Cette affluence est bien visible, ces jours-ci, dans les marchés populaires hebdomadaires et quotidiens, quasiment envahis, à la recherche d'un mouton à «pedigree» donnant également lieu à d'interminables va-et-vient d'automobilistes et de maquignons à travers les campagnes et les zones d'élevage. Contrairement au commun des mortels, les habitants de cette région arrivent facilement à distinguer un mouton du tell d'un animal ayant vu le jour, grandi et brouté dans la steppe du Hodna. Ce dernier est reconnaissable, dit-on, à ses traits bien proportionnés, à sa forme et à sa taille élevée. Selon des éleveurs, un mouton de 6 mois de la race Ouled Djellal du Hodna serait plus grand, de 30 cm environ, que son semblable des autres régions du pays. Pas forcément cornu, un bélier de cette race peut avoir un poids de plus de 40 kg de carcasse. La qualité de sa viande serait inégalable et les fins gourmets savent même, ici, différencier la viande d'un mouton, d'un agneau et d'une brebis. Cette qualité est toutefois tributaire du type d'alimentation de l'ovin, affirment des «spécialistes» des marchés à bestiaux qui précisent que la meilleure chair est celle de la bête qui pait dans la végétation de la steppe, constituée notamment d'armoise et d'Atriplex. Un ovin gavé d'aliments pour volailles présentera la même forme typique des Ouled Djellal mais sa viande sera «fade et insipide», avertissent-ils, avant de souligner que ces dernières bêtes sont reconnaissables à la couleur blanc-clair de leur laine qui vire plutôt vers le jaune chez les ovins paissant dans cette région. Les habitants de M'sila, bien au fait des techniques d'élevage, préfèrent, eux, se diriger vers les éleveurs faisant partie de leurs «connaissances» dont ils savent qu'ils pratiquent à longueur d'année cette activité selon les procédés traditionnels même si les prix peuvent parfois dépasser ceux du marché. La toison du mouton m'sili n'est pas abondante contrairement aux autres espèces à toison touffue qui donnent à l'animal une allure imposante. Une taille qui peut toutefois, avertit-on encore, «dissimuler la maigreur de l'animal». C'est ainsi que de nombreux acheteurs ainsi «briefés» choisissent leur mouton à la couleur de sa laine. Les plus avertis optent pour une toison blanche virant un peu vers le jaune, ce qui représente, ici, une «marque de fabrique». D'autres préfèrent le mouton brun même s'il reste très rare sur les marchés du Hodna. Dopés par le carrousel des acheteurs, les prix des moutons, à M'sila, zone d'élevage par excellence avec un cheptel de 1,5 million d'ovins, évoluent, d'une année à une autre, selon une courbe ascendante. Période de forte demande, la fête annuelle de l'Aïd El-Adha donne aussi lieu à l'apparition d'un grand nombreux d'éleveurs occasionnels qui «se la jouent» professionnels. Hadj Mokhtar, un authentique connaisseur venu de Berhoum, mandaté par des amis pour faire l'acquisition de quatre bêtes, ne s'en laisse pas facilement conter. «A ces gens, je réserve trois questions, et s'ils répondent sans hésiter, ce sont de vrais éleveurs de métier, sinon j'irais voir ailleurs'', dit-il d'un air espiègle avant d'ajouter qu'il est inutile de lui demander de quelles questions il s'agit. C'est un peu son «petit secret».