Après avoir statué sur de nombreux dossiers assez épineux dont celui de l'homme d'affaires Hacène Fellah, du thon impliquant 3 armateurs dont un turc et de haut cadres du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques et des 33 émeutiers de Sidi Salem, les magistrats de la Cour de justice de Annaba préparent le jugement d'autres affaires tout aussi importantes. Que ce soit dans la criminelle, la correctionnelle ou en appel, certaines forment de volumineux dossiers. Y sont cités au titre de mis en cause des cadres gestionnaires d'entreprise, des fonctionnaires et des élus de plusieurs communes sur les 12 que compte la wilaya. De par ce qu'elle comporte comme graves accusations sur des malversations et de l'importance du préjudice commis, l'affaire de la Société Nationale des Transports Ferroviaires (SNTF) est certainement la plus importante. Des milliards DA ont été engloutis en pure perte par la SNTF pour permettre à son unité régionale d'Annaba d'activer conformément aux normes. Les investissements engagés provenaient du Trésor public. Ils étaient destinés à l'acquisition d'importants stocks d'équipements et matériels ferroviaires. C'est dire, si le scandale, le mot n'est pas trop fort, est survenu à une période charnière du transport ferroviaire que le gouvernement s'était engagé à développer. Manque de surveillance et incompétence révèlent la gestion peu reluisante jusqu'à 2008 de la SNTF Annaba. Ce que prouvent du reste, les documents entre les mains du juge d'instruction près le tribunal correctionnel de Annaba en charge du dossier. Faits prouvés aussi par le contenu des auditions judicaires de l'ancien directeur régional de la SNTF, du directeur du service matériel, du directeur général de la filiale STIM section Annaba, d'un membre syndical fédéral mis en cause et leurs deux accusateurs. Il s'agit de Sirine Kamel et Boubakeur Boughalem respectivement chef d'unité et chef de service entretien du matériel tracté d'Annaba. Durant ces derniers mois, à chaque face-à-face avec le juge d'instruction, les mis en cause, deux cadres d'exécution n'ont eu de cesse de persister et signer leurs accusations. «Pour avoir exprimé notre opposition à leurs pratiques néfastes consistant en la vente de nombreuses et diverses pièces de rechange à l'état neuf acquis par l'entreprise, nous avons été relevés de nos fonctions de responsables. Comme ils ont vendu du matériel remorqué sans que ce dernier n'ait fait l'objet d'un quelconque PV de réforme. Et comme pour bien marquer leur détermination à défendre les intérêts de leur entreprise, les deux accusateurs appuyaient leurs dires par des preuves documentées accablantes. Les investigations judiciaires entamées depuis la fin de l'année 2008 et l'instruction du dossier mettent en relief des faits qui dépassent l'entendement. Il s'avère que des équipements ferroviaires acquis à l'importation en contrepartie de plusieurs dizaines de millions de dollars, étaient rétrocédés aussitôt réceptionnés à un opérateur étranger pour un prix plus que dérisoire. Corps de roue, axes d'essieux, TN.40, ferraille tout venant, boogies et carcasses, ressorts à lame… étaient cédés à l'envi à cet étranger lui-même spécialiste du commerce de ce type d'équipements et matériels. Sous son impulsion, la mise à sac des hangars, dépôts et autres lieux de stockage ou de stationnement a duré des années durant. Loin de se douter de ce qui se passait au niveau de son unité d'Annaba, la direction générale de la SNTF poursuivait ses acquisitions moyennant devises. Pourtant, elle avait été maintes fois alertée par ses deux cadres d'exécution d'Annaba sur de nombreuses malversations. Pis encore, la commission d'enquête qu'elle dépêcha tira des conclusions hâtives sur ce qu'elle a estimé être des accusations calomnieuses. De guerre lasse, les deux dénonciateurs s'adressèrent aux services de sécurité. L'enquête aussitôt diligentée, devait mettre au jour ce qui s'apparente à un véritable réseau de trafic des équipements et matériels ferroviaires. A chaque vérification d'un document, d'un stock ou contrôle des inventaires, les enquêteurs découvraient un massacre à la tronçonneuse d'axes d'essieux, carcasses de boogies, produits destinés au wagonnage tels que les triangles, cylindres, réservoirs de frein, bielles de liaison, mécanisme de vidange roulement et accessoires de montage. Pour les magistrats de la chambre d'accusation appelés à se prononcer sur la culpabilité des uns et des autres impliqués dans cette affaire à inscrire au rôle des jugements à rendre avant la fin de l'année, les actes sont graves. Ils s'interrogent sur le fait que rien n'ait filtré après le passage de la commission d'enquête alors que les comptes, les sorties et les entrées des matériels et des équipements sont censés être suivis régulièrement. Est-il pensable que la direction générale n'ait rien su ? Quelle confiance pouvons-nous avoir en des gestionnaires qui ont pratiquement pillé l'entreprise où des malversations peuvent encore être cachées ? se sont interrogé les cadres et travailleurs en poste à la SNTF de Annaba.