Le futur empereur est né le 3 novembre 1852. Il passe pratiquement toute son enfance à Kyoto. En 1860, il est adopté et prend alors le titre de prince couronné. Jeunesse et accession au trône Mutsu Hito fut élevé dans un Japon pétri de traditions, isolé et dominé politiquement par la dynastie de shogun (dictateur militaire) depuis le début du XVIIe siècle. A cette époque, l'empereur japonais est, surtout, un symbole spirituel, et un curieux jeu de paravent s'est instauré et relégué la famille impériale à une simple figuration. En janvier 1867, Mutsuhito épouse une fille d'un seigneur japonais qui jouera un important rôle public. L'année 1867 est primordiale. Cette année, en effet, marque le début d'une période de profonds bouleversements politiques et sociaux. Depuis 1853 et les premiers accords commerciaux avec les Occidentaux, le Japon est la proie de luttes latentes de plus en plus violentes entre les conservateurs et les réformistes. Ces luttes mettent à mal le pouvoir du shogun qui ne sait pas réagir à la hauteur des enjeux. Il est contraint d'abandonner l'exercice effectif du pouvoir et remet ce dernier à Mutsu Hito qui devient empereur à l'âge de 15 ans. L'ère Meïji ou «le gouvernement éclairé» Mutsuhito est jeune et sait qu'il doit allier les mesures symboliques et les réformes de profondeur, afin d'éviter que les Occidentaux ne prennent le contrôle du pays. Pour cela, il est aidé d'oligarques qui saisissent immédiatement la nécessité de prendre l'initiative politique en ces temps troublés. Les conseillers de l'empereur sentent la nécessité de fixer un cadre légal à la restauration Meïji. L'idée d'une Constitution s'impose (1867). Ce travail est confié à un groupe d'oligarques. Le but de ces derniers est de préserver les prérogatives du pouvoir impérial qui viennent d'être restaurées mais, également, d'apparaître comme un pays moderne sur le modèle occidental. On crée un poste de Premier ministre nommé et révoqué par l'empereur, un Parlement avec une chambre élue. En réalité, ce système ressemble plus aux balbutiements des démocraties parlementaires européennes qu'à une démocratie moderne. Le texte est resté assez flou pour favoriser l'apparition d'une pratique coutumière traditionnaliste et la primauté des oligarques issus des vieilles familles de la noblesse. Des réformes sociales d'ampleur alliant modernité et tradition En 1868, l'empereur Mutsu Hito abolit la féodalité et déménage sa cour de Kyoto à Edo qu'il rebaptise Tokyo et la même année, il promulgue une série de textes visant à installer un «gouvernement éclairé» inspiré des démocraties occidentales. C'est dans le même esprit réformateur qu'il abolit la hiérarchie séculaire instaurée par les shoguns et tout le système de l'ensemble des castes de la société japonaise. Certes, les m?urs auront encore la vie dure, cependant les seigneurs doivent, désormais, rendre leurs fiefs à l'empereur et l'ensemble des clans militaires sont dissous. On interdit aussi le port du sabre aux samouraïs et afin de ne pas laisser ces anciens guerriers tomber dans le banditisme, une armée est créée. Un effort est, également, fait en faveur de la marine notamment avec l'aide de la France. Au début des années 1870, un grand programme de construction de lignes de chemin de fer est lancé. En 1874, on inaugure la première ligne reliant Tokyo à Yokohama. On instaure un système bancaire en même temps que l'on crée le yen pour faciliter les échanges à l'intérieur du pays comme à l'extérieur. C'est à cette époque que les Japonais acquièrent leur renommée de copistes. Les Occidentaux ont l'autorisation de commercer au Japon en échange de la possibilité pour les Japonais de copier leurs produits manufacturés. Très rapidement, ils emmagasineront les savoirs occidentaux, les adapteront, les amélioreront et les revendront en Europe ou aux Etats-Unis. C'est sur modèle que le système éducatif est réformé. L'école devient obligatoire. L'objectif impérial est de constituer une administration compétente et réactive couvrant tout le territoire. On envoie des étudiants en Europe et aux Etats-Unis. Ces derniers deviendront les hauts fonctionnaires qui, eux-mêmes, formeront les futurs membres de l'administration impériale. Une nouvelle élite est née qui conduira l'Empire du Soleil levant vers le progrès et la prospérité. Pour autant, l'empereur ne souhaite pas faire table rase du passé. Il sait que son pays est très attaché aux traditions. Trois religions dominent alors le pays, le shintoïsme, le bouddhisme et le confucianisme. Les Japonais se réfèrent à chacun de ces trois dogmes en fonction des grandes étapes de la vie (naissance, mariage, décès). L'empereur réinvente une tradition nationale et fait du shintoïsme la religion nationale en y intégrant le culte de l'Etat et de son chef. De plus, il impose une séparation entre les trois grandes religions du pays. Mutsuhito, le premier souverain occidental d'Asie Dans l'article 5 de la charte instaurant le «gouvernement éclairé», il est écrit : «On ira chercher à travers le monde la connaissance afin de renforcer les fondements de la règle impériale.». Ce principe guidera sans cesse la volonté de Mutsu Hito qui bientôt va faire de son pays le premier pays occidental d'Asie. En somme, pour Mutsu Hito et son gouvernement, la meilleure manière de résister à l'Occident est d'occidentaliser le pays précisément. Avec le formidable développement industriel, les Japonais ont l'intention de devenir une vraie puissance régionale, notamment face à la Chine et à la Russie. En 1894, débute l'expansion territoriale avec la guerre sino-japonaise (1894-1895). Ce succès militaire conforte les Japonais dans leurs désirs expansionnistes. Convoitant, désormais, la Corée comme un véritable colonisateur, le Japon se heurte à la Russie tsariste, en 1905, et en sort vainqueur de façon brillante. En 1910, les Japonais annexent la Corée. Cette expansion territoriale est interprétée en Occident comme la montée du «péril jaune». Les Japonais se comportent alors comme les Européens et ne s'en cachent pas. Après avoir copié leurs savoirs scientifiques et industriels, ils les copient en matière de politique internationale. Mort de l'empereur L'empereur Mutsuhito meurt le 30 juillet 1912 à près de 60 ans et prend alors le nom posthume de Meïji. Son règne est une période de grande fierté pour les Japonais qui lui sont reconnaissants du vent de modernité qu'il a insufflé. Leur pays est, désormais, une puissance régionale économique et militaire incontournable. Il faut bien reconnaître que c'est sous son impulsion et au nom de la légitimité impériale que Mutsu Hito représentait, que les grands réformateurs dominant le gouvernement ont pu réaliser efficacement et rapidement toutes ces réformes bouleversantes sans effusion de sang et sans avoir recours au peuple…