A l'heure où nous mettons sous presse, l'affaire du trafic de ciment, la plus importante depuis l'avènement de ce phénomène dans notre pays, impliquait 258 personnes ayant procédé au trafic illicite et spéculé sur au moins 265 483 tonnes à partir des cinq usines de l'Est produisant ce matériau qui ne cesse de faire parler du fait de sa pénurie et de sa cherté sur le marché noir. Les premières pertes financières causées à l'Etat par cette activité illicite, qui a duré trois années, ont été estimées à plus de 169 milliards de centimes si on prend en compte le prix d'usine de 320 DA le sac de 50 kg. Ce même sac est revendu 800 DA sur le marché noir. Selon les enquêteurs et des spécialistes du domaine de la construction, les 265 483 tonnes détournées par les malfaiteurs pourraient servir à la réalisation de 8 850 appartements de types F3, alors que plusieurs chantiers accusent un important retard à cause de la pénurie et des prix inaccessibles de cette matière première vitale dans le domaine de la construction. Selon le colonel Mohamed Tahar Benaâmane, chef d'état-major du commandement régional de la gendarmerie de Constantine, l'enquête enclenchée depuis six mois au niveau de plusieurs wilayas de l'Est a permis l'interpellation, pour l'instant, de 258 personnes dont la plupart sont des entrepreneurs, des agents administratifs et des cadres des cinq usines de ciment de l'Est. Présentés devant la justice, cinq cadres, deux employés de banque, 27 entrepreneurs et commerçants, et huit chômeurs ont été écroués, alors que 88 personnes ont été mises sous contrôle judiciaire. 35 malfaiteurs identifiés demeurent en état de fuite. Le représentant de la Gendarmerie nationale a indiqué que l'enquête a touché, entre autres, l'usine de Aïn-Touta à Batna, celle d'El-Ma Labiod à Tébessa, l'usine de Hadjr Essoud à Skikda, de Aïn-Lakbira à Sétif et celle de Hamma Bouziane à Constantine. Les enquêteurs, ayant ciblé des milliers de dossiers, avaient détecté au niveau de ces entreprises de production de ciment plus de 200 dossiers administratifs falsifiés et d'autres contenant des registres du commerce douteux et des cartes de besoin en la matière justifiées pas des projets fictifs au sud du pays, d'où l'extension de compétence des services de gendarmerie dans la wilaya de Ouargla où il a été dévoilé une complicité de quelques administrations locales par la délivrance desdites cartes de besoin pour des projets inexistants. A noter, par ailleurs, que si l'on compte la valeur de la marchandise détournée des usines de l'Est durant les trois dernières années par le prix de la spéculation (800 DA le sac de 50 kg), elle dépassera les 398 milliards de centimes, soit une marche bénéficiaire pour les trafiquants de 228 milliards de centimes.