Le révérend Terry Jones, comme l'appellent ses coreligionnaires- un titre honorifique que reprennent les médias- a renoncé à procéder à un autodafé (étymologiquement, «acte de foi») du Coran, c'est-à-dire à brûler en public des exemplaires du Livre Saint, dans la pure tradition de l'Inquisition. Cette «bonne nouvelle» a certainement été suivie par un grand soupir de soulagement. L'homme, âgé de 58 ans, dirige une obscure communauté protestante à Gainesville, Dove World Outreach Center, en Floride, aux Etats-Unis et avait choisi ainsi de marquer l'anniversaire des attaques du 11 septembre 2001. Il avait exhorté les Américains à brûler des centaines d'exemplaires du Coran, samedi 11 septembre, jour anniversaire des attentats de 2001 aux Etats-Unis et les a appelés à répéter cette action chaque année, exploitant ainsi la montée de l'islamophobie dans son pays. L'an dernier, le Dove World Outreach Center, un groupuscule fondé en 1986, avait distribué des tee-shirts affirmant «L'islam est diabolique». La cinquantaine de membres de l'Eglise baptiste a décidé de passer de l'insulte au blasphème. Le prétexte : la construction d'un centre islamique à proximité de Ground Zero, lieu où se trouvaient autrefois les tours du World Trade Center. Barack Obama a tenté d'expliquer qu'il était possible de construire une mosquée près de Ground Zero comme il serait possible de construire n'importe quel autre édifice religieux. Il ne faut pas entretenir les sentiments anti-américains chez les Musulmans, ce qui ferait le jeu d'Al Qaïda dans son recrutement de nouveaux militants, a expliqué Barack Obama pour convaincre le pasteur de renoncer à son projet. Le président américain a qualifié cet appel du pasteur Jones de «geste destructeur» et «complètement contraire aux valeurs de l'Amérique». En tant que commandant en chef des forces armées américaines, il a condamné cette initiative mettant en danger la vie de milliers de soldats US en Irak et en Afghanistan. Le pasteur extrémiste américain a donc été contraint d'abandonner son projet devant les oppositions qu'il a soulevées dans son propre camp, aux Etats-Unis, mais aussi devant la riposte des populations musulmanes. Les agences de presse ont fait état des manifestations qui se sont déroulées à Kaboul et dans quatre provinces d'Afghanistan après les prières de vendredi ; les manifestants ont même attaqué une base militaire américaine. Le général David Petraeus, commandant des forces américaines en Afghanistan, avait senti le danger que l'autodafé ferait courir aux troupes américaines : «les images d'un Coran en flammes seront sans aucun doute utilisées par les extrémistes en Afghanistan et dans le monde pour exciter l'opinion et inciter à la violence», a-t-il souligné dans un communiqué. Aux alentours de Kaboul, des manifestants se sont regroupés devant une mosquée, pour brûler des drapeaux américains et des portraits du pasteur de Dove Center. Ils ont scandé des slogans anti-américains et ont réclamé le retrait immédiat des troupes américaines d'Afghanistan. De son côté, le porte-parole des Affaires étrangères à Téhéran, a conseillé «aux pays occidentaux d'empêcher l'exploitation de la liberté d'expression pour insulter les livres saints, sinon les sentiments que cela provoquerait dans les nations musulmanes ne pourraient être contrôlés». Quant au chef de la mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan (Manua) Staffan de Mistura, il avait exprimé son inquiétude. «Nous sommes profondément préoccupés par l'intention d'un groupe religieux de brûler un exemplaire du livre sacré de l'Islam. Il ne faut pas confondre la liberté d'expression avec l'intention d'offenser la religion de millions de gens», avait-il indiqué. Le pasteur américain extrémiste, qui se croyait libre de se comporter comme bon lui semble, a été obligé de se plier aux exigences de la stratégie américaine dans le monde musulman et aux pressions des populations musulmanes.