Deux ouvriers journaliers de cette localité exerçant dans le secteur du bâtiment, H.H., 47 ans, et S.F., 34 ans, seront, de nouveau appelés à la barre pour répondre du seul chef d'inculpation, d'«atteinte et offense à un des préceptes de l'Islam, le jeûne, durant la période du mois de carême». Les deux mis en cause ont été arrêtés par les services de police le 13 août dernier, soit au 3e jour du mois du Ramadhan pour avoir «consommé de l'eau». C'était dans un chantier de bâtiment. A peine auditionnés, ils ont été déférés au parquet. Leur procès devait avoir lieu le 18 août dernier. La population, «indignée» par ce que d'aucuns ont qualifié de forme de mépris et de provocation, s'est vite mobilisée. Un sit-in de protestation a été organisé le jour même du procès. Les citoyens venus nombreux prendre part à ce rassemblement ont exigé la libération sans condition de leurs concitoyens arrêtés, disaient-ils, de manière arbitraire. Devant cette forte mobilisation citoyenne plus que jamais déterminée à se battre contre cette forme d'injustice, le juge a décidé de reporter le procès. Depuis, un large mouvement de solidarité avec les deux mis en cause a pris forme aussi bien à l'échelle nationale qu'internationale à travers notamment la circulation, sur le Net, d'une pétition dénonçant ces arrestations «arbitraires», et des groupes de soutien à ces deux mis en cause se sont organisés. Pour la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH) qui a dénoncé la tenue de ce procès, ces arrestations ne reposent sur aucune base juridique et relèvent plutôt de «procédures illégales au regard du droit positif algérien et aux conventions internationales ratifiées par l'Algérie». Dans une déclaration rendue publique avant-hier dimanche, par la Maison des droits de l'homme et du citoyen de Tizi Ouzou relevant de la LADDH de Me Hocine Zehoaune, a demandé la libération de ces deux personnes considérant que la procédure en elle-même est «illégale au regard de la loi algérienne et aux conventions internationales ratifiées par l'Algérie». Ces poursuites pénales, poursuit le document de la LADDH, succèdent à celles déjà engagées contre d'autres citoyens dans les wilayas de Tébessa, Béjaïa (Akbou) et, Bouira, sur la base du même chef d'inculpation, non-respect d'un des préceptes de l'Islam, le jeûne, tiré, estime la LADDH, d'une fausse application de l'article 144 bis, aliéna 2 du code pénal. L'organisation de Me Hocine Zehouane, fait cas, à travers cette déclaration de «théocratisation rampante de la justice» algérienne au vu de la récurrence dans l'espace et le temps de cette dérive. Et de conclure : «Toute référence à la charia ne peut être invoquée qu'à titre supplétoire dans des situations lacunaires de vide juridique du droit positif algérien». Notons par ailleurs que le député Tarik Mira (Béjaïa, ex-RCD) a déposé, jeudi, sur le bureau de l'Assemblée populaire nationale une question orale à l'adresse du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould Kablia, relative à l'interpellation de «de non-jeûneurs» à Aïn El Hammam dans la wilaya de Tizi Ouzou, Ighzer-Amokrane (Ouzellaguen) à Béjaïa et à Tébessa. Le député indépendant demande des explications quant aux bases sur lesquelles les services de police ont procédé aux arrestations de citoyens pour «non observance» du jeûne, un des préceptes de l'Islam. «L'article 144 bis-2 du Code pénal, par ailleurs si vague et si extensible, sur lequel, les services de police semblent avoir assis leurs actions est-il supérieur à l'article 36 de la Constitution algérienne qui garantit l'inviolabilité de la liberté de conscience (Article 36 : La liberté de conscience et la liberté d'opinion sont inviolables)», note le député de la wilaya de Béjaïa dans son courrier. Rappelant que l'Algérie a ratifié des pactes internationaux et que le droit algérien consacre la suprématie de ces pactes sur la Constitution et de celle-ci sur les lois et les règlementations, il précise que «toute personne a droit de pensée, de conscience et de religion, ce droit implique la liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix».