du prix Nobel 2009 où a été introduit le concept de bonne gouvernance, est politique. En étant conscient que l'histoire, fondement de la connaissance, ne se découpe pas en morceaux, des imbrications dialectiques existant au cours du temps, de la période coloniale et bien au-delà, a toujours des impacts sur la société algérienne, je replacerai mon analyse au sein de la dynamique historique. C'est que les forces sociales conservatrices et réformistes souvent antagoniques, tenant compte du poids de l'histoire, sont le moteur de la dynamique ou de la léthargie de toute société. 1) De 1962 à la crise de 1986 ou le socialisme spécifique Souvenons-nous de la domination idéologique du communisme, l'hymne à la liberté chantée en I962 dans les rues de l'ensemble de l'Algérie indépendante, les espoirs suscités par le socialisme spécifique à l'algérienne, l'autogestion des domaines des colons qui devait élever la production, la réhabilitation des paysans dans leur dignité, la lutte contre l'injustice sociale, mais aussi les luttes de pouvoir entre l'intérieur et l'extérieur des différents clans. Le 19 juin I965, le Président élu auparavant est destitué et c'est le discours du sursaut révolutionnaire du fait que l'Algérie serait au bord de la faillite. Il fallait la redresser grâce à un pouvoir fort qui résiste aux évènements et aux hommes, à travers trois axes, la révolution industrielle, la révolution agraire et la révolution culturelle, en prenant comme base le plan économique du programme de Tripoli qui repose sur la dominance du secteur d'Etat, fer de relance de l'économie nationale, à travers les grosses sociétés nationales. Ce sont les discours triomphants de constructions d'usines les plus importantes du monde, du bienfait de la révolution agraire, garantie de l'indépendance alimentaire, de l'école et de la santé pour tous et de la promesse solennelle que nous deviendrons à l'horizon 1980, le Japon de l'Afrique avec les lancements du plan triennal 1967-1969,du premier quadriennal 1970-1973 et du second quadriennal 1974-1977. Rappelons-nous ces discours de la vertu des fameuses industries industrialisantes et, au niveau international, l'Algérie leader du nouvel ordre économique international dans sa lutte contre l'impérialisme, cause fondamentale du développement du sous-développement. Et voilà qu'après la mort du Président après une longue maladie et une lutte de pouvoir qui se terminera par un compromis et la venue d'un nouveau président, qu'en 1980, nous apprenons que cette expérience a échoué. Du fait de la compression de la demande sociale durant la période précédente et surtout grâce au cours élevé du pétrole, les réalisations porteront sur les infrastructures, la construction de logements et l'importation de biens de consommation avec le programme antipénurie et la mise en place sur tout le territoire national des souks el-fellah. L'Algérie ne connaît pas de crise économique, selon les propos télévisés d'un ex-Premier ministre, qui touchait en ces moments les pays développés avec un baril, en termes de parité de pouvoir d'achat 2007, équivalent à 70/80 dollars. C'est alors l'application mécanique des théories de l'organisation, car les grosses sociétés nationales ne seraient pas maîtrisables dans le temps et l'espace. Mais la population algérienne contemple en 1986 l'effondrement du cours du pétrole, les listes d'attente et l'interminable pénurie, et c'est toujours la faute de l'extérieur, de cet impérialisme, ce chat noir dans un tunnel sombre que l'on ne voit pas. Et voilà que nous avons un autre discours : les Algériens font trop d'enfants, ne travaillent pas assez... On fait appel à la solidarité de l'émigration que l'on avait oubliée. Il s'ensuit l'effondrement du dinar dont on découvre par magie que la parité est fonction du cours du dollar et du baril de pétrole et non au travail et à l'intelligence, seules sources permanentes de richesse. On loue alors les vertus du travail, de la terre, on dénonce les méfaits de l'urbanisation, du déséquilibre entre la ville et la campagne, on parle de la priorité devant être donnée à l'agriculture dont on constate le niveau alarmant de la facture alimentaire. Et c'est le slogan de l'homme qu'il faut à la place qu'il faut et au moment qu'il faut, reproduit également aujourd'hui. 2) De 1988 à 1999, crise politique et économie de marché spécifique Octobre I988, une conséquence de la crise de 1986 qui a vu s'effondrer les recettes d'hydrocarbures de deux tiers, contredit ces discours populistes, et c'est le début timide d'une presse libre et d'un multipartisme que l'on tente de maîtriser par l'éclosion de partis — une famille pouvant fonder un parti avec des subventions de l'Etat — avec la naissance d'une nouvelle Constitution en 1989 qui introduit des changements fondamentaux dans notre système politique qui avait un caractère monocratique depuis l'indépendance en consacrant l'existence du multipartisme, conférant ainsi à notre système politique un caractère pluraliste du moins dans les textes. Sur le plan économique, en I989/I990, c'est l'application des réformes avec l'autonomie de la Banque centrale, la tendance à la convertibilité du dinar, la libéralisation du commerce extérieur, une tendance à l'autonomie des entreprises et l'appel, très timide, à l'investissement privé national et international sous le slogan secteur privé, facteur complémentaire du secteur d' Etat, après le socialisme spécifique, de l'économie de marché spécifique à l'algérienne avec la dominance du secteur d'Etat soumis à la gestion privée, des lois portant autonomie des entreprises publiques en oubliant que l'économie de marché concurrentielle a ses propres règles, à savoir un Etat de droit qui peut ne pas recouper durant une phase historique le but ultime, la démocratisation politique et surtout la dominance du secteur privé national ou international en faisant jouer à l'Etat le rôle stratégique de régulateur. Effet de la crise économique, nous assistons à une crise politique sans précédent, une crise accélérée par des élections législatives, coordonnées par un nouveau chef de gouvernement, des émeutes dont l'aboutissement sera la démission du Président après plus d'une décennie de pouvoir. Le procès est fait cette fois à la décennie noire de 1980-1990. Et c'est la liste interminable de chefs de gouvernement et de ministres, changement successif du à la profonde crise qui secoue le pays.