Les banques de la zone euro ont fortement réduit leurs emprunts de liquidités à la Banque centrale européenne (BCE) à l'occasion d'une échéance clé jeudi, ce qui confirme le retour progressif à la normale des marchés monétaires et ouvre la voie à un désengagement graduel de la BCE des mécanismes exceptionnels mis en oeuvre pendant la crise. Les analystes interrogés par Reuters s'attendaient à ce que les banques reconduisent au moins 90% des 225 milliards de prêts à trois, six et 12 mois qu'elles devaient rembourser jeudi. Mais les banques ont en fait beaucoup moins emprunté, précisément 29,4 milliards à six jours après 104 milliards à trois mois mercredi. Pour les traders et les économistes, ce montant total de 134 milliards environ est bon signe pour les marchés monétaires. «La BCE devrait en tirer une conclusion très positive», estime un intervenant d'une grande banque européenne. «Cela revient pour les banques à dire : nous n'avons plus autant besoin de vos financements que dans le passé.» L'opération à trois mois de mercredi était la dernière réalisée au taux fixe de 1%, la BCE ayant décidé de rétablir l'ajustement du taux de ses adjudications en fonction de l'évolution de son taux de refinancement sur la période. Ce changement s'inscrit dans le cadre de l'abandon progressif des mesures exceptionnelles de soutien au secteur financier adoptées depuis fin 2008, un processus ralenti par la crise de la dette souveraine. «Les résultats d'aujourd'hui assurent à la BCE une importante marge de manoeuvre pour poursuivre sa stratégie de sortie de crise», estime Luca Cazzulani, analyste d'UniCredit. «Elle va poursuivre sa stratégie de sortie et tenter de gérer au cas par cas les pays dont les banques sont encore dépendantes (de ses financements).» Les périphériques en core fragiles La BCE devra prochainement décider quelles mesures elle reconduit au-delà de la fin de cette année. Ses dirigeants ont promis de ne pas priver les marchés de soutiens tant qu'ils n'auront pas retrouvé une situation suffisamment solide. Le vice-président de la BCE Vitor Constancio a déclaré jeudi que le montant inférieur aux attentes des emprunts à trois mois constituaient «la preuve d'une normalisation graduelle du marché monétaire». La diminution de l'excédent de liquidités sur les marchés a un impact direct sur les taux d'intérêt au jour le jour. En injectant des montants illimités dans le système pendant la crise, la BCE avait délibérément fait tomber ces taux sous son taux de refinancement, fixé à 1,0% depuis mai 2009. Les calculs de Reuters sur la base des données publiées par la banque centrale montraient un excédent de liquidités de 100 milliards avant les adjudications de cette semaine. «Avec la diminution d'environ 80 milliards d'euros d'aujourd'hui, nous sommes très, très bas en terme d'excédent de liquidités, donc cela devrait avoir un impact très important sur l'Eonia», estime Luca Cazzulani. «En se fondant sur les données historiques, on devrait voir l'Eonia se rapprocher de 1% d'ici 10 jours environ mais je ne crois pas que ce sera le cas. Les investisseurs continuer de penser que les banques des périphériques restent dépendantes de la BCE et qu'elles devront de nouveau augmenter leurs financements.» Les écarts de rendements entre emprunts irlandais et portugais d'une part, allemands d'autre part, ont atteint des niveaux records ces derniers jours en raison de la montée des préoccupations liées à leurs finances publiques.