Le mythe égyptien selon lequel le pays des Pharaons détient encore le leadership politique et économique dans le monde arabe est savamment entretenu par les cercles officiels, dans une conjoncture cruciale marquée par la course effrénée pour assurer la pérennité du régime en place. Le débat fait rage en Egypte sur la viabilité du choix que les décideurs veulent imposer pour la succession d'un Hosni Moubarek arrivé en fin de règne. D'où cette frilosité des discours officiels pour défendre un bilan catastrophique à tous les niveaux. Les thuriféraires du régime avaient à un moment utilisé le ressentiment populaire contre l'Algérie, suite à la fameuse «bataille d'Oum durman», comme exutoire, voire comme un tremplin pour relancer l'idée de succession. Mais c'est l'effet inverse qui s'est produit, puisque le cumul de maladresses n'aura fait qu'exacerber davantage le sentiment d'hostilité au pouvoir et aider le camp de l'opposition à se mobiliser.Cela n'empêchera pas les officiels de maintenir leur fixation sur l'Algérie, comme pour exorciser un mal endémique. A en juger par la dernière sortie de l'ambassadeur d'Egypte en Algérie, le gouvernement du Caire donne l'impression de souffler le chaud et le froid, et croit toujours pouvoir leurrer l'opinion publique sur la réalité de la présence égyptienne en Algérie. Dans une émission diffusée par une chaîne égyptienne, un responsable d'Al Ahly, présent à Tizi-Ouzou lors du match face à la JSK du 16 août dernier, a déclaré que l'ambassadeur d'Egypte lui aurait dit – sans doute pour galvaniser l'équipe : «L'Egypte est le premier investisseur étranger en Algérie». Cette déclaration, que son auteur n'aurait pas eu l'audace de faire devant la presse ici à Alger, tend à faire comprendre aux Egyptiens que l'Algérie serait redevable à l'Egypte qui injecterait, ainsi, de l'argent dans notre pays. Façon de dire que, de toutes les manières, c'est nous les Algériens qui perdons au change. Ce qui est moralement déplacé et inconvenant pour un diplomate de son rang, qui est le premier représentant de l'Egypte en Algérie. Pour ce motif, le ministère algérien des Affaires étrangères doit le convoquer pour des explications. Par ailleurs, le contenu de cette déclaration doit être démonté, parce que fondé sur un tissu de mensonges qui ne sert qu'à nourrir l'illusion et à narguer le gouvernement algérien, notamment sur la décision qu'il doit prendre au sujet de Djezzy. Il faut rappeler que la venue d'Orascom en Algérie a soulevé un tôlé général. Tout le monde s'accordait à dire qu'une licence de téléphonie mobile devait être accordée à des opérateurs autrement plus chevronnés et à la réputation mondiale reconnue, à l'instar de l'espagnol Telefonica, des français SFR et Bouygues, de l'Anglosaxon Vodaphone, etc. Annoncé en grande pompe, le lancement de Djezzy a créé, au début, l'illusion d'un investissement gigantesque. Or, on apprend, chemin faisant, que le patron d'Orascom n'a rien investi et qu'il a travaillé avec l'argent des Algériens. Une pub passe actuellement dans un journal où un collectif d'abonnés Djezzy réclament des parts dans cette société au motif – légitime – que celle-ci elle s'est faite grâce à leur argent. Il faudrait rappeler aussi l'affaire de la fusion frauduleuse avec le cimentier français Lafarge, effectué en 2007 – puisqu'il n'en a pas informé le gouvernement algérien - et dont Orsacom est appelé à payer les conséquences, pour avoir notamment offert une opportunité à un opérateur français «honni» en Algérie. L'inexorable déclin d'Orascom Naguib Sawiris qui représente le lobby copte en Egypte (très introduit en affaires et proche du clan présidentiel), a été rattrapé par les scandales depuis que le gouvernement algérien l'a cloué au pilori. Ses tracas en Italie, où il est visé par un redressement fiscal de 60 millions d'euros, l'ont davantage affaibli devant le gouvernement algérien, au point de venir faire des courbettes au Premier ministre Ahmed Ouyahia et dans une lettre rendue publique, il supplie l'Etat algérien de racheter sa filière de téléphonie mobile au plus vite faute de quoi son empire s'écroulerait de fait. Outre Orascom, d'autres sociétés égyptiennes qui cherchent à conquérir le marché algérien, suivent le même cheminement, et finissent toujours par se dévoiler. C'est le cas par exemple de Raya, importateur exclusif de Nokia en Algérie. Raya est une boîte égyptienne, dont le patron est en prison et l'enquête suit son cours sur l'importation de potables contrefaits et faux et usage de faux concernant des autorisations de l'ARPT. Un investisseur égyptien dans le domaine des mines, Sahara Gold, qui devait s'associer aux Sud-Africains pour les mines d'or à Tamanrasset, a récemment vu son projet arrêté par le gouvernement algérien, pour manque de crédibilité. Au moindre faux pas de l'Egypte, la décision de suspendre la vente de gaz (1 million de tonnes par an) interviendrait immédiatement, assortie d'une réclamation du paiement des arriérés (comme faveur, on vend le gaz à l'Egypte 6 dollars la tonne équivalent pétrole (TEP), alors qu'il est vendu à 21 dollars aux autres clients de l'Algérie. Les Egyptiens en ont bien mesuré les conséquences lors de la crise du gaz butane qui a suivi la détérioration des relations entre Alger et le Caire et qui a failli dégénérer en émeutes. Autres signes de déroute des Egyptiens en Algérie : le prochain Salon du livre SILA vient d'officialiser le boycott des éditeurs égyptiens (une centaine), qui doivent se mordre les doigts pour avoir ainsi perdu un gros marché où ils ont l'habitude d'écouler leur exubérante littérature intégriste. Cette campagne de boycott s'illustre aussi par la décision quasi assumée de la direction de l'ENTV de cesser d'acheter les films et feuilletons égyptiens depuis plusieurs mois. Là aussi, les producteurs égyptiens savent qu'ils ont perdu un gros marché, et s'en prennent actuellement aux «zélateurs» des chaînes cairotes qui n'auraient pas prévu toutes ces retombées néfastes sur l'économie de leur pays. Et c'est seulement maintenant qu'ils regrettent tous d'avoir participé à cette croisade anti-algérienne..