Depuis 1989, il a collaboré au festival des «Théâtres du cinéma» de Bobigny, puis il a monté plus d'une dizaine de pièces, dont Aux deux rives, écrite à partir des textes d'Albert Camus et de Kateb Yacine. Son premier film, Ombres blanches (1991), avait reçu le Premier Prix du Festival d'Amiens (France). Ensuite ce fut Vivantes (2006) sur le drame que la ville Hassi-Messaoud fut le théâtre. Deux années auparavant, il signe le Thé d'Ania (2004). Dans cet entretien exclusif que le réalisateur algérien a livré, le jeudi 8 juillet dernier, aux lecteurs de la Nouvelle République avec une grande disponibilité et beaucoup de gentillesse, il revient sur son film en préparation, Zabana !, sur le personnage principal et sur les conditions ayant prévalu avant le coup de starter final de la réalisation proprement dite de cette œuvre cinématographique. Suivons-le dans cet entretien passionnant et très instructif. La NR : Avant d'aborder le thème de l'entretien exclusif que vous avez bien voulu donner à notre quotidien la Nouvelle République, pouvez-vous brièvement retracer pour nos lecteurs votre parcours cinématographique ? Saïd Ould-Khelifa : Après un cheminement journalistique, j'ai «basculé», en 1991, vers le cinéma, en réalisant Ombres blanches avec Guem (le grand percussionniste de renommée mondiale). Pour l'histoire, ce film, qui raconte l'histoire d'un Algérien de couleur, Akli, fut le dernier film de Rouiched, de Momo (Himoud Brahimi) et aussi de Mohamed Debbah. Paix à leur âme ! Puis, j'ai participé à une série d'adaptation de fables, pour la première chaîne française, TF1, avant de revenir au grand écran, avec le Thé d'Ania d'après une nouvelle d'Amin Zaoui, Sommeil du mimosa. Cela avant de me pencher sur les dramatiques évènements de Hassi-Messaoud dont furent victimes des femmes travailleuses. Ce fut Vivantes ! Entre deux tournages, j'ai aussi coécrit des scénarios avec Michie Gleason, la femme du grand cinéaste, Terence Malick, et animé des ateliers d'écriture, un peu partout en Europe. Tout cela, bien sûr, en plus d'une activité théâtrale régulière. Tout en étant conseiller artistique de la seule manifestation qui regroupe le quatrième et le septième arts, le festival «Théâtres au Cinéma» de Bobigny (France). Allons, directement, si vous le permettez, au sujet de votre film Zabana ! Comment vous est venue l'idée de ce film sur le héros national Ahmed Zabana ? L'idée de réaliser le film Zabana ! a commencé par la rencontre avec Azzedine Mihoubi, dont j'ai voulu adapter le roman Cauchemar, sur la décennie noire. Le scénario existe sous le titre de Cendres de Jasmin. Mais le film pas encore… Et puis, on a découvert que nous avions une approche similaire de point de vue dans l'approche du fait historique et son adaptation à l'écran. Il se trouve qu'Azzedine Mihoubi s'était déjà lancé sur les traces d'Ahmed Zabana et en avait même fait une opérette. Moi, de mon côté, j'avais, dans une autre vie, journalistique celle-là, pu recueillir des confidences d'Ali Zamoum sur Zabana, dont il fut le compagnon de cellule à Barberousse (Serkadji), sans compter ce que j'avais engrangé sur le fils du bourreau d'Alger, Meissonnier, et qui était terrible. Et voilà que toute cette matière journalistique allait être «fondue», dans un scénario qui a été enrichi du fruit de multiples recherches qui ont duré plus d'un lustre. Et d'interviews des derniers compagnons de Zabana, de sa famille. Durant ces cinq années, donc, une masse impressionnante de témoignages a été accumulée, puis recoupée et, au final, seul ce qui a résisté à l'épreuve méthodologique, de la double vérification des sources, a servi au scénario final puis à l'adaptation. D'ailleurs, nous en sommes à la huitième version du script ! Comment la contribution à ce film a-t-elle été concrétisée avec vos autres partenaires (auteur, dialoguiste, producteur etc.) ? Pour mener à bien cet ambitieux projet, il me fallait dénicher le producteur, celui qui répondrait aux normes en vigueur. Et, croyez-moi, ce n'était pas une mince affaire. Et si Yacine Laloui (Laïth Media) n'avait pas été de la partie, je ne crois pas que je me serais risqué à penser à Zabana ! … Revenons, si vous voulez, à l'aspect financier de cette production cinématographique Zabana ! Avez-vous reçu des subventions spéciales de quelque partie que ce soit (Etat, privé, particuliers…) ? Un film, c'est de l'argent et le temps c'est aussi de l'argent, et déjà que chez nous, et de manière générale, la notion de temps est, somme toute, relative. Il aurait été irresponsable de se hasarder sans garanties certaines. Or, j'ai eu à observer ce producteur [Yacine Laloui] dans sa pratique et j'ai pu mesurer aussi bien sa crédibilité que sa très bonne connaissance de la production, qui n'a rien avoir avec une quelconque gestion comptable d'un budget. Nous sommes comptables des deniers publics mais aussi tenus à la livraison d'un produit filmique de qualité. C'est le minimum que le public est en mesure d'attendre de nous. Faire du vrai cinéma et non pas se contenter «d'essayer», comme on dit à chaque fois. Zabana ! a fait l'objet de longues discussions à la production. Certaines parties du scénario ont même été vérifiées sur le terrain, lors des repérages et ce, avant même l'existence de la moindre promesse de financement ! C'est cela la prise de risque, chez les vrais producteurs. Grâce à Dieu, les institutions nous ont confortés dans nos choix et le soutien est venu, et de manière très déterminante, tant du département de Madame Khalida Toumi, que celui de Monsieur Mohamed Chérif Abbès et du Centre des études et des recherches dépendant des moudjahidine. A ces deux ministères qui portent le projet depuis le départ, il faudra aussi adjoindre la Télévision algérienne dont la note de lecture émise par la commission de lecture de l'ENTV a aussi été un signal fort. Comment appréciez-vous ce personnage d'Ahmed Zabana, au demeurant une figure emblémathique de la Révolution du 1er Novembre 1954 ? Oui, Ahmed Zabana est devenu une figure emblématique de notre Panthéon. Mais, avant tout, l'argument est axé sur l'itinéraire prodigieux d'un jeune Algérien, de cette époque, qui avait grandi avec la rage au ventre et un fol espoir de vivre, un jour, en citoyen d'un pays libre, débarrassé de toute servitude. Car, ne l'oublions pas, ce sont des jeunes garçons et des jeunes filles qui s'étaient regroupés, dès 1954, autour d'un dénominateur commun, celui qu'un certain 8 Mai 1945 avait fait naître. Quel trait de caractère vous a-t-il décidé à réaliser ce film sur cette personnalité historique précisément sachant que notre Guerre de libération nationale en compte par centaines, de façon particulière ? Pourquoi un film sur Ahmed Zabana ? Peut-être parce que son exécution avec celle d'Abdelkader Farradj, le 19 juin 1956, symboliserait le véritable compte à rebours de la présence coloniale française, en place depuis 1830. Il est impératif de rappeler que le FLN avait tout de suite annoncé par un tract devenu historique que ces deux martyrs seraient vengés… Ce fut, en quelque sorte, la genèse de la Bataille d'Alger qui mit à rude épreuve Massu et Bigeard et dont le recours à la torture et aux exécutions sommaires n'avait pu empêcher la débâcle militaro-diplomatique qui a culminé avec le 19 Mars et, enfin, le 5 Juillet 1962. D'ailleurs, la réaction fraternelle de Yacef Saâdi à la lecture du scénario de Zabana ! a eu son effet sur nous… Enfin, c'est aussi et, en quelque sorte, la plus belle revanche de Zabana mais aussi de ceux qui lui avaient mis le pied à l'étrier, parmi lesquels on citera Ramdane Benabdelmalek, Larbi Ben M'Hidi, Ben Alla, sur l'histoire coloniale… Le film Zabana ! est-ce simplement une œuvre biographique qui retrace la vie d'Ahmed Zabana et de son itinéraire militant jusqu'à son odieuse décapitation dans la sinistre prison de Barberousse, le 19 juin 1954 ? Le film ambitionne de raconter un moment de la vie d'Ahmed Zabana, mais il ne s'agit nullement d'une hagiographie, mais d'un témoignage empreint de reconnaissance et de tendresse… Quelle est la langue sur laquelle se base le dialogue du film Zabana ! pour véhiculer son message ? Zabana ! le film, respectera l'accent de chaque personnage. Il parlera, donc, … algérien ! Mais un parler pas du tout «pollué» (sic)…. Comment le décor du film a-t-il été conçu ? Par exemple, la ville d'Oran, la prison Barberousse, Alger… comme nous pouvons le supposer ? Le tournage est prévu dans les wilayas d'Oran, de Mascara, d'Alger et à Sétif où sera reconstituée, en studio, une grande partie de la prison de Serkadji ! Pour quand prévoyez-vous la sortie du film en salles ? Nous espérons être au rendez-vous avec le public, vers l'été 2011, Incha'Allah ! Passons, maintenant, si vous le voulez bien, au casting de votre film. Comment cela a-t-il été décidé ? Englobe-t-il des comédiens amateurs ou uniquement des professionnels? Pour ce qui est du casting, nos équipes sillonnent les Théâtres régionaux et les festivals mais aussi, nous restons à l'affût, dans la rue, où nous pourrions dénicher l'oiseau rare. Qui sait ?… Nous n'excluons aucune piste pour boucler le casting le plus adéquat possible. Le film Zabana ! comporte-t-il une part de fiction et d'imaginaire? Le spectateur doit se sentir devant un film de cinéma, donc, la part de fiction existe. C'est à nous de la diluer dans la réalité vécue par Zabana et ses compagnons… Quelles sont les difficultés éventuelles prévoyez-vous de rencontrer au cours de la réalisation de votre film ? Le cinéma est un métier comme un autre. En d'autres termes, les difficultés qu'on y rencontre sont inhérentes à ce domaine. En d'autres termes aussi, cela ne doit pas constituer une excuse pour ne pas présenter, au final, un beau film ! Propos recueillis