Avec sa verve habituelle et son langage populaire compréhensible par tous, Ahmed Ouyahia a battu en brèche toutes les critiques dont fait l'objet l'action gouvernementale. C'est sur un ton tranchant qu'il a répondu ce dimanche aux députés. Sur l'épineuse question de la corruption, le Premier ministre s'est fait le porte-parole du président de la République, en affirmant que le fait que ce dernier ou que lui-même n'aient pas évoqué ce dossier lourd lors de leurs dernières sorties médiatiques ne signifie pas que l'Etat s'en désengage ou que les responsables politiques veuillent esquiver le problème. «La corruption se combat par les actes et non par les discours», a martelé Ouyahia, en réponse aux détracteurs de la politique menée par les services de sécurité contre ce fléau qui gangrène l'économie nationale depuis l'Indépendance. Aux voix qui s'élèvent à l'intérieur comme à l'extérieur sur les classements récurrents de l'Algérie au bas du tableau des pays les plus performants et qui caracole en tête de ceux où la corruption fait des ravages et où le climat d'investissement est «pourri», le Premier ministre a laissé entendre que ces indices peu crédibles répondaient à des considérations subjectives, voire malintentionnées. Pour preuve, il a invité les députés à juger par eux-mêmes le classement favorable de pays dont la situation est loin d'être enviable : «Parce que l'Algérie n'est pas de nature à courber l'échine », a expliqué Ouyahia, allusion à des pays qui débrident leur économie et bradent leurs richesses aux puissances étrangères pour des pacotilles. S'agissant de l'affaire Djezzy, là encore, le Premier ministre n'a pas été par trente-six chemins pour confirmer la position de son gouvernement. Pour Ahmed Ouyahia, l'Algérie n'a qu'un seul interlocuteur pour le rachat de la filiale algérienne d'Orascom Telecom Holding (OTH) – car rachat il y aura – : l'Egyptien Naguib Sawiris. Ouyahia balaie ainsi du revers de la main toutes les supputations et autres informations avérées, exagérées ou farfelues, selon lesquelles le gouvernement algérien pourrait engager des négociations avec le «repreneur» russe Vimpelcom. Mieux, le Premier ministre a rassuré que le terrain était balisé et toutes les précautions prises pour que le rachat se fasse dans le sens de la sauvegarde des intérêts de l'Algérie. Avant cela, a rappelé Ouyahia, OTH devra apurer sa situation vis-à-vis des institutions algériennes envers qui il est redevable de sommes colossales. D'abord, les services des impôts et les employés de la défunte Lacom, laissés sur le carreau après la dissolution de la société. Ensuite, c'est devant la justice algérienne que Sawiris devra s'expliquer sur les transferts illégaux de fonds vers l'étranger. Toutes les gesticulations de l'opérateur égyptien, qui paraissaient vaines avant que le Premier ministre n'enfonce le clou, avant-hier, sont désormais définitivement enrayées. Ahmed Ouyahia n'a pas manqué de lancer une flèche à une certaine presse qui s'est fait le porte-voix de Djezzy pour avoir bénéficié d'une grosse manne publicitaire de cet opérateur plus que controversé qui a, dès le départ, consacré un budget faramineux pour vendre l'image d'une entreprise dont tout, pourtant, indiquait qu'elle se servait des médias pour camoufler des pratiques en porte-à-faux avec les lois de la République que Naguib Sawiris et ses collaborateurs algériens ont piétiné des années durant. Ouyahia a eu raison de rappeler cela, puisque Djezzy, à travers son service de «communication», n'a lésiné sur aucun moyen pour gagner la faveur de certains journaux avant de leur imposer son diktat ; cela va de l'achat d'espaces publicitaires à tire-larigot aux séjours touristiques dans de somptueux hôtels à Charm El-Cheikh et ailleurs, en passant par les réceptions mondaines à la libanaise et, par la suite, à l'égyptienne… Même constat s'agissant de l'affaire Khalifa. Ahmed Ouyahia n'y est pas allé de main morte dans sa réponse aux députés : «L'Etat n'a rien à cacher», a-t-il précisé, ferme sur ses étriers, en réponse à ceux qui laissent entendre que la guerre menée depuis quelque temps contre la corruption serait la traduction d'une «lutte de clans». A cela, le Premier ministre rétorque : «Pour votre malheur, le régime est uni !» Il faut dire que cette digression sur l'affaire Khalifa est venue comme une réaction à certains milieux relayés par quelques confrères, qui qualifient le procès Khalifa de «parade» dont le seul but serait de jeter des «lampistes» à la vindicte publique et d'occulter les véritables coupables. «La justice est libre ; c'est à elle de trancher», a conclu le Premier ministre.