Aboire ! A boire ! L'empire a soif. L'empire a soif de pétrole. L'empire est sur le sentier de la guerre. Une soif inextinguible le hante, le harcèle, pourrit ses nuits, accable ses jours. L'empire rumine, l'empire cogite des plans de conquête qu'il entasse. Il rêve de gisements, de millions de barils, d'un réseau de pipe-lines enserrant le globe. L'empire rêve de tuyaux aboutissant sur ses côtes ou se déversant directement dans la bouche de ses habitants et les réservoirs de ses automobiles. Tel un goéland prisonnier d'une marée noire, l'empire est englué dans des rêves de pétrole. Vingt millions de barils du précieux nectar sont injectés chaque jour dans les rouages de la machine impériale. D'aucuns se plaignent et glapissent qu'il s'agit de l'équivalent de la totalité de ce qu'avale la circulation automobile sur le reste de la planète. Et alors ! répond l'empire dans un haussement d'épaules dédaigneux : quand les dieux ont soif, ils doivent être rassasiés, telle était la loi de l'empire sous le règne de Bush, et elle se poursuit dans l'Obamania. Ah ! les limousines de l'empire ! Si belles, si puissantes, si rutilantes avec leurs chromes étincelants, vastes comme des tramways dans lesquelles pourraient s'entasser les cageots de légumes, les paquets de provisions et les poules. Ces merveilles biberonnent hardiment quelque vingt litres de précieux nectar tous les cent kilomètres et en absorbent jusqu'à cinquante pour les plus gourmandes. Quant aux normes de protection contre la pollution, Pffttt ! ils laissent ces contraintes à ces sous-hommes qui n'ont pas l'insigne privilège de vivre au paradis. Le labeur d'assouvir la voracité insatiable de leurs limousines soiffardes, des systèmes de chauffage et de climatisation qui leur assurent en toutes saisons la douce température qui convient à leurs organismes subtils, des usines construites sans aucun souci d'économie d'énergie ou de protection de l'environnement, des aéronefs gloutons, tout cela occupe ces vampires de l'aube au couchant. Ces sangsues sous la cape d'«élus» sont d'une essence si délicate que même les stades sont chauffés et climatisés. Des notions telles que «économie d'énergie» et «respect de l'environnement» n'ont pas d'équivalent sémantique dans le vocabulaire de cette strate de l'empire. Toujours plus, toujours plus, l'empire est vorace et sa rapacité est sans limite. Représentant moins de quatre pour cent de la population mondiale, il consomme le tiers de l'énergie de toute la planète. Rien n'est trop beau…Du nord au sud et de l'est à l'ouest, de toutes les provinces de l'empire un grand cri monte jusqu'aux nues: «Oil ! Oil ! Nous voulons du pétrole très bon marché !» Une mélopée gémissante et accusatoire scande sur tous les tons les discours des politiciens : «Des terroristes jaloux veulent détruire notre mode de vie», se lamentent-ils. Un slogan met la classe politique de l'empire en transes : «Sécurité énergétique», hurlent-ils à tue-tête ! C'est pourquoi le premier commandement et le pilier central de la puissance mondiale de l'empire est de faire main basse sur les pays producteurs du précieux or noir. D'ailleurs, la source des richesses privées des dirigeants de l'empire et de leur entourage reste le pétrole. (Suivra)