Samedi 11 décembre, le festival Africolor accueillait une soirée inédite un hommage au poète et chanteur kabyle Slimane Azem (1918-1983) assuré par son compatriote et digne héritier Takfarinas, porteur de la Yal Music. Ce soir-là, youyous et ambiance survoltée ont investi le Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis en banlieue parisienne. Samedi 11 décembre, le théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis affiche complet. A l'extérieur, des malchanceux sans tickets font le pied de grue. Ce soir-là, une très large majorité de Kabyles est venue acclamer deux idoles de leur communauté : le chanteur-poète, héraut de l'exil, Slimane Azem, disparu en 1983, auquel rend hommage le célèbre Takfarinas. Une soirée inédite à l'initiative du festival Africolor. Après une première partie assurée par Sami Pageaux-Waro à la kora et Kahina Zaimen au violon, cordes entremêlés sur des morceaux de Slimane Azem, auquel succède le groupe kabyle Bétèka. Le public survolté attend son idole, digne représentant de cette région d'Algérie. Avec sa tenue funky – pantalon moulant et tee-shirt échancré –, Takfarinas débarque sur scène, accompagné d'un orchestre rock. Une flopée de youyous et d'applaudissements fusent dans l'air. Avec son instrument emblématique, une mandole électrique à deux manches, le chanteur parle «de la part de Slimane Azem», une icône qu'il n'a rencontrée qu'une seule fois, cinq trop courtes minutes... Juché sur un tabouret, Takfarinas interprète donc les compositions de son idole, patrimoine de la culture kabyle, brins de poésie métaphoriques, façonnés il y a quelques décennies dans les cafés de Paris : des œuvres qui furent les mots, la musique et la bande-son de milliers d'émigrants débarqués en France, poussés par la nécessité économique. Des tubes façon Yal Music Boostés à l'énergie, aux rythmes, au groove basse-batterie, les tubes de Slimane Azem, parmi lesquels la cultissime A Moh A Moh, prennent une autre tournure, sous l'œil suspicieux de quelques anciens, au prime abord surpris de ces nouvelles versions. Les plus jeunes, quant à eux, «kiffent» la proposition yal music, ce style revendiqué par Takfarinas. Yal Music : le terme vient de «yal...lala, yal...lala», et signifie à la fois «naissance» et «chaque». «Chaque», comme chacun, comme la multitude, venue apprécier l'hommage. Et dans le public, ils étaient tous là : Mehdi le buraliste qui avait abandonné son commerce aux bons soins de son père ; Ali le fromager accouru après avoir fermé boutique ; Brahim, qui a relégué ses révisions de l'université pour un autre soir ; ou encore Nordine, sur scène, chauffeur de taxi et choriste, qui interprète Algérie mon beau pays, tandis que se déploie dans la salle le drapeau kabyle. La région représente bel et bien, quand le public se lève comme un seul homme pour danser, taper des mains, se montrer des photos du pays... Après l'hommage, Takfarinas reprend ses propres tubes, dont l'incontournable Zaâma Zaâma. Le public en liesse tente d'approcher l'idole, de monter sur les planches, la soirée atteint des sommets... En tout, l'artiste aura joué près de deux heures trente. Dans le public, des aficionados enthousiastes rouspètent pourtant en rigolant : «Je te jure, la dernière fois, il avait joué plus de trois heures !»