Après un an d'attente et deux semaines de négociations effrénées, le sommet de Copenhague sur le climat de décembre 2009 s'était achevé dans la frustration et dans l'amertume. Rien de surprenant, donc, à ce que la nouvelle phase de négociations des Nations Unies, qui vient de s'ouvrir à Cancun, soit d'ores et déjà considérée comme inutile par nombre d'observateurs. Il suffit de lire les gros titres: «Négociations sur le climat de Cancun: pronostic pessimiste» (Bloomberg); «Conférence sur le changement climatique: les espérances revues à la baisse» (Voices of America); «Les négociations sur le climat de Cancun n'iront nulle part» (L'Indian Express, qui cite ici le négociateur climatique en chef de l'Inde). Les décideurs politiques sont encore plus pessimistes en privé qu'ils ne l'ont été en public. L'accord de Copenhague en trois points Les journalistes, les chroniqueurs et les analystes ont raison de ne pas attendre grand-chose de Cancun – mais il serait faux, et même dangereux, de penser que ce sommet est sans importance. Les négociations de l'an dernier ont donné naissance à l'«accord de Copenhague», engagement politique alors vivement critiqué. Cet accord a, pourtant, plus de valeur et d'importance que la majorité des observateurs ne le pensent – et son avenir pourrait bien être compromis par Cancun. Si les négociateurs y mettent un terme (comme l'espèrent – officieusement – de nombreuses personnes), ils ne parviendront pas à un accord plus proche de leurs idéaux; ils repartiront bredouilles. L'accord de Copenhague a réalisé trois choses d'importance. Il a mis en place une série de critères permettant d'évaluer la lutte contre le changement climatique de chaque pays. L'objectif étant par exemple de tout faire pour empêcher les températures de dépasser de plus de deux degrés centigrades les niveaux préindustriels, et de collecter «jusqu'à 100 milliards de dollars» d'ici 2020 pour aider les pays en développement à faire face au changement climatique. On a demandé à chaque pays (à l'exception des plus pauvres) d'élaborer un plan national de réduction des émissions; plus de cent s'en sont acquittés (y compris la Chine et l'Inde). L'accord a, également, imposé la transparence aux pays signataires, afin que les autres nations puissent évaluer leurs progrès. Insuffisant peut-être, mais pas inutile Malgré ces avancées significatives, l'accord fut violemment attaqué pour ses lacunes; plusieurs commentateurs ont, par exemple, souligné qu'il n'avait pas force de loi. Mais dans le monde de la diplomatie, la frontière entre engagement formel et accord reposant sur l'honneur peut être des plus troubles. Le protocole de Kyoto avait force de loi, mais le Canada y a fait de nombreuses entorses sans subir la moindre pénalité; la Chine, elle, adhère au protocole en pratique – mais seulement parce que ce dernier n'exigeait rien de Pékin. Rien ne permet d'affirmer qu'un accord plein de bon sens ne peut être plus efficace qu'un contrat sans ambition ayant force de loi. D'autres ont fait remarquer que les promesses de réduction des émissions faites par chaque pays dans le cadre de l'accord de Copenhague ne permettraient pas, dans l'ensemble, d'atteindre l'objectif des deux degrés centigrades. Mais ces promesses ont tiré le monde du statu quo – et l'accord n'empêche en rien les pays signataires de consentir à de nouveaux efforts à l'avenir. L'accord de Copenhague est certes insuffisant – mais cela ne veut certainement pas dire qu'il est inutile. La plupart des attaques visant l'accord reposent sur un raisonnement ridicule: elles le comparent systématiquement à une entente idéale, évidemment irréalisable. L'accord politique négocié par les chefs d'Etat réunis à Copenhague relève de l'art du possible. Le sommet de Cancun pourrait bien mettre un terme à cet accord. L'échec de la Bourse du carbone aux Etats-Unis a sapé l'influence du plus important partisan du texte original. Les pays riches souffrent de la pression fiscale ; l'objectif des cent milliards de dollars va donc être difficile à remplir. La Chine regrette d'avoir signé depuis le début, et fait de son mieux pour empêcher un nouveau renforcement de la transparence. Ceux qui veulent discréditer Copenhague sont confortés par l'impression – communément partagée – que tout cela n'a, au final, pas beaucoup d'importance.