Notre première station fut le bazar de la place du 1er-Mai. Sur place, une ambiance bonne enfant régnait sur les lieux, malgré «l'extrême cherté» des vêtements étalés. Les quelques pères de famille qui peuvent se permettent d'offrir à leurs enfants des vêtements à ce prix tentent désespérément de négocier le prix final . Au fur et à mesure que nous avançons à l'intérieur du marché, les vendeurs postés à l'entrée des magasins louent la qualité de leurs produits. Salima, mère de trois enfants, nous dit qu'«afin d'apporter de la joie à mes enfants le jour de l'Aïd, j'ai été obligée de gager mes bijoux pour leur acheter des vêtements neufs. Le salaire de mon mari ne suffit même pas à boucler le mois de Ramadhan, durant lequel nos dépenses ont pratiquement doublé. Mon grand souci, c'est la rentrée scolaire, je ne sais pas comment je l'affronterai». Pour Saïda, mère de quatre enfants âgés de six à quinze ans, «acheter des vêtements pour l'Aïd à mes quatre enfants est une besogne impossible. Les vêtements pour les adolescents sont très chers. En plus, mes enfants sont très exigeants. Je ne sais plus où donner de la tête». Nous nous sommes rendus ensuite dans un magasin de vêtements pour enfants. A l'intérieur, un monde fou se bouscule devant la caisse. Une rapide tournée dans les rayons du magasin, nous a donné un aperçu des difficulé des familles. Hamid, un père de deux enfants, n'a pas caché sa colère face à la flambée des prix de vêtements pour enfants. «Je ne comprends pas sur quelle base les vendeurs fixent leurs prix. Les vêtements pour enfants sont deux fois plus chers que ceux des adultes. J'ai acheté pour ma fille de trois ans une petite robe qui m'a coûté 4 500 DA !» Sans commentaire. Comment un père de famille qui touche ou dépasse à peine le SMIG (15 000 DA/mois) peut-il satisfaire ses enfants en ce mois sacré de Ramadhan, durant lequel les familles modestes s'autorisent des dépenses en plus ? Autre fait ! La particularité de cette année réside dans le rapprochement des dates de l'Aïd et de la rentrée scolaire. Nadjat, mère de deux enfants, a trouvé la parade pour limiter les dépenses durant ces deux événements. «Mes enfants porteront les vêtements de l'Aïd à la rentrée scolaire. Ainsi, j'aurai au moins fait des économies.» Face à cette situation, j'ai pensé aux familles à faible revenu qui ne savent plus, sans aucun doute, à quel saint se vouer durant cette période. Les parents contraints de faire plaisir aux enfants La fête de l'Aïd el-Fitr approche à grand pas et les parents sont appelés à «honorer leurs engagements» vis-à-vis de leurs chérubins puisque fête oblige. A la flambée des prix des produits alimentaires s'ajoute celle des vêtements pour enfants. Une virée dans les magasins et les marchés de la capitale nous a permis de constater que les prix affichés sont loin d'être à la portée de toutes les bourses. A titre d'exemple, dans les magasins que nous avons pu visiter à la rue Hassiba Ben–Boulaïd, les prix de tous les ensembles exposés (pantalon ou jupe, chemise ou pull et veste) pour fille et garçon, oscillent entre 3 000 et 4 000 DA. Par pièce, les prix sont également chers. Un jean pour un enfant de deux ans est cédé à 900 DA, si ce n'est pas à 1 200DA. L'explication donnée par les commerçants c'est que les vêtements proposés proviennent de Syrie ou de Turquie, «d'ailleurs la qualité ne se négocie pas», nous a affirmé un des vendeurs interrogés. Pour une jeune mère rencontrée à la sortie d'une boutique au niveau de la même rue, «malgré la cherté des vêtements, qui sont d'ailleurs de bonne qualité, rien n'empêche de procurer un peu de plaisir à nos bambins». Un peu plus loin, au niveau de la place des Martyrs, le magasin le Printemps, connu pour la grande affluence des familles, les prix sont moins chers. Un ensemble pour garçon est cédé entre 1 200 à 1 500 DA. Les pull-overs et les chemises oscillent entre 370 et 600 DA. Les jeans affichent le s mêmes prix, soit 800 à 900 DA. «Ces vêtements sont importés du Pakistan», nous indique l'une des vendeuses. Une jeune maman rencontrée à la sortie du magasin nous explique qu'«il faut au moins entre 10 000 et 15 000 DA pour pouvoir habiller de la tête au pied mes deux enfants. A cela s'ajoute d'autres dépenses pour la préparation des gâteaux et les affaires pour le rentrée scolaire qui aura lieu trois jours après l'Aïd». Et d'ajouter, un peu déçue : «La fête de l'Aïd est un véritable casse- tête pour tous les Algériens.» Au niveau du marché Tnach à Belcourt ou à la place des Martyrs, les petites bourses trouveront leur compte, puisque des vêtements «made in China» sont proposés. Bien qu'ils soient de moindre qualité, les vêtements chinois constituent, pour les familles dont le salaire ne dépassant pas le Smig, une bouée de sauvetage. «Ces vêtements sont de moindre qualité, mais du moment qu'ils sont neufs et proposés à des prix abordables, je ne vois pas où se situe le problème», nous a affirmé une maman entourée de ses trois enfants. Les familles interrogées ont soufflé un tant soit peu cette année, du fait que la rentrée scolaire coïncide avec les fêtes de l'Aïd. «Nous n'aurons ainsi à acheter qu'une seule tenue par enfant, pour les deux occasions ! C'est un grand soulagement», ont-elles toutes déclarées. La capitale, en ces derniers jours de ce mois sacré,renaît de ses cendres. Tous les magasins que nous avons visités connaissent, et surtout la nuit, un grand rush. Des centaines de familles ont pris d'assaut les rues et grands boulevards de la capitale, renouant avec les balades nocturnes. Question de sortir de la routine et la torpeur des autres mois de l'année.