C'est sur la base de l'article 144 bis du Code pénal que 12 personnes sont poursuivies devant les tribunaux. «Il n'y a aucun texte de loi qui interdit ou condamne la non-observance du jeûne dans un lieu public avant l'appel du muezzin», a affirmé Me Fatma-Zohra Benbraham, éminente avocate, jointe, hier, par téléphone. Cette dernière a expliqué que la relation de foi est verticale. Elle concerne l'individu et son Créateur. «Or, la loi régit les rapports horizontaux. Elle règle les relations entre les êtres humains», a fait remarquer Me Benbraham. Elle n'y est pas allée avec le dos de la cuillère pour dénoncer l'arrestation de 14 personnes pour non-observance du jeûne. Un restaurateur a été mis sous mandat de dépôt et treize citoyens poursuivis pour n'avoir pas observé le jeûne du Ramadhan. Cela s'est passé à Ouzellaguène dans la wilaya de Béjaïa et à Aïn El Hammam dans la wilaya de Tizi Ouzou. A Ouzellaguène, le restaurateur a été arrêté la main dans le plat. Il a été placé sous mandat de dépôt pour avoir servi à déjeuner à 11 personnes. Il sera jugé en compagnie de ses clients aujourd'hui. Ces personnes seront poursuivies sur la base de l'article 144 bis du Code pénal. Cet article stipule que tout individu qui porte atteinte aux préceptes de l'Islam par des écrits, des dessins ou tout autre moyen est passible de 3 à 5 ans de prison. Deux ouvriers de Aïn El Hammam risquent de connaître le même sort. Ils ont été surpris par des policiers en train de boire de l'eau dans l'enceinte d'un chantier. Ces derniers sont convoqués au tribunal le 21 septembre prochain. Le même jour, un rassemblement de soutien aux accusés est prévu. Ces arrestations ont suscité de vives réactions, notamment celles des organisations, associations et personnalités nationales qui ont lancé une pétition contre ce procédé. «L'Islam n'a pas besoin de gendarme», a fulminé Me Benbraham. L'avocate a poussé très loin le curseur: «Qui a mandaté ces juges à interférer entre Dieu et ses créatures?», s'est-elle demandé. Pour elle, la répression est loin d'être le moyen idoine pour prendre en charge ces cas. Les hommes de religion ont eux aussi, un avis sur la question. «L'atteinte au mois sacré est interdite. Sauf si elle est justifiée par un motif reconnu par la charia», a déclaré Rabah Merabtine, membre du bureau central de la fetwa au ministère des Affaires religieuses et des Wakfs, contacté, hier, par nos soins. Pour ce dernier, la responsabilité incombe en premier lieu aux parents d'inculquer à leurs enfants les préceptes de l'Islam. Le cas échéant, la société intervient. «Dans le cas où ces deux segments ne fonctionnent pas, l'intervention de l'Etat devient nécessaire», a estimé Merabtine. Cela dit, ce dernier a précisé que les employés des hôtels et établissements sont autorisés à servir à manger aux ressortissants étrangers. «Ces derniers ne sont pas musulmans. Donc, ils ne sont pas concernés par l'obligation d'observer le jeûne», a-t-il argumenté. «La loi ne peut s'appliquer aux étrangers du moment que la religion elle-même ne s'y applique pas», a indiqué, de son côté, Me Benbraham. En outre, cette dernière va soulever l'ambiguïté entourant les prérogatives du ministre des Affaires religieuses. «Il a récemment déclaré qu'il était ministre des cultes. Cela suppose que son département se porte garant du respect de la liberté de culte», a souligné l'avocate. La question de la liberté de culte mérite débat. «Seulement, qui a le courage de lancer ce débat?», a questionné Me Benbraham. Pour cette dernière, il n'est pas nécessaire d'actionner la justice pour un motif religieux. Le ministre avait estimé que les Algériens sont libres de ne pas faire le carême, mais qu'ils fassent preuve de discrétion. Ce qui était le cas pour Béjaïa.